Par Nafeez Ahmed
Face à l’effondrement, fondons des alliances terrestres [Et intéressons nous à la physique quantique ?] / In the face of the collapse, let us base ground alliances [ And let us interest in the quantum physics?]
19 juillet 2018 / Corinne Morel Darleux
source : https://reporterre.net/Face-a-l-effondrement-fondons-des-alliances-terrestres
 
 
Il faut changer de regard ?
 
 
Source : Insurge Intelligence, Nafeez Ahmed, 11-01-2019
Donc vous voulez changer le 
monde. Alors, prenez un verre, asseyez-vous et attachez votre ceinture 
pour plonger profondément dans la dynamique de la transformation du 
système. Le système que vous combattez est en vous. Nous ne pouvons pas 
le vaincre dans le monde tant que nous ne nous serons pas recâblés 
nous-mêmes à partir de zéro. Ce n’est pas facile. C’est la chose la plus
 difficile que nous ayons jamais faite, parce qu’elle touche toutes les 
dimensions de notre vie et les recoins les plus profonds de notre être. 
Parce que nous sommes des produits du système, jusqu’à ce que nous 
choisissions de ne pas l’être. Mais ce choix, cette pilule rouge, est 
beaucoup plus difficile à avaler qu’on pourrait le croire. Il faut 
devenir plus que ce que nous pensons être et donner aux autres les 
moyens de faire de même. La trajectoire de ce document n’est pas un 
voyage facile, d’autant plus que je suis toujours en chemin. C’est 
dense, exigeant et rigoureux. Pensez-y comme à une collection de notes 
de campagne essayant de condenser certains des outils les plus 
importants que j’ai trouvés. Les concepts, les idées et le récit qui se 
développent ci-dessous jettent les fondements d’un cadre de 
connaissances, d’une façon d’être et d’une pratique qui s’inspire de 
tout ce que j’ai appris et développé comme journaliste, universitaire, 
théoricien des systèmes, entrepreneur social, stratège en organisation, 
responsable des communications, activiste du changement, époux, père, 
frère, fils, ami, ennemi et être humain qui avec quelques succès fait 
maintes erreurs et échoue de nombreuses fois, mais essaie de tirer des 
enseignements de mes erreurs et échecs. Il ne s’agit encore que d’un 
travail préliminaire qui, bien entendu, s’inspire largement des travaux 
pionniers des autres et les intègre. Il y a aussi des lacunes, et il va 
donc sans dire que toutes les fautes, erreurs ou omissions sont les 
miennes et les miennes uniquement. J’espère que cela pourra vous aider 
dans votre propre voyage en tant que compagnon de route sur ce vaisseau,
 la Terre, même si ce n’est que d’une manière minime.
Nous sommes confrontés à une 
convergence de crises qui s’intensifient et sont toutes liées entre 
elles. Jour après jour, alors que ces crises s’accélèrent, notre 
capacité à y répondre de manière efficace semble s’amenuiser. Non 
seulement nos institutions sont largement incapables de comprendre 
comment ces crises s’imbriquent en tant que symptômes d’une crise 
systémique globale plus profonde, mais elles sont de plus en plus 
dépassées par leurs impacts.
Nous nous trouvons au seuil d’une
 crise civilisationnelle – une crise de l’évolution – comme nous n’en 
avons jamais connue auparavant, une crise qui menace potentiellement la 
survie même de l’espèce humaine. Même sans cela, les pressions 
grandissantes sous forme de destruction de l’environnement, la 
prédominance de la guerre, les risques d’annihilation nucléaire, les 
inégalités croissantes, la xénophobie croissante, l’autoritarisme 
croissant, les dangers des chaînes logistiques, les marchés volatiles, 
les épidémies de maladies mentales, la violence armée, la violence 
contre les femmes représentent tous à la fois des failles dans notre 
modèle actuel et les possibilités de le dépasser.
Ces crises s’aggravent et 
s’approfondissent à toutes les échelles – mondiale, régionale, 
nationale, locale. Elles ont un impact sur nous de multiples façons, sur
 nos gouvernements, nos organisations inter-gouvernementales, nos 
nations, nos sociétés, nos communautés, nos cultures, nos affaires, nos 
entreprises, nos organismes sociaux et sans but lucratif, notre 
personne, notre corps, notre mental, notre cœur, notre esprit.
Nous sommes donc confrontés à un 
tournant de notre évolution : soit nous succombons aux catastrophes 
convergentes du déclin des civilisations, soit nous saisissons 
l’opportunité de les transcender en adaptant de nouvelles capacités et 
de nouveaux comportements, qui nous permettent de devenir plus que ce 
que nous étions.
Pour réagir efficacement, nous 
avons besoin d’une approche totalement différente. Ce document propose 
une approche systémique dérivée de mon propre travail et de mes propres 
expériences pour formuler une manière d’aborder ces crises à travers le 
prisme de l’« intelligence collective ». Il présente une nouvelle façon 
de voir les choses et un ensemble de processus et de pratiques qui 
peuvent être adoptés par toute personne ou tout groupe, que ce soit un 
individu, une famille, une entreprise ou une organisation. Il s’agit 
d’une boîte à outils concrète, écrite comme une ressource de base et une
 feuille de route pour tous ceux qui veulent vraiment travailler pour un
 monde meilleur. Si vous n’êtes pas dans cet état d’esprit, ce document 
n’est pas pour vous.
Bon nombre des thèmes abordés ici
 pourraient être expliqués et développés plus en détail – et c’est 
exactement ce que je ferai à l’avenir. Nombre d’entre eux peuvent être 
mis en œuvre de différentes manières – par des approches innovantes des 
plates-formes numériques, par le journalisme, par l’esprit d’entreprise,
 par la charité et la philanthropie, par la stratégie organisationnelle,
 par la lucidité, le développement personnel et au-delà. Mais le 
résultat est qu’ils tournent autour de la pratique humaine – à la base, 
c’est quelque chose que vous devez faire dans votre propre vie.
