Macron
 ou le ravalement de façade du capitalisme financier ; Le pen ou la 
future roue de secours du capitalisme financier / Macron or the 
restoration of facade of the financial capitalism ;Le Pen or the future 
spare wheel of the financial capitalism
17 Juin 2017   ROBERT CHARVIN
L’Histoire
 continue….. au sein des institutions d’une V° République usée, bien 
sûr, mais surtout demain et après-demain dans les entreprises, les lieux
 de cultures, et la rue.
Premier constat : la marée médiatique
L’intense
 bavardage médiatique sur la personnalité des candidats, sur 
l’interprétation qu’il « fallait » donner à leurs paroles et à leurs 
gestes, voire à leur style, tenue vestimentaire et autres, leur qualité 
de « grands » ou de « petits », sur la mise en exergue de tel point de 
leur programme et le silence sur d’autres, sur la place majeure qu’il 
convenait d’accorder aux sondages à effet multiplicateur, le tout sur un
 ton, selon les cas, agressif ou indulgent, a imprégné l’esprit des 
électeurs et entretenu une confusion inédite.
Sans
 que les journalistes, tous transformés en « expert » ou en « 
éditorialiste », n’aient une quelconque légitimité à se prononcer sur 
tout au nom d’une pseudo omniscience-autoproclamée (économique, 
écologique, sociale, financière, etc.), ils ont, tout autant que le 
discours des candidats, fabriqué le « climat » d’une élection que ne 
devaient gagner ni la gauche radicale de J.L. Mélenchon ni la 
droite-ultra et néofasciste de M. Le Pen : le Médef et l’establishment 
parisien avaient choisi et dans leur sillage les grands groupes de 
presse, les grands hebdos et la plupart des quotidiens du « Monde » à « 
Libé », via BFM TV et autres chaînes publiques et privées ! Macron était
 le meilleur !
Le
 F.N a été soigneusement instrumentalisé (tandis que Le Pen, Philippot 
et autres ont cru pouvoir en profiter) : il a servi de repoussoir et de 
justificatif à tous les ralliements et aux votes « utiles ».
La
 montée dans l’opinion de J. L. Mélenchon, source d’un bref affolement, 
succédant à une indifférence feinte, a été stoppée par l’évocation 
subite de quelques leaders d’Amérique latine, de « l’Alliance 
bolivarienne » et de l’inévitable référence e à la « méchante » Russie, 
qui auraient eu la sympathie de la France Insoumise, rompant ainsi avec 
le silence traditionnel en période électorale sur la politique 
internationale.
Contrairement
 à leurs prêchi-prêcha habituels, ces « honnêtes » médias n’ont pas 
insisté sur les droits de l’homme : les milliers de victimes des 
mouvements migratoires et le refus d’un accueil digne, l’état d’urgence 
prolongé qui préfigure l’éventuelle répression à venir d’un mouvement 
social trop radical, et l’indifférence totale vis-à-vis de la misère du 
Tiers Monde pas même effleurée, ne prêtaient pas à l’insistance sur « 
l’Humanisme occidental » !
Les grands médias ont, avec aisance, changé de logiciel !
Ils
 ont été capables de réagir aux dérapages plus ou moins imprévus qui ont
 troublé la « bien-pensance » hégémonique : les « affaires » suscitées 
par la presse elle-même ont permis de choisir Macron au détriment de 
Fillon (second choix des milieux d’affaires) ; la difficulté à imposer 
la priorité à la question sécuritaire en raison de la réalité trop 
prégnante du chômage et du pouvoir d’achat a conduit à dénoncer comme « 
populiste » aussi bien les promesses sociales du F.N que l’analyse 
critique du capitalisme financier de la France Insoumise ! Les citoyens 
ont été submergés par cette marée médiatique tous azimuts interdisant de
 penser par soi-même : le climat pré-macronique, initié par « Paris 
Match » précédait le « tout-Macron » courtisan qui a suivi l’élection et
 s’est poursuivi durant la campagne des législatives prolongeant le « 
délai de grâce », c’est-à-dire le temps des illusions, traditionnel 
après une consultation. Le plus « convenable » et consensuel des 
candidats s’est vu ainsi récupéré au-delà de ses propres voix, les 50% 
de suffrages anti-F. N de ceux qui croyaient (ou feignaient de croire) 
le néofascisme aux portes de l’Élysée !
Une fois de plus, le vote « utile » a joué, évitant surtout que le nouveau Président soit un mal-élu !
