samedi 17 octobre 2015

Interview explosive de Mélenchon à propos des cadres d'Air France... et des cadres politiques : « On n'a pas été chercher Cahuzac à 6h du matin »

Dans cette affaire, il y a deux éléments à distinguer : 

l'avenir de l'industrie aéronautique et le dialogue social

Concernant l'avenir de cette industrie, dans un contexte de pic du pétrole (notamment), de pollutions diverses et de capitalisme débridé, je ne me fais guère d'illusions. 
Et ce n'est pas du jus d'algue qui va résoudre le problème.

Concernant le dialogue social, la parole est à Mélenchon.





Et à Roberto Boulant



Prédateurs !


Bien que hautement justifiée et naturelle, la saine colère des personnels d’Air France est sans doute une réponse émotionnelle inappropriée.
Pour au moins trois raisons :
1- Parce qu’il ne s’agit plus de lutter contre un adversaire patronal dans un rapport de forces plus ou moins symétrique, et dans un cadre législatif recherchant un niveau de dissensus social le plus bas possible. La haute finance a conquis Bercy, et il suffit pour s’apercevoir que le consensus républicain n’est plus à l’ordre du jour, de lister le bric-à-brac libéral contenu dans la loi de l’ancien banquier M. Macron : limitation du rôle des prud’hommes, affaiblissement du code du travail, accroissement du travail du dimanche et de nuit, déréglementation de diverses professions, privatisation des aéroports et filialisation de centres hospitaliers universitaires. Sans oublier pour le pays organisateur de la COP 21, l’assouplissement des normes environnementales…
2- Parce que la dissymétrie des rapports de force entre transnationales et syndicats, rend illusoire toute victoire dans la sauvegarde des emplois. Ne peuvent plus exister que des combats de retardement, c’est-à-dire des combats désespérés sans nul perspective de victoire.
3- Parce que le dieu Marché, celui de l’argent fou, tient les gouvernements dans sa main. Faut-il encore rappeler les contre-vérités du candidat François ‘mon-ennemi-c’est-la-finance’ Hollande, ou le fait que M. Valls ne représente qu’une infime minorité d’un parti lui-même minoritaire ? Mais peu importe pour ces gens la légitimité, la légalité leur suffit. Pour voler dans tous les médias au secours de la direction d’Air France, mais également comme le permet maintenant la loi sur le renseignement, pour déployer une armada de mesures de surveillance, sous le très flou concept de ‘préservation des intérêts économiques français’. Sans doute serait-il sain aux personnels d’Air France de prendre en compte l’éventualité d’un espionnage par l’État, de tous leurs échanges électroniques…
Le tableau est donc clair, nous ne sommes plus dans une lutte contre des adversaires idéologiques, dans le cadre de lois républicaines favorisant à minima un certain équilibre des forces. Nous sommes maintenant dans une logique d’écrasement systématique des travailleurs, à qui il n’est donné aucune chance de se défendre.
Je sais que le terme est à la mode, mais pour le coup, il s’agit bel et bien d’un changement de paradigme : le vieil adversaire défendant ses intérêts de classe s’est mué en prédateur ! Il considère maintenant les ‘sans-dents’ comme une espèce différente, par nature inférieure !
C’est en cela, comme le prouve cette hallucinante vidéo, que la colère est inadaptée à cette inédite situation tactique. Ça n’est pas la vieille morgue ou le mépris de classe qu’il faut lire dans la non réponse à l’appel au dialogue… mais plutôt la totale absence d’empathie face à l’objet ‘petit personnel’.
L’absence de toute charge émotionnelle d’un prédateur face à sa proie !
Et nous voilà livrés à la sidération. Comment sauvegarder la paix civile puisque le dialogue social n’existe plus que dans les discours ? Comment lutter contre le dieu Marché, celui qui valorise plus une compagnie naine du low-cost, qu’un géant comme Air France ? Comment accepter l’idée que son propre gouvernement puisse favoriser Qatar Airways en lui octroyant des créneaux supplémentaires sur nos aéroports, alors que les standards sociaux de cette compagnie sont si bas ?
C’est la sécession des riches et leur contrôle des politiques macro-économiques qui nous conduisent tout droit au chaos.
Et dire que ces fous pensent pouvoir contrôler ce qui en sortira. Comme si nous n’apprenions jamais rien…

source : http://www.pauljorion.com/blog/2015/10/07/predateurs-par-roberto-boulant/


... et à Benoît Thévard


Gestion du conflit social d'Air France: de quoi s'inquiéter pour l'avenir !