Je commence par définir un vaste 
modèle systémique sur la façon dont nous pouvons donner un nouveau sens 
au monde qui nous entoure d’une manière qui saisit la complexité de ce 
qui se passe. J’aborderai ensuite la façon dont ce paradigme systémique 
fournit des renseignements utiles sur la nature de l’intelligence et de 
la sagesse, et comment ces connaissances peuvent être distillées dans 
une nouvelle façon de cultiver l’intelligence et de traduire cette 
intelligence en actions transformatrices concrètes.
1 – Ce que nous sommes
Nous sommes des systèmes. Pour être plus précis, nous sommes des systèmes adaptatifs complexes.
Un système existe chaque fois que plusieurs éléments interagissent avec les autres de quelque manière que ce soit.
Un système complexe existe
 lorsque les relations entre ces éléments conduisent le système pris 
comme un tout à afficher des schémas de comportement qui sont 
qualitativement au-delà et qui ne peuvent être réduits aux propriétés de
 ses composantes.
Un système évolutif complexe existe
 lorsque le système dans son ensemble est capable de se restructurer, de
 changer – s’adapter – en changeant le comportement de ses composantes, 
afin de survivre.
Un organisme biologique est un 
système évolutif complexe. Des millions d’années d’évolution ont eu lieu
 parce que des systèmes vivants complexes ont pu s’adapter à leur 
environnement. L’une des façons d’y parvenir est de traiter 
l’information provenant de leur environnement et de la traduire par des 
mutations génétiques. Les organismes qui l’ont fait avec succès avaient 
les meilleures chances de s’adapter à leur environnement et de survivre.
 La survie et l’évolution de l’espèce humaine – de la civilisation 
humaine – est, bien entendu, plus qu’un simple cas de production d’un 
ensemble approprié de mutations génétiques. C’est parce que nous faisons
 des choix sur la façon dont nous organisons nos sociétés.
Lorsqu’un système évolutif 
complexe est particulièrement mis à l’épreuve par ses conditions 
environnementales, il entre dans une phase de crise. La crise remet en 
question les structures existantes, les relations existantes et les 
modèles de comportement dans un système.
Si
 la crise s’intensifie, elle peut atteindre un seuil qui peut miner 
l’intégrité de l’ensemble du système. En fin de compte, soit le système 
s’adapte en se restructurant, ce qui conduit à un « changement de phase »
 vers un nouveau système, un nouvel équilibre stable, soit il régresse.
L’une des choses importantes que 
nous faisons en tant qu’organismes vivants est d’extraire l’énergie de 
notre environnement, qui est ensuite traitée pour alimenter notre 
activité. Nous nous distinguons nettement de la plupart des autres 
organismes biologiques grâce à notre intelligence, nous sommes capables 
d’interagir avec notre environnement d’une manière tout à fait unique. 
Cela implique de manipuler des choses dans notre environnement pour 
développer de nouveaux outils qui permettent d’extraire et d’exploiter 
plus efficacement l’énergie pour développer diverses structures et 
activités qui répondent à nos besoins et désirs.
Une caractéristique importante de
 la civilisation humaine est que sa croissance a été rendue possible par
 cette capacité d’extraire des quantités croissantes d’énergie excédentaire – énergie qui n’est pas nécessaire pour extraire l’énergie elle-même, mais qui peut donc être utilisée pour d’autres usages.
Nous sommes des organismes 
biologiques qui, simultanément, coexistent avec des expériences 
psychologiques, sociales et spirituelles – c’est-à-dire, portant des 
vies mentales, des pensées et des souvenirs dans un contexte social où 
nous prenons des décisions et portons des jugements basés sur notre 
interprétation des « valeurs » de « bien » et de « mal », de « bon » et 
de « mauvais ».
Nous sommes aussi intégralement 
interconnectés les uns avec les autres et avec d’autres espèces à 
travers un réseau complexe de vie qui comprend, dans son intégralité, le
 système terrestre – ou, s’inspirant du chimiste James Lovelock, Gaia, 
un étonnant système naturel d’autorégulation qui est finement réglé pour
 le maintien de la vie telle qu’on la connaît.
En allant plus loin, nous savons 
aussi qu’au niveau des particules fondamentales, nous et l’univers tout 
entier sommes (méta ?) physiquement interconnectés dans l’espace-temps 
par une intrication quantique d’une manière que nous ne comprenons pas 
encore totalement ; et que l’acte d’observation et de mesure joue un 
rôle fondamental dans la manifestation de ce qui est réel. Bref, il y a 
déjà eu un changement de paradigme dans notre compréhension scientifique
 du monde, mais relativement peu en sont conscients, et encore moins en 
ont exploré les ramifications.
La biologie évolutive et les 
cycles de vie de multiples civilisations humaines à travers l’histoire 
nous enseignent qu’au cœur de la capacité de survie se trouve une 
capacité fondamentale : la capacité d’évoluer sur la base d’une 
appréhension précise de l’environnement.
Bien que nous ayons de nombreux 
désaccords sur la composante comportementale des valeurs morales, nous 
sommes généralement incapables d’agir sans y faire référence d’une 
manière ou d’une autre. Nous avons tendance à prendre des décisions 
basées sur ce que nous considérons comme étant « juste » ou « bon ».
Il est maintenant clair, 
cependant, que les catégories comportementales morales dominantes 
associées au paradigme dominant de l’organisation sociale sont 
dysfonctionnelles. Elles reflètent en fait des modèles de comportement 
qui contribuent directement non seulement à la déstabilisation et à la 
destruction de la civilisation, ainsi qu’à l’extinction de multiples 
espèces, mais potentiellement à l’anéantissement même de l’espèce 
humaine.