Ainsi,
 avec habileté et bombardement intensif, tout a été entrepris pour 
médiatiser à outrance un semi-inconnu, affichant sa volonté de faire du 
neuf avec du vieux, dans un style bonapartiste, en écartant Fillon, 
droitier démodé et cléricalisé, en jouant avec Le Pen pour qu’elle fasse
 peur (juste ce qu’il fallait pour qu’elle soit présente au second tour,
 adversaire « idéale ») et évidemment en dénonçant Mélenchon, à 
l’anticapitalisme financier insupportable pour l’oligarchie établie !
Il
 fallait produire par tous les moyens le plus de « franc-macrons » 
possible et persuader tout le monde qu’une France nouvelle était née ! 
Les résultats de cette mobilisation médiatique ont été cependant très 
médiocres pour les élections législatives : le succès ne provient que du
 mode de scrutin (majoritaire uninominal). Le mouvement de Macron ne 
représente au premier tour que 16% des inscrits ! Plus de 51% des 
citoyens se sont abstenus !! Le « triomphe » est totalement artificiel.
Cet
 envahissement médiatique n’est pas l’affirmation éclatante de la 
liberté d’expression, comme certains journalistes le proclament 
eux-mêmes. C’est, au contraire, une méthode d’asphyxie des citoyens, de 
destruction de leur esprit critique : submergés par le flot continu des 
commentaires tous azimuts, ils restent enfermés dans un faux pluralisme 
étroitement interne au système socio-économique existant et aux 
institutions césariennes de la V° République, faisant du Chef de l’État 
une sorte de Zorro, Superman, présenté comme capable de résoudre tous 
les problèmes ou presque !
L’orchestration
 de cette bataille de « têtes » et non de programmes, tous les cinq ans,
 n’est que source d’abêtissement des électeurs, transformés en 
sous-citoyens en attente d’un sauveur suprême, rapidement déçus 
évidemment, mais à qui il convient de redonner périodiquement confiance 
pour perpétuer l’ordre établi. Napoléon (le petit) sommeille chez tous 
les candidats, souvent jusqu’au ridicule !
A
 tout cela s’ajoutent les attentats « déjoués » et ceux intervenant à la
 veille du scrutin : le tour de force a réussi. Le candidat de 
l’establishment a été élu et il a sa majorité absolue qui ne dérange pas
 le Médef.
 Second constat : la question de l’autonomie relative des forces politiques
Chaque
 force politique est en relation privilégiée avec certaines catégories 
sociales, groupes d’intérêts, milieux professionnels, etc. et avec 
certains régimes politiques étrangers (particulièrement les États-Unis, 
l’éternel grand frère, quel que soit leur Président), mais on ne peut 
mécaniquement considérer que les partis politiques ou les mouvements 
style « En Marche » soient l’expression stricte de telle classe sociale 
ou de tels groupes d’intérêts. La relation est plus complexe mais elle 
est cependant incontestable : les milieux d’affaires, par exemple, ont 
clairement choisi de soutenir en premier choix E. Macron. On peut 
analyser les élections de 2017 en France comme la condamnation par ces 
mêmes milieux d’affaires de l’autonomie relative jugée trop grande du 
parti de droite traditionnel, Les Républicains, excessivement animé par 
des querelles de clan, des manifestations abusives d’égos, d’obsessions 
électoralistes trop importantes.
Le
 patronat a besoin avant tout de « paix » sociale, d’habiletés 
séductrices à l’égard des citoyens passant par des mesures sociétales 
peu coûteuses, que n’ont pas procuré ces dernières décennies ni le 
sarkozisme ni le hollandisme. F. Fillon, soigneusement « démoli », 
durant la campagne, était, par exemple, jugé en cas d’élection comme 
source de perturbations sociales inutiles pour l’Entreprise, comme 
l’avait déjà été « l’agitation » sarkoziste. Le mouvement catholique 
intégriste auquel Fillon avait fait allégeance n’était certainement pas 
très apprécié !
Il
 fallait en finir avec une force de droite « classique » dont la 
médiocrité globale et le conservatisme outrancier devenaient un handicap
 pour le monde de l’argent, même s’il satisfaisait ses revendications.
Était
 exclue aussi la solution « allemande » » d’une union nationale droite- «
 gauche », le Parti Socialiste français étant aussi le siège de 
multiples contradictions et d’une misère idéologique et pratique 
atteignant des sommets avec ses « Hollandais », gérant la France comme 
avait pu l’être la Corrèze, département de F. Hollande !
La
 solution « ni droite ni gauche » à la Macron est ainsi devenue l’idéal 
(provisoire) de ceux pour qui « tout doit changer afin que rien 
d’essentiel ne change », comme l’écrivait Tomasi di Lampedusa, dans « Le
 Guépard ».
