mercredi 30 juillet 2014

Lettre de Gaza d’un médecin norvégien/Letter of Gaza of a Norwegian doctor

Source : http://www.info-palestine.eu/spip.php?article14739

lundi 21 juillet 2014 - 05h:03

Mads Gilbert



« Mon respect pour les blessés est infini, leur détermination contenue en pleine souffrance, dans l’agonie et le choc... », écrit le docteur Mads Gilbert.

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Un médecin palestinien évacue le corps d’une petite fille à Chajaya, en banlieue est de Gaza, pilonnée le 20 juillet 2014 [afp.com-Thomas Coex]
Gaza - dimanche 20 juillet 11h 06 -
Chers amis,
La nuit dernière a été extrême. L’invasion « terrestre » de Gaza a amené des dizaines de véhicules surchargés de toutes sortes de Palestiniens blessés, mutilés, déchiquetés, sanglants, tremblants, agonisant – de tous âges, tous des civils, tous innocents.
Les héros dans les ambulances et dans tous les hôpitaux de Gaza travaillent en équipes de 12 à 24 heures, gris de fatigue et de charges de travail inhumaines (sans aucune rémunération depuis 4 mois à Shifa). Ils soignent, trient, essaient de démêler l’incompréhensible chaos de corps, de tailles, de membres - des humains marchant, ne marchant plus, respirant, ne respirant plus, saignant. DES ETRES HUMAINS !
Maintenant, traités une fois de plus comme des bêtes par « l’armée la plus morale du monde » (sic !)
Mon respect pour les blessés est infini, leur détermination contenue en pleine souffrance, dans l’agonie et le choc. Mon admiration pour le staff de volontaires est infinie ; être proche du « soumoud » palestinien me donne la force, même si par moments j’ai seulement envie de crier, de serrer quelqu’un contre moi, de pleurer, de sentir la peau et la chevelure de l’enfant chaud, couvert de sang, de nous protéger en nous tenant dans les bras indéfiniment – mais nous ne pouvons pas nous le permettre, et eux non plus ne peuvent pas.
Des visages de cendre – Oh NON ! Pas encore un chargement de dizaines de mutilés saignants !
Nous avons déjà des lacs de sang sur le sol des Urgences, des piles de pansements saturés de sang à dégager – oh – les nettoyeurs, partout, déblaient rapidement le sang et les serviettes, les cheveux, les vêtements, les canules – vestiges de mort – ils les enlèvent tous pour en préparer de nouveaux, pour recommencer le tout.
Plus de 100 cas sont arrivés à Shifa ces dernières 24 heures. Assez pour un grand hôpital bien entraîné avec tout ce qu’il faut, mais ici – il n’y a presque rien : pas d’électricité, d’eau, de matériel jetable, de médicaments, de tables d’opération modulables, d’instruments, de moniteurs – ils sont tous rouillés comme s’ils sortaient de musées des cliniques de jadis. Mais ils ne se plaignent pas, ces héros. Ils continuent avec ce qu’ils ont, comme des guerriers, de front, extrêmement déterminés.
Et comme je vous écris ces mots, seul, sur un lit, mes larmes coulent, les larmes chaudes mais inutiles de la douleur et de la colère, de la rage et de la peur. Cela n’est pas vraiment en train de se passer !
Et alors, juste maintenant, l’orchestre de la machine de guerre israélienne redémarre sa répugnante symphonie, juste maintenant : des salves d’artillerie depuis les navires de guerre juste au bas des plages, les rugissants F-16, les drones écœurants (en arabe : zennanis : les bourdons), et les Apache en pagaille.
Tous produits et payés par les Etats-Unis.
M. Obama, avez-vous un cœur ?
Je vous invite, passez donc une nuit, juste une, avec nous à Shifa. Déguisé en nettoyeur peut-être.
J’en suis convaincu à 100 % : cela changerait l’Histoire.
Personne ayant un cœur ET du pouvoir ne peut sortir d’une nuit à Shifa sans être déterminé à mettre fin au massacre du peuple palestinien.
Mais les sans-cœurs et sans-pitié ont fait leurs calculs et planifié d’autres massacres « dahyia » contre Gaza.
Les fleuves de sang continueront à couler la nuit qui vient. Je peux entendre comment ils ont accordé leurs instruments de mort.
Je vous en prie. Faites ce que vous pouvez. Ceci tout CECI ne peut pas continuer.
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Mads Frederick Gilbert MD PhD est Professeur et Chef de clinique
Clinique de médecine d’Urgence
Hôpital Universitaire de Norvège du Nord (UNN)