jeudi 17 janvier 2019

Policier, enlève ton casque


Il faut, disait l’autre, pousser ce qui tombe. Ne semblent plus empêcher la fin du cirque que les forces de l’ordre – le fait est sans précédent. Qu’elles fassent défection, ce qui ne serait que bon sens, et c’en est fini de la Macronie. Pas de muscles, pas d’arrogance qui tienne…
C’est dans l’ordre des choses que les voyous, petits délinquants ou bandits d’honneur – s’il en existât jamais – détestent les flics. De bonne guerre que les habitués des manifestations ne portent pas spécialement les CRS dans leur cœur. Presque ordinaire, hélas, que les ”jeunes de quartiers“, comme on dit si mal, se sentent, sinon pis, hargneusement regardés. On sait aussi, et depuis longtemps, que notre police peut très mal agir. De quoi l’on a pu concevoir à titre individuel, communautaire ou simplement civique, une rancœur parfois fort justifiée. Cela d’ailleurs sans s’évaporer pour autant dans les désirs adolescents d’une société sans police, ni verser dans les luttes prétendument politiques sauce « All Cops Are Bastards ». Car le flic, faut-il le dire, a également constitué l’ennemi commode, unique et obsessionnel de certains mouvements, dépourvus par ailleurs de toute vision du monde. La lutte en soi contre “la” police, donc, bigrement œdipienne, est bien entendu stérile et nul ne songe hors quelques incurables niais à l’abolir en tant que telle.
Pourquoi diable alors, à la mi-décembre 2018, ne reste-t-il plus (provisoirement, peut-être…) à la déclarer « remarquable » ou « exemplaire » que Monsieur le procureur de la République de Paris, David Pujadas et quelques politiciens affolés ? Et à croire ces derniers les rares indigents qui n’ont pour s’informer que BFM TV – ou une poignée d’acnéiques que la matraque fascine ? Réponse : l’attitude subie, vue, filmée et portée à la connaissance de tous, de certains policiers à qui les autorités semblent avoir donné toute licence de se tenir comme des brutes. Avec cet effet inédit que rien n’est aujourd’hui plus partagé par le routier, l’étudiant, le retraité, le chômeur, que le sentiment d’une répression excessive.
La stratégie du samedi 8 décembre était rudimentaire. Intimider, casser les genoux, dissuader les plus frileux de grossir les cortèges. Prétendre, ensuite, que le mouvement s’essouffle. Croiser les doigts pour que la prophétie s’autoréalise et que chacun, s’étant tenu pour dit que tout était fini, reste chez soi. Brandir enfin les sanctions pénales, se gargariser des comparutions immédiates pour enfoncer le clou.
Piètre machinerie, ourdie par un pouvoir qui n’a désormais d’alliés qu’une certaine presse, quelques “experts” et les forces de l’ordre – à qui, c’est un signe, il en est à verser des primes trébuchantes. La presse quittera – quitte déjà – le navire à temps, c’est entendu. La cour prépare sa sortie à l’anglaise, et l’on peut dès à présent prendre les paris quant à ceux, aujourd’hui pieux macroniens, qui renieront Jupiter par trois fois avant le chant du coq.
Et la Police ? Et les gendarmes ? Les chaises sont faites pour s’asseoir, les boulangers pour faire du pain, les CRS et les gendarmes mobiles pour maintenir l’ordre. Seulement, voilà : l’ordre vacille. L’ordre soudoie, certes, ses gros bras mais, comme chacun sait au fond de chaque caserne, les méprise. Et exige d’eux des attitudes iniques auxquelles ne peuvent guère se prêter la tête haute que de francs butors. Gazer une vieille dame, pousser un homme aux cheveux gris, agenouiller des adolescents, passer un homme seul à tabac, extraire une jeune homme de son fauteuil roulant… Qui peut donc sans sadisme s’y adonner gaiement ? De surcroît pour défendre une grande andouille que les instances de l’argent ruisselant ont couronné à la hâte, sans finesse ?
Ce ne sera peut-être pas pour ce samedi. Ni même pour cette année. Mais peut-être si, qui sait ? Car la situation est inédite. Le peuple entier (commerçants, soignants, agriculteurs, transporteurs, ouvriers, étudiants, enseignants, petits entrepreneurs, chômeurs, etc.) est, c’est très rare, d’accord sur au moins une chose : il faut que le roi et ses marionnettistes dégringolent et s’en aillent. Ce qui ne saura, certes, jamais constituer une fin en soi – mais, au fond, peu importe.
La force est à ce jour le dernier argument des perruques poudrées. Au flic serions-nous donc tentés de dire : fais défection. Enlève ton casque, mets-toi en arrêt-maladie. Et, sans violence, s’effaceront les rictus cyniques, une page se tournera.
Photo de Une : © Serge D’Ignazio
source : https://comptoir.org/2018/12/14/policier-enleve-ton-casque/

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