Évidemment,
 cette solution de type bonapartiste, ralliant tous les opportunistes et
 tous les ambitieux refoulés, devant leur carrière à leur « chef », mais
 aussi une fraction des électeurs incertains séduits par le flou 
délibéré du programme de « La République en Marche » et par sa critique 
de la « politique », ne pourra à l’avenir que susciter dans la société 
diverses contradictions très vives et des déceptions profondes, mais… « 
après lui, le déluge » ! Le système sortira, le moment venu, d’autres 
gadgets séducteurs sources de pérennisation ….
Pour
 l’heure, le syncrétisme néolibéralisme-social-démocrate l’emporte sous 
l’égide d’un homme en osmose avec les milieux d’affaires français, 
européens et américains. Un césarisme « moderne » et cosmopolite, style «
 manager yankee, soignant sa ligne au crossfit, appuyé par un « 
mouvement » à facettes multiples « attrape-tout », se substitue ainsi à 
un système de partis qui ne fait plus ses « preuves » et handicape la « 
bonne marche » de la course au profit. Le « terrain est dégagé » par ce 
ravalement de façade du capitalisme financier.
Cette
 pseudo « rénovation » va servir quelques-uns et séduire les autres, 
avant tout ceux de la classe moyenne qui en votant Macron se sont tirés 
un balle dans le pied sans le savoir, sous couvert d’une prise en compte
 de leurs intérêts ! L’unique horizon « macronique » est en effet 
l’Entreprise (la grande) sacralisée, le rêve américain (à peine 
gallicanisé), mais inaccessible au plus grand nombre, et une décadence 
aimable sous couvert d’un universalisme hors sol (en Afrique notamment) 
compensant une régression sociale généralisée !
 Troisième constat : que devient la gauche ?
L’
 « exécution » politique du P.S est la meilleure nouvelle apportée par 
les élections de 2017. Avaient raison ceux qui souhaitent depuis 
longtemps la réduction de ce parti à un groupuscule sans importance pour
 tout le mal politique dont il est responsable depuis des décennies !
Malheureusement,
 son effondrement n’est sans doute pas définitif tant les « socialistes »
 ont une capacité de reproduction et tant ils sont utiles au système qui
 déjà les re-médiatise : ils correspondent en effet sociologiquement à 
une partie des « couches moyennes » et populaires inaptes à choisir 
clairement la société qu’ils souhaitent et dotés d’un goût irrépressible
 pour les compromissions. Leur rôle – essentiel – d’occultation des 
réalités sociales, de refus des clivages de classe, et leur adhésion à 
un capitalisme « amélioré », est indispensable au système. Depuis la 
victoire de Macron, tout est fait pour redonner vie à un P.S dont la 
défaite a été totale : les médias multiplient les interventions de ceux 
qui ont été ridiculisés quelques semaines plus tôt !
Avec
 générosité, le système offre à ce parti de nouvelles possibilités afin 
qu’il se rende encore utile – comme la CFDT dans le monde syndical – : 
le système a besoin d’une « opposition de sa majesté », sans risque, 
pour rendre la pseudo-démocratie « crédible » ! De plus, les cadres du 
P.S, souvent des professionnels de la politique, n’ont pas d’autres 
débouchés (à défaut de ralliement à Macron) que leur participation à une
 reconstruction d’un parti sous une forme ou une autre : ils ont débuté 
avec le lancement de divers « mouvements » incertains autour de quelques
 élus (dont B. Hamon, battu au premier tour des législatives) qui 
espèrent se pérenniser.
Ils
 sont toujours hostiles par nature à la fois aux communistes (malgré 
l’extrême (et excessive) indulgence des dirigeants du PCF à leur égard) 
et plus encore à la France Insoumise de Mélenchon, qui a le grand tort 
de bien les connaître) : ils ne se chargent pas, en effet, de faire 
l’Histoire. Ils se satisfont, conformément à leurs « valeurs » ambiguës 
et à leur indifférence de fait à tout principe, à jouer aux politiciens à
 coups de mini-tactiques, pour survivre en essayant de profiter de leur 
instrumentalisation. Cette réalité n’est pas seulement française : elle 
est italienne, grecque, espagnole, belge, allemande, etc. Nul en Europe 
n’est l’héritier de S. Allende !
Aujourd’hui,
 une partie de la social-démocratie s’est réfugiée dans la formule 
Macron, fusionnée avec une droite renouvelée, pour le plus grand 
avantage des fondamentaux du conservatisme libéral. Mais le léger « 
mâtinage » pseudo-socialiste du Macronisme suffit aux ralliés style 
Valls et autres.