Si nous prenons une valeur morale
 ou éthique pour représentative d’un mode ou d’un modèle de comportement
 particulier, nous pouvons conclure de notre situation civilisationnelle
 actuelle que le système de valeurs prédominant fondé sur 
l’auto-maximisation par accumulation matérielle sans fin est 
fondamentalement défectueux, en décalage avec la réalité et 
objectivement contre-productif. Inversement, les valeurs que l’on 
pourrait associer à des comportements de plus grande collaboration et de
 plus grande coopération qui semblent reconnaître les êtres vivants 
comme interconnectés, comme l’amour, la générosité et la compassion 
(impliquant des modèles comportementaux dans lesquels la maximisation de
 soi et le souci du tout sont considérés comme complémentaires plutôt 
que conflictuels), auraient une fonction évolutionnaire objective pour 
l’espèce humaine.
Cela nous donne une idée de la 
façon dont de meilleurs modèles de comportement sembleraient s’aligner 
sur les valeurs éthiques. Plus précisément, cependant, la clé de 
l’adaptation évolutive par le biais de nouveaux modèles comportementaux 
plus éthiques est l’accès à l’information sur notre environnement avec des ramifications directes pour notre comportement.
Les adaptations évolutives se 
produisent sur la base de nouveaux comportements et capacités qui 
émergent de nouvelles mutations génétiques. Les mutations génétiques 
sont porteuses de nouvelles informations extrêmement complexes. Mais
 elles ne peuvent produire les informations les plus utiles pour les 
adaptations que si elles reflètent les défis qui émergent dans 
l’environnement naturel et s’y adaptent.
Un organisme qui ne parvient pas à
 convertir de façon cohérente des informations complexes sur son 
environnement en adaptations physiques appropriées ne peut pas évoluer 
en fonction des circonstances et sera donc incapable de survivre à 
mesure que la pression augmente.
Le
 premier enseignement que nous pouvons en tirer est qu’une évolution 
réussie ne peut se produire sans le traitement d’informations précises à
 partir et sur la relation d’une personne avec son environnement 
naturel.
Cela a des implications particulièrement profondes lorsqu’on l’applique aux êtres humains.
L’espèce humaine est la seule sur
 la planète capable d’adopter consciemment des modes et des modèles de 
comportement entièrement différents basés sur notre compréhension de 
nous-mêmes et du monde naturel. Cette capacité consciente, que nous 
pourrions considérer comme une caractéristique essentielle de 
l’intelligence humaine, a permis aux êtres humains de développer un 
large éventail d’outils qui extraient et emploient l’énergie 
excédentaire pour exercer rapidement une domination croissante sur le 
monde naturel au fil des siècles, pour aboutir au système 
civilisationnel qui existe aujourd’hui.
Ce
 qui conduit à son tour à la conclusion suivante : l’objectif de 
l’adaptation comportementale exige que nous demeurions ouverts à de 
nouvelles informations pertinentes – des informations utiles à notre 
évolution, qui peuvent nous accompagner dans nos processus d’adaptations
 et nous aider à éviter les catastrophes qui compromettent notre 
évolution.
Tout comme chaque être humain est
 un système adaptatif complexe à une échelle microscopique, les 
différents collectifs de l’espèce humaine, qu’il s’agisse de groupes, 
d’institutions ou d’organisations, sont des systèmes adaptatifs 
complexes plus vastes, qui fonctionnent tous comme des sous-systèmes du 
système adaptatif macro complexe qui est la civilisation humaine 
mondiale dans son ensemble.
Il existe donc une interconnexion
 indélébile entre chaque être humain et le système mondial plus large 
dont il est une partie. Les macrostructures du système civilisationnel 
mondial émergent des modèles de comportement qui se produisent aux 
échelles sous-systémique (régionale et nationale) et micro 
(individuelle). À leur tour, ces macrostructures contraignent et 
configurent ces modèles.
Dans un sens très réel, ce qui se
 passe dans le monde « là-bas » n’est donc pas entièrement séparé et 
distinct de ce qui se passe « ici » chez l’individu. Dans une certaine 
mesure, ce qui se passe « dehors », aussi éloigné ou odieux que cela 
puisse paraître, est susceptible de refléter les processus que les 
individus vivent en eux-mêmes et dans leur propre vie, et vice versa. 
Les incohérences au niveau mondial sont susceptibles de trouver leurs 
pendants aux niveaux régional, national et individuel.
Quand nous voyons une incohérence
 dans le monde, il se peut bien qu’elle reflète ou réfracte d’une 
certaine manière nos propres incohérences – peu importe à quel point 
nous pouvons apparemment ne pas les aimer ou y être opposés.
2 – Intelligence et prise de décision
Pour survivre et prospérer, les 
êtres humains doivent être capables de s’adapter aux changements 
environnementaux. Dans la civilisation mondiale complexe d’aujourd’hui ;
 s’adapter aux changements environnementaux implique l’adaptation d’un 
large éventail de processus sociaux, économiques, politiques et 
culturels, qui s’inscrivent tous dans un contexte plus profond de 
systèmes énergétiques et environnementaux.
Cela exige en outre que nous 
développions des capacités analytiques et empathiques pour traiter 
l’information de manière à pouvoir distinguer l’information inexacte, 
inutile, dysfonctionnelle et inadaptée de l’information exacte, utile, 
fonctionnelle et adaptée.
Bref, il est impossible de 
prendre des décisions judicieuses et saines sans être en mesure de 
traiter l’information qui se rapporte à ces décisions.
La leçon clé est qu’une 
information complète, exacte et holistique est essentielle pour tout 
individu, organisation ou société afin de s’adapter à son environnement 
changeant, de survivre et de s’épanouir. La fonction de l’intelligence 
ici est claire : la sagesse – s’engager dans son environnement dans 
toute sa complexité stupéfiante ; permettre la prise de décision qui 
sous-tend les adaptations comportementales à cet environnement.
2.1 Le modèle cognitivo-comportemental dominant : les boucles fermées
Dans le contexte de la civilisation industrielle moderne du XXIe siècle,
 le volume de données produites et partagées a considérablement 
augmenté, mais peu de ces données se traduisent par des connaissances 
pertinentes, utiles et exploitables au sujet du monde.