13 Octobre 2015 , Rédigé par Benoît ThévardPublié dans #Regard critique

Depuis plusieurs jours, les médias s'intéressent davantage à une chemise déchirée qu'à 2900 suppressions de postes (300 pilotes, 900 hôtesses et stewards, 1700 personnels au sol). Sans rentrer dans le détail des raisons qui conduisent un conseil d'administration à engager un tel plan social, il y a tout lieu de s'inquiéter sur les conséquences et leurs traitements médiatique et politique.
Cette crise est comme un essai pour ce gouvernement, car le contexte économique n'est pas trop défavorable et la situation est encore gérable. C'était donc le moment de tester ses capacités à gérer la crise de manière équitable, de se préparer à des lendemains qui pourraient déchanter. Pourtant, nos élus prennent clairement parti etsoutiennent la violence sociale des puissants face à l'instinct de survie des plus faibles, ils font le choix de la division face à l'épreuve. Lorsque l'on observe cela avec, en arrière plan, les perspectives économiques, climatiques, énergétiques et sociales qui nous attendent, il y a de quoi s'inquiéter.
Pierre Plissonnier, responsable de l'activité long courrier d'Air France malmené par les salariés. Photo AFP
Pierre Plissonnier, responsable de l'activité long courrier d'Air France malmené par les salariés. Photo AFP
L'absence d'anticipation
Tous les choix politiques actuels tendent à prolonger, le plus longtemps possible, unsystème à l'agonie. L'obsession pour la compétitivité et la croissance économique empêche le gouvernement de prendre des décisions qui pourraient permettre de choisir plutôt que subir la baisse des consommations d'énergie, la reconversions des industries pour la transition écologique et énergétique, la décentralisation, la résilience face au dérèglement climatique. Même la loi sur la transition énergétique n'est là que "POUR la croissance verte" et reste grandement incohérente et inapplicable.
L'absence de pédagogie
Le monde change et chacun doit pouvoir comprendre pourquoi nos modes de viedevront évoluer. La profusion d'informations qui circulent sur internet contraste avec le vide des journaux télévisés qui continuent de forger les esprits du plus grand nombre. Or, qu'y a-t-il de plus terrible que de découvrir une vérité qui dérange lorsqu'on est au pied du mur ? Je pense qu'un jour ou l'autre, tous les salariés d'Air France (comme ceux d'Airbus et bien d'autres) seront confrontés à la fin du pétrole abondant et que si personne ne l'explique, il y aura bien d'autres chemises arrachées.
Les journéaux télévisés sont souvent le théâtre de demande d'excuses ou de condamnation des actes des salariés, rarement de condamnation des injustices sociales ou de pédagogie constructive.
Les journéaux télévisés sont souvent le théâtre de demande d'excuses ou de condamnation des actes des salariés, rarement de condamnation des injustices sociales ou de pédagogie constructive.
L'absence de projet
La fracture sociale s'élargit et laisse sur le bord de la route des millions de personnes qui sortent du grand jeu de la mondialisation. Humanitaires, RSA, Pôle Emploi ne parviennent même plus à contenir la misère sociale qui grandit chaque jour. Si au moins notre pays avait un projet, nous pourrions rassurer tous ces salariés qui restent dans la peur et la détresse. Nous pourrions leur proposer de construire une nouvelle économie soutenable, plus équitable, plus coopérative, plus résiliente, plus locale. Moins d'énergie, cela veut dire moins d'esclaves énergétiques et donc plus de travail et moins d'exclusion sociale. Pour en avoir fait l'expérience, on peut diviser par deux ou trois son train de vie, tout en étant socialement comblé. Pour cela, il faut déjà, bien sûr, avoir  de quoi vivre, mais il faut aussi avoir pu le choisir et l'anticiper !
Fermeté sans humanisme
Quand les temps sont difficiles, il faut savoir faire preuve d'humanisme. On ne peut décemment pas, lorsque l'on est censé représenter le peuple, tourner le dos au plus grand nombre et ne soutenir que les plus puissants. On doit comprendre les uns et les autres, faire preuve de pédagogie et d'humilité, et tout faire pour améliorer les choses. Force est de constater que si la situation ne fait qu'empirer dans les mois qui viennent, le gouvernement de la France sera ferme à l'égard de ceux qui ont tout perdu et ne permettra pas que leur colère s'exprime. Et honnêtement, je doute que la situation s'améliore...
Le Premier Ministre prend parti pour la direction d'Air France
Inquiétude
Le sentiment qui domine aujourd'hui, c'est l'inquiétude. J'observe que rien n'est fait, lorsque c'est possible, pour limiter la casse sociale. Lorsque ce n'est pas possible, rien n'est fait pour anticiper la crise, expliquer la nécessité du changement, et proposer ou soutenir des alternatives. L'État montre qu'il n'est pas apte à vivre une crise sociale majeure, car il use exclusivement de la fermeté et de la peur qui ne pourront jamais rien résoudre. Il semble incapable de proposer un nouveau projet et se contente d'écoper et de coller des rustines. Ce n'est pas vraiment propre à ce gouvernement, mais celui-ci avait promis le changement, un changement socialiste, c'est-à-dire en faveur d'une organisation économique et sociale plus juste. Lesentiment de trahison n'en est que plus intense pour les plus modestes.
Rassembler
Je m'efforce toujours de mettre en avant le besoin de rassembler tous les acteurs de la société quels qu'ils soient. Nous sommes face à un défi immense: réinventer une nouvelle manière de vivre en quelques décennies. Le climat, l'énergie, les ressources, l'économie, la démographie, la pollution nous l'imposent. Depuis des années je fais en sorte d'expliquer, à qui veut l'entendre, qu'il faut éviter la défiance et se serrer les coudes, car nous avons besoin:
- des citoyens sans qui rien ne sera jamais possible, pour porter le changement, l'innovation sociale, la solidarité, la gestion durable des bien communs
- d'un État fort qui soutient les territoires, défend leurs intérêts et organise la péréquation
- des acteurs économiques qui doivent continuer à répondre aux besoins des citoyens tout en accompagnant la transition par la mobilisation des outils productifs
- des médias pour diffuser les bonnes pratiques, mettre en valeur cette nouvelle société qui se dessine, donner envie plutôt que faire peur.
L'union de toutes les forces me semble indispensable pour relever le défi, mais si l'État ne joue pas le jeu du respect, de l'égalité, de l'intelligence et de l'anticipation, alors ce rassemblement n'aura pas lieu et le pire deviendra possible.
En attendant, et malgré tout, chacun peut et doit faire sa part pour engager ce changement qui ne peut plus attendre.
source : http://www.avenir-sans-petrole.org/2015/10/gestion-du-conflit-social-d-air-france-de-quoi-s-inquieter-pour-l-avenir.html