C’est
 la « France Insoumise », avec un capital humain de 7 millions de 
citoyens ayant voté pour J.L. Mélenchon, qui constitue le cœur d’un 
radicalisme en rupture avec le capitalisme financier français et 
européen, toujours tourné vers les États-Unis. Elle absorbe les « Verts »
 (avec un programme écologique très avancé) dont l’organisation est en 
perdition, n’ayant jamais eu la volonté de reconnaître la contradiction 
majeure entre logique du profit, règne de l’argent et exigences de la 
protection de l’environnement.
La
 France Insoumise met à mal la direction du PCF, elle aussi 
professionnalisée et très inquiète de son avenir immédiat. Cette 
direction semble prête à poursuivre une stratégie timide et prudente 
assurant, selon elle, sa survie. Elle se refuse à l’insertion du parti 
dans la dynamique de la France Insoumise, jugée trop « aventureuse » ! 
Il apparaît que l’avenir socialiste et la Révolution (dont elle ne parle
 plus jamais) se soient éloignés à jamais !
On
 peut penser avec de nombreux militants, particulièrement en province, 
que cette direction se trompe lourdement, comme elle s’est égarée lors 
de la dissolution des « Comités antilibéraux » de base qui s’étaient 
constitués et l’avaient emporté en 2005 contre le Projet de Constitution
 européenne, lors du refus entre 2012 et 2017 de rassembler à la base 
dans le « Front de Gauche » les simples citoyens ne souhaitant pas 
entrer dans l’un des partis le composant, puis en menant une campagne 
très « réservée » pour J.L. Mélenchon, puis très critique lors des 
législatives pour des raisons incertaines.
Au
 lieu d’essayer d’être les plus militants les plus actifs et inventifs 
et donc les « meilleurs » au sein des 7 millions de citoyens ayant voté 
Mélenchon, en stimulant des groupes de base, ils se sont coupés pour les
 législatives des électeurs récemment conquis et parfois arrachés au 
F.N, dès lors qu’ils n’étaient pas associés à La France Insoumise.
Ces
 dirigeants ont opté pour une position de repli à la fois sectaire et 
opportuniste, en comptant une fois de plus que sur quelques alliances 
ici ou là avec les restes du P.S et des Verts, et ailleurs avec la 
France Insoumise, la gestion de Paris en étant le modèle, effectivement 
relativement satisfaisant. Faute d’une volonté de conquête et évidemment
 d’un scrutin proportionnel les élections législatives n’ont pas 
confirmé le succès de J. L. Mélenchon aux présidentielles.
Pour
 le P.C.F le plus grave n’est pas la perte de la plupart de ses députés 
(dont la discipline de groupe avait d’ailleurs disparu), mais une 
orientation prudente et craintive, comme si La France Insoumise était 
perçue comme une « aventure politique » dangereuse par sa radicalité. 
Qu’est devenu le parti révolutionnaire d’antan, qui semble accablé par 
trop de défaites accumulées ?
 Quatrième constat : le F.N, roue de secours éventuelle
Quant
 au F.N, l’échec relatif des présidentielles, qui a entraîné un plus 
grand échec aux législatives, a fait surgir les clivages traditionnels 
des mouvements fascisants qui ont, par exemple, éclaté au sein du 
fascisme italien et du nazisme dans les années 1930-1940 : le courant « 
national-social » de Philippot est évidemment contesté, comme ont été 
éliminés ces mêmes courants en Italie et en Allemagne, avec l’appui du 
conservatisme « classique ».
Pour
 les « Frontistes », néanmoins, rien n’est perdu, s’ils se rallient, 
comme leurs prédécesseurs historiques, aux compromissions « utiles ». Le
 F.N demeure en effet une ultime « roue de secours » si la solution 
Macron s’avérait dans quelques années un nouvel échec pour le monde des 
affaires qui n’a aucune préoccupation démocratique réelle. Nul ne 
souhaite cette solution « brutale », susceptible de provoquer des 
réactions contraires dangereuses pour « l’ordre » économique. Mais s’il 
fallait en passer par là, comme on l’a vu dans le passé, un nouveau 
syncrétisme affairiste de la droite et du néofascisme pourrait « servir 
». Les scrupules n’ont jamais perturbé le monde de l’argent.
En
 bref, l’Histoire continue….. au sein des institutions d’une V° 
République usée, bien sûr, mais surtout demain et après-demain dans les 
entreprises, les lieux de cultures, et la rue.
Robert CHARVIN