L’incapacité à traiter cette 
avalanche d’informations complexes pour en tirer des perspectives sur le
 monde avec des implications claires pour l’action est potentiellement 
fatale, car cela signifie que la capacité d’adaptation aux conditions du
 monde réel est extrêmement réduite.
Au XXe siècle,
 les flux d’information étaient beaucoup plus centralisés, largement 
dominés par les médias et les conglomérats d’édition. Les flux 
d’information étaient principalement pyramidaux [du sommet vers la base,
 NdT] et hiérarchiques. Alors que les normes de qualité étaient souvent 
plus rigoureuses, bien définies et appliquées de manière cohérente, 
l’information était souvent biaisée par le fait qu’elle était créée de 
manière indélébile par les structures dominantes du pouvoir.
Dans le modèle du XXIe siècle
 qui a émergé à l’ère du Big Data et des plates-formes sociales, les 
règles du jeu de l’information se sont transformées. Bien qu’il existe 
encore des supports centralisés pour la production de l’information, 
leur portée s’affaiblit. Simultanément, de nouveaux mécanismes 
décentralisés de production et de diffusion de l’information sont 
devenus omniprésents. Bien que décentralisées dans leur portée, ces 
plates-formes sont également soumises à des cercles de pouvoir 
concentriques fortement liés.
Submergés par les biais 
cognitifs, les humains ont tendance à s’orienter vers des flux 
d’information qui confirment leurs croyances et leurs pratiques 
existantes. Par conséquent, les flux d’information sont devenus de plus 
en plus polarisés à mesure que des communautés se forment, créant 
différentes bulles d’opinions idéologiques qui se renforcent 
mutuellement, et il n’existe aucun mécanisme pour intégrer les 
connaissances entre ces différents sous-ensembles idéologiques.
Cela a créé des bulles 
d’idéologie polarisée, sapant toute capacité d’intelligence collective. 
Nous aimons souvent penser que nous sommes au-delà de ces limites, mais 
c’est une illusion. Éviter les contraintes des biais idéologiques est 
une pratique qui exige une vigilance constante et une approche 
stratégique de l’information.
Il est de plus en plus largement 
admis que le modèle d’information dominant entretient ces boucles 
fermées d’informations qui sont souvent mutuellement exclusives. Cela 
entrave en fait la capacité de recevoir de nouvelles informations.
D’importants
 volumes d’informations finissent par être traités au sein de boucles 
fermées préexistantes, renforçant ainsi les mêmes préjugés et idées 
préconçues de longue date. En l’absence de nouvelles informations, la 
capacité de comprendre la complexité réelle du système mondial dans son 
ensemble s’évapore en grande partie.
La plupart des médias ne 
comprennent pas vraiment le monde parce qu’ils le voient à travers un 
ensemble spécifique de lentilles, de préjugés ou de perspectives. En 
tant que telles, les informations qu’ils produisent sont soit 
fragmentées, déroutantes et accablantes, soit elles sont passées au 
crible sous l’angle d’un cadre idéologique qui préfigure constamment la 
perspective dans la même série de croyances et de valeurs.
Il y a, par conséquent, une 
capacité réduite à saisir comment des événements ou des incidents 
particuliers peuvent avoir des répercussions indélébiles sur d’autres 
questions ; comment ils émergent de forces et de tendances plus 
profondes ; et comment ils sont susceptibles d’avoir une incidence en 
termes de nouvelles forces et tendances.
En fin de compte, plutôt que de 
donner aux personnes, aux organisations, aux entreprises ou aux 
gouvernements les moyens d’agir de manière productive dans le monde, le 
modèle d’information dominant tend à les submerger de deux états 
cognitifs seulement : la désorientation complète ou le biais idéologique.
Souvent, l’état cognitif passe 
d’un mode à l’autre, se renforçant de lui-même. La désorientation 
s’accompagne d’une dépendance à l’égard d’anciens liens idéologiques 
confortables, liés à des réactions comportementales familières. En cas 
d’échec, la désorientation s’installe de nouveau, jusqu’à ce que les 
attaches puissent être remontées à la surface ou reconstruites en n’en 
changeant que l’emballage.
Les consommateurs n’ont souvent 
pas d’autre choix que de réagir à court terme aux stimuli de 
l’information encadrés par une idéologie ou une opinion étroite. Les 
décideurs politiques, les chefs d’entreprise, les citoyens et les 
militants du changement sont donc toujours en retard, toujours en train 
de réagir, toujours en train de lutter pour rattraper leur retard, 
toujours derrière la courbe.
En lisant ceci, vous pourriez 
être tenté de vous concentrer sur la façon dont ces dynamiques négatives
 se manifestent dans les organisations, les agences consultatives, les 
partis politiques, les gouvernements, les organisations à but non 
lucratif et les entreprises qui vous semblent problématiques. Mais même 
si c’est important, c’est également facile. Tout d’abord, et c’est le 
plus impactant, il faut discerner
 la manière dont ces dynamiques se déroulent dans les organisations, les
 réseaux et les groupes que vous soutenez ou auxquels vous êtes affilié.
Si vous le faites correctement, 
vous commencerez à voir comment non seulement ceux que vous soutenez, 
mais aussi vous-même, s’engagent dans des pratiques et des modèles de 
comportement qui renforcent les boucles d’information fermées.
En retour, vous serez en mesure de constater que ce sont ces boucles d’information fermées qui sont responsables de comportement négatifs et autodestructeurs qui ne changent pas et qu’il est impossible de changer.
Ces boucles d’information fermées
 et ces modèles comportementaux fixes font partie de la même matrice de 
dysfonctionnement – que ce soit dans votre esprit, votre famille, votre 
communauté, votre entreprise ou votre société.
3 – Le modèle évolutif : des nœuds ouverts d’engagement
Ceux d’entre nous qui s’engagent à
 donner le meilleur d’eux-mêmes, à l’espèce humaine et à toutes les 
espèces de la terre qui survivent et prospèrent ensemble, doivent 
explorer différentes approches.
Ces approches, pour réussir, devront comporter les caractéristiques suivantes.
3.1 Faire la distinction entre ce qui est connu et ce qui ne l’est pas
Nous avons besoin dès le départ 
d’un système rigoureux qui fait sens, conçu pour distinguer les faits du
 mensonge. Cela exige de fonder tous nos efforts de création de sens de 
manière tout à fait consciente dans un système logique axiomatique, en 
toute conscience. Il n’est pas nécessaire que ce soit un processus 
explicite et visible, bien que cela puisse être utile, mais il faut 
qu’il soit systématique.
Un système logique axiomatique 
implique l’application d’une méthode logico-déductive pour tester nos 
propres hypothèses et croyances par rapport à nos expériences du monde. 
Pour ce faire, il faut établir clairement quels sont nos points de 
données entrants, tant à l’interne qu’à l’externe, afin de déterminer la
 base factuelle et les hypothèses qui sous-tendent nos croyances. 
Derrière chaque argument ou position que nous défendons, il y a les 
hypothèses que nous faisons. En les faisant remonter à la surface, nous 
exigeons de nous-mêmes de faire de notre mieux pour valider ces 
hypothèses dans des données réelles, afin que ces hypothèses soient soit
 irréfutablement vraies dans un sens logique soit validées empiriquement
 ; et si nous ne pouvons pas les valider, alors nous sommes en mesure de
 le reconnaître et de réagir en conséquence. Idéalement, nous voulons en
 arriver à un point où nos hypothèses de base sur le monde sont 
irréfutablement vraies d’un point de vue logique ou validées 
empiriquement.
Dans le passé, nous avons trouvé 
utile d’appeler ces points de données « axiomes » (s’inspirant des 
travaux des premiers mathématiciens grecs) ; d’appeler les nouvelles 
informations qui émergent de l’analyse de ces axiomes « connaissances » ;
 puis d’utiliser ces connaissances pour définir les possibilités « 
d’actions ».
En bref, cette structure 
tripartite cherche à identifier ce que nous savons vraiment, à le 
séparer de ce que nous ne savons pas ou réalisons comme étant faux ; à 
tirer parti de ces connaissances dans l’ensemble du « système des 
systèmes » pour développer de nouvelles perspectives dans le système ; 
et à tirer parti de ces nouvelles perspectives – nouvelles connaissances
 – pour développer un nouveau cadre pour accompagner des décisions 
éclairées en vue d’actions visant à une adaptation au monde.
Dans le même ordre d’idées, nous 
voulons nous assurer de développer de nouvelles informations sur le 
monde sur la base d’une analyse systémique et holistique de ces axiomes.
 Cela exige une approche qui cherche à éviter les erreurs cognitives 
courantes, telles que les généralisations, les fausses inférences, les 
analogies injustifiées et autres erreurs souvent associées aux biais 
cognitifs. Dans la mesure du possible, nous voudrons nous assurer que 
nos nouvelles idées sur le monde sont formulées de manière à ce qu’elles
 correspondent le plus possible aux points des données axiomatiques que 
nous recueillons.
Une théorie ou une inférence est-elle réellement étayée par des données empiriques ?
Les données étayent-elles spécifiquement et entièrement l’inférence ou seulement partiellement ?
Y
 a-t-il des spéculations et des hypothèses supplémentaires dans le 
cheminement de l’inférence, des hypothèses qui ne sont pas entièrement 
fondées sur les données disponibles ?
L’inférence est-elle vraiment cohérente ou contient-elle des contradictions et des tensions?
Est-elle cohérente avec d’autres domaines du savoir ?
Lorsque
 nos croyances ne peuvent plus être directement dérivées de nos axiomes,
 alors elles ont cessé d’être des idées et sont devenues de l’idéologie.
 Dans ce cas, nous devons nous demander d’où viennent exactement ces 
idées et pourquoi nous insistons pour y croire.
3.2 Un écosystème de connaissances partagées
Une autre chose dont nous avons 
besoin dès le départ, c’est d’un nouveau cadre d’analyse de la réalité –
 quelle qu’elle soit de notre point de vue – à travers un cadre 
systémique complexe explicitement conçu pour s’engager dans la réalité 
du monde en tant que « système de systèmes ».
Un système logique axiomatique 
sera de peu d’utilité s’il est appliqué dans un contexte d’information 
fermé – dans ce cas, il ne serait même pas ouvert à de nouvelles 
informations, de véritables données nouvelles en dehors du périmètre de 
sa propre boucle de connaissances, et même si ces données arrivaient, 
elles seraient simplement auto-sélectionnées comme étant pertinentes. Un
 nœud ouvert d’information exige, de par sa nature même, une lentille 
multidisciplinaire qui peut diriger l’information à l’extérieur de la 
zone de confort de sa propre « expertise » ou de son approche 
disciplinaire.
Ainsi notre premier objectif est 
de développer nos capacités cognitives pour commencer à percevoir le 
monde comme un système complexe de systèmes ouverts et interconnectés. 
Ce cadre met en évidence les interconnexions systémiques inhérentes 
entre et à travers de multiples domaines sociaux, économiques, 
politiques, psychologiques, culturels, énergétiques, écologiques, 
technologiques, industriels et autres, ainsi qu’entre les principaux 
problèmes et défis et les parties prenantes.
Cela exige un effort de mise à 
niveau pour renforcer nos capacités cognitives dans nos propres 
contextes. D’abord et avant tout, cela signifie que nous devons nous 
former en tant qu’individus. D’autre part, il s’agit d’examiner comment 
cela peut être réalisé dans le contexte organisationnel des institutions
 dans lesquelles nous travaillons et intervenons.
L’élaboration d’une objectif 
multidisciplinaire pour voir le monde comme un « système de systèmes » 
aura inévitablement des limites au niveau individuel et exigera donc un 
engagement constant avec une expertise intersectorielle des disciplines.
 Elle exige également des cadres holistiques capables d’assurer un 
engagement intersectoriel efficace, en s’appuyant sur une compréhension 
empirique validée des systèmes du monde réel.
L’objectif suivant est de faire 
exactement le contraire de ce que nous faisons dans des boucles fermées 
d’information. Les boucles fermées d’information sont renforcées par les
 comportements actifs des individus qui choisissent eux-mêmes 
l’information en fonction de leurs partis-pris pré-établis. Cela tend à 
renforcer les récits polarisés. Cela renforce également les boucles 
d’information internes fermées qui maintiennent des croyances et des 
valeurs préférées et familières, bloque la capacité d’accepter et de 
traiter de nouvelles idées sur le monde et enferme l’individu dans un 
cycle de schémas comportementaux dysfonctionnels auxquels il ne peut 
échapper.
L’approche inverse consisterait à
 exploiter et à intégrer des points de vue multiples et dissonants pour 
explorer des flux d’information disparates et souvent déroutants sur des
 questions particulières, en tant que mécanisme central. Au lieu 
d’éviter, de contester, de dénigrer et d’excommunier des points de vue 
contraires, cette approche exige de retenir ces points de vue pour tirer
 parti de leurs enseignements respectifs.
Cette approche repose sur un 
axiome fondamental : que notre point de vue, peu importe à quel point 
nous pensons qu’il est « juste », est en fin de compte faillible, limité
 et dérivé d’un ensemble limité de données. Peu importe tout ce que nous
 faisons pour corriger cette situation, notre perspective sera toujours 
limitée. Cela signifie qu’à tout moment, notre perspective sera toujours
 exactement la même : une vision du monde, et non une image vraie, 
complète et exacte. Pour corriger cette situation, il faut une approche 
stratégique continue de l’information qui s’appuie sur un modèle de 
fonctionnement intégrant de multiples approches contradictoires.
Par
 conséquent, nous devons intégrer un processus – que ce soit en tant 
qu’individus ou en tant qu’organisations – pour faire face aux 
dissonances entre des points de vue opposés. De vraies idées ne peuvent 
être développées qu’en appliquant un système logique axiomatique pour 
discerner les faits de l’imposture d’une manière qui doit être cohérente
 sous tous ses angles.
Dans le modèle d’aujourd’hui, il 
est devenu une tendance dominante pour les gens qui se situent à 
l’intérieur de boucles fermées d’information particulières, que ce soit «
 à gauche », « à droite », « au centre » ou quoi que ce soit d’autre, de
 ne crier qu’au mensonge contre d’autres boucles fermées d’information 
qui s’opposent à la leur propre. Dans ce cas, il est même souvent 
considéré comme déloyal d’invoquer le mensonge ou le manque d’intégrité 
parmi les producteurs d’information auxquels on est attaché. C’est le 
symptôme d’un profond déclin civilisationnel de notre capacité 
collective en matière d’intégrité de l’information.
Cette approche garantit que les 
échecs et les failles de son propre cadre idéologique seront 
systématiquement ignorés et sous-estimés. Il s’agit avant tout d’une 
stratégie d’effondrement cognitif interne dont le résultat inévitable 
sera une dislocation croissante du système complexe des systèmes qu’est 
le monde réel. Elle représentera simultanément un déclin moral de la 
plus haute importance, dans lequel l’obsession des torts de « l’Autre » 
devient un substitut commode à l’obligation de rendre compte de ses 
propres pratiques cognitives et partis-pris en examinant l’intégrité de 
sa propre boucle fermée d’information.
Une autre approche, et la seule 
qui peut maintenir la possibilité d’une évolution adaptative tout en 
évitant l’effondrement cognitif et moral, est un nœud ouvert de contrat 
informationnel qui cultive spécifiquement une ouverture authentique à 
d’autres boucles d’information qui donnent un sens, y compris celles 
avec lesquelles elle est fondamentalement en désaccord. Cette ouverture 
n’est pas inconditionnelle. Elle ne peut conserver l’authenticité 
épistémologique qu’en exerçant un système de logique axiomatique qui 
permet d’accéder à des connaissances valables provenant d’autres boucles
 d’information tout en rejetant leurs défauts, leurs échecs et leurs 
incohérences. De même, cette ouverture doit être capable de tirer parti 
des connaissances externes pour éliminer les défauts, les échecs et les 
incohérences dans son propre cadre.
Ainsi,
 au lieu de boucles d’information fermées, polarisées et s’excluant 
mutuellement qui servent des préjugés préexistants qui se renforcent 
mutuellement, nous cultivons des nœuds ouverts et croisés d’engagement 
humble, critique et réfléchi dans lesquels l’information nouvelle peut provenir de perspectives multiples et être destinée à tous les points de vue.
3.3 Trouver sa force dans l’ici et maintenant
Cela permet un engagement profond
 et riche en contexte dans de multiples disciplines, sur de multiples 
questions en reliant des points. Cet effort cherche à naviguer, à l’aide
 d’une approche axiomatique, dans tout le paysage des données et de 
l’expérience disponibles pour développer tout un ensemble de 
connaissances systémiques qui peuvent être comprises dans leur contexte 
systémique plus large, plutôt que simplement comme des questions ou 
incidents disparates ou désordonnés.
Le corpus de connaissances qui en
 résulte est donc constitué de multiples points de vue, avec différents 
regards générés par différents nœuds ouverts d’information et 
d’élaboration de sens. L’ensemble de ces connaissances à travers de 
multiples nœuds et perspectives peut ensuite être exploité pour soutenir
 le développement de l’intelligence collective de systèmes entiers, 
renforçant la capacité à prendre des décisions saines et à agir avec 
cohérence dans le monde qui favorise des comportements d’adaptation et 
d’évolution.
L’impératif
 est d’identifier des points focaux où des actions pertinentes peuvent 
être entreprises – pour travailler sur les domaines où nous conservons 
le pouvoir, plutôt que de nous plaindre des domaines où nous manquons de
 pouvoir. En tirant parti des connaissances pour créer le changement ici
 et maintenant, dans nos propres corps, esprits, contextes et 
communautés, nous trouvons notre véritable pouvoir.
4 – Les dynamiques éthique et spirituelle de l’intelligence collective
L’examen de ces approches 
divergentes en cognition comportementale que sont les boucles fermées et
 les boucles ouvertes met au jour une série d’observations importantes. 
Nous pouvons résumer celles-ci à quelques observations éthiques clés, en
 prenant en compte le fait que les valeurs éthiques sont les signifiants
 de schémas comportementaux favorables ou défavorables, et que ces 
derniers seraient le reflet de notre orientation spirituelle.
4.1 De l’intérieur vers l’extérieur
Dans un premier temps il faut 
nous rappeler que les incohérences à grande échelle émergent en 
définitive des incohérences à petite échelle. Ainsi, quand nous voyons 
les malheurs qui touchent le monde et nous scandalisent – des formes de 
profondes incohérences qui provoquent une grande souffrance chez 
d’autres êtres vivants – ces incohérences ne sont pas simplement des 
horreurs détachées de nous.
La faille cognitive majeure 
consiste à voir ces incohérences comme ne faisant absolument pas partie 
de nous. Bien que, dans une certaine mesure, cela soit le cas, elles 
représentent aussi des tendances et des traits profondément ancrés de 
nos propres comportements. Et bien qu’il soit important d’affronter ces 
incohérences et de tenter de les modifier, faire cela sans simultanément
 prendre soin de régler nos incohérences personnelles, qui sont 
probablement présentes dans nos vies dans des contextes interpersonnels 
et sociaux très différents, ne produirait à la fin du compte aucun 
changement réel.
4.2 La force dans l’humilité
La seconde observation concerne 
la nécessité de l’humilité. En reconnaissant que l’ être humain est 
profondément faillible avec des limitations intellectuelles 
fondamentales, nous acceptons et embrassons le fait selon lequel nous 
disposons toujours d’un point de vue particulier de la réalité, peu 
importe qu’il soit juste en lui-même elle ne constitue jamais « la 
vérité ». Il nous faut alors résister à la tentation de l’orgueil de 
vouloir défendre nos propres convictions. Orgueil et certitude 
renforcent les circuits fermés d’informations en partant du principe que
 nous sommes familiarisés avec « l’entière vérité » et n’avons plus 
besoin de rechercher ou de découvrir des sources d’informations qui nous
 seraient peu familières.
En adoptant une humilité 
implacable, nous devenons plus ouvert à l’égard de l’inconnu et 
recherchons ce qui pourrait peut-être nous mettre mal à l’aise.
Ainsi plutôt que de nous isoler 
dans un cocon d’idées qui nous sont confortables et familières, nous 
cherchons constamment à nous mettre au défi, à vérifier nos hypothèses 
et nos points de repères.
Et au lieu de chercher à vérifier
 ou réfuter les opinions des autres, notre priorité est d’apprendre de 
leurs opinions et de nous débarrasser des oripeaux de nos préjugés.
Si nous n’adoptons pas cette 
humilité implacable, alors nous ne sommes pas vraiment intéressés par ce
 qui est réel. Nous nous attachons au lieu de cela à « avoir raison ». 
Ceci s’apparente en fait à une sorte d’égoïsme anxieux, qui nous 
garantit, finalement, d’être déconnecté du réel.
4.3 La vraie bataille
Une troisième observation est le 
fait que les circuits d’information fermés qui se développent à travers 
le monde, telles des métastases, reflète de près la neurophysiologie 
interne de l’individu. Ces circuits fermés sont en fait des 
prolongements collectifs de nos propres schémas de pensées, de 
communications et de comportements de groupe. Et en tant que tel, nous 
les retrouvons profondément ancrés dans les processus cognitifs internes
 qui nous paraissent souvent évidents et que nous remettons rarement en 
question (peu importe que nous soyons capables ou pas d’examiner les 
incohérences des puissantes structures présentes dans le monde).
Le parallèle le plus immédiat est
 cette voix intérieure à laquelle nous nous identifions, le « je », ce 
flot intérieur sans fin de nos pensées. Oui, cette voix intérieure que 
nous appelons « moi » et qui ne s’arrête jamais de parler, de commenter, de sentir, de juger, de réagir et ainsi de suite.
Efforcez-vous de vous placer dans
 un état de pleine conscience l’espace d’un instant, regardez et écoutez
 votre voix intérieure pendant un moment et vous remarquerez que le flot
 infini de la pensée ne s’arrête jamais, tel une machine incessante ou 
un « lapin Duracell » fou sous stéroïdes. Il ne s’arrête ni ne se tait. 
Quand vous essayez de l’arrêter, de le pousser à se concentrer, de le 
diriger, il serpente autour des obstacles et trouve un moyen de refaire 
surface et de reprendre sa dynamique interne.
Bienvenue dans votre boucle fermée d’information intérieure.
Ce flot de la pensée et de 
l’émotion, auquel nous avons l’habitude de nous identifier, ce n’est pas
 « vous » – c’est bien sûr une partie de vous, mais le fait que vous 
ayez conscience de ce flot d’une manière qui vous permet dans une 
certaine mesure de vous en distancier et d’en avoir une certaine 
maîtrise démontre que vous, votre conscience, votre capacité de 
discernement, constituent bien plus que la somme de vos pensées et de 
vos ressentis.
Quoi qu’il en soit, cette boucle 
fermée intérieure est le résultat neurophysiologique d’une combinaison 
de facteurs : votre héritage génétique, le vécu de votre mère lorsque 
vous étiez dans son utérus, les stimuli de votre cadre social et de 
votre cadre de vie depuis la naissance, l’éducation reçue durant votre 
enfance, les relations avec vos parents, vos frères et sœurs, votre 
famille en général, puis plus tard avec vos professeurs et vos amis, et 
les expériences variées de la vie au cours de toutes ces phases.
Dans une grande mesure, la 
manière avec laquelle nous nous comportons ou nous réagissons dans nos 
rapports aux autres, en tant qu’adulte, est le produit de schémas 
comportementaux appris, qui se sont développés ainsi. Ces schémas sont 
des habitudes ancrées. Ils trouvent à leur tour leurs racines dans des 
structures de la pensée et de l’émotion, qui se sont construites sur nos
 premières réactions aux stimuli de notre cadre social et de notre cadre
 de vie. Et ainsi, la manière dont nous établissons des rapports avec 
nos parents et notre fratrie contribue à créer des cadres inconscients 
de croyances et d’émotion sur ce que nous sommes et sur le monde, cadres
 qui définissent notre comportement pour des années à venir, si ce n’est
 pas jusqu’à la fin de notre vie.
L’anxiété et les inquiétudes 
vécus dès le plus jeune âge, détermineront nos comportements au travail,
 dans nos relations ou dans des situations sociales pendant des années –
 ce que quelqu’un peut dire aujourd’hui passe par le filtre d’un enfant 
qui aura vécu une forme de traumatisme ou de négativité. Même si la 
situation d’aujourd’hui est complètement différente, nous finissons par 
extraire du passé ce traumatisme ou cette négativité.
En
 bref, nous passons une grande partie de notre vie dans des boucles 
fermées d’informations, d’émotions et d’actions, qui sont 
dysfonctionnelles, et desquelles nous ne pouvons nous échapper. C’est 
souvent parce que nous avons rarement conscience de ce que nos réactions
 ne sont pas nécessairement rationnelles, mais sont déclenchées par 
d’anciennes boucles fermées de pensées et de comportements.
(L’une des caractéristiques des 
boucles fermées d’information extérieures que nous avons vu 
précédemment, est la tendance que nous avons à voir très facilement les 
failles dans les boucles d’information autres que la notre, tout en 
refusant d’exposer notre propre boucle à un tel examen. Une chose que 
nous faisons systématiquement.)
Cet ensemble d’activité mentale, 
que j’appelle parfois « trains de pensées », a tendance à fonctionner 
selon une volonté tenace qui lui est propre. Ces trains de pensées sont 
propulsés en suivant leur propre logique, ils se projettent en avant 
sans jamais s’arrêter. Lorsque nous nous identifions à ces trains de 
pensées , nous n’avons plus le contrôle. De fait, nous devenons les 
esclaves de notre propre système neurophysiologique, les marionnettes de
 notre propre histoire, des automates dont les actions révèlent les 
mêmes schémas et boucles comportementaux se répétant perpétuellement. En
 fait, nous sommes tels des zombies prisonniers d’une séquence connue 
d’actions et de réactions.
4.4 Comment sortir des boucles fermées d’informations
L’ensemble des trains de pensées a
 été largement étudié par les traditions spirituelles et religieuses 
ainsi que par les théories de la psychologie et de la psychanalyse. Il 
est parfois décrit comme une structure complexe – Freud l’envisageait 
comme une entité tripartite composée du ça (les pulsions inconscientes),
 du surmoi (la conscience morale) et du moi, lequel fait office de 
médiateur entre les deux premiers, et auquel nous nous identifions.
Ces concepts sont, dans une 
certaine mesure, légitimes, cependant, une approche plus judicieuse 
serait de reconnaître que cet ensemble de trains de pensées se trouve à 
la croisée des chemins entre le moi, cette conscience que nous 
définissons comme le « je », et la voix intérieure qui se manifeste sous
 la forme de l’enchaînement continu du fil de la pensée couplé aux 
émotions. Nous sommes conscients des « trains de pensées », auxquels 
généralement nous nous identifions, et nous considérons qu’ils sont une 
représentation du « je », sans comprendre, en général, leurs causes 
profondes.
A
 cet égard, l’idée géniale de Freud résidait dans le fait que nous 
contribuons peu à l’élaboration des « trains de pensées » – ceux-ci se 
développent continuellement, répondant aux stimuli extérieurs sur la 
base d’une programmation codée en dur, résultat d’années d’exposition 
aux stimuli environnementaux, sociaux et génétiques.
Ce n’est que lorsque nous 
commençons à porter une partie de cette programmation à l’attention de 
notre conscience et que nous nous permettons d’examiner comment nos « 
trains de pensées » sont inconsciemment entraînés, que nous sommes en 
mesure de nous libérer de nos anciennes boucles fermées d’informations 
et de comportements, et de choisir vraiment de nouvelles manières 
d’agir, qui ne seraient pas déterminées par le carcan des comportements 
acquis, des peurs, des cycles de pensées négatives et des 
dysfonctionnements cognitifs fixés en nous à travers nos expériences 
passées.
Pour Freud, la conscience morale 
du surmoi chez l’individu était simplement composée de notions apprises à
 travers sa socialisation. Selon lui, le moi finit par servir de point 
d’inflexion et de champ de bataille entre les pulsions inconscientes (le
 ça) qui propulsent un faisceau intriqué de trains de pensées (le moi) 
et les impératifs moraux de la société (réfracté par le surmoi).
4.5 La conscience et la connaissance intuitive du réel
Freud n’avait cependant pas 
totalement raison. Bien que les interprétations des catégories et les 
préceptes moraux soient certainement le résultat de la socialisation de 
l’humain, les catégories en elles-mêmes, la notion de bien et de mal, la
 justice, la compassion, la générosité etc, sont universellement 
reconnues par tous les êtres humains tout au long de l’histoire de 
l’humanité, dans toutes les cultures, toutes les religions et chez les 
athées.
Nous nous trouvons en face de 
preuves empiriques irréfutables, qui confirment que la conscience morale
 – et les valeurs de coopération, d’amour, de gentillesse, etc, qu’elle 
recouvre – reflète des modèles de comportements collaboratifs et 
synchronisés, qui à leur tour impliquent l’existence d’un paradigme 
d’unité et de responsabilité humaine à l’égard de la planète, en 
contradiction avec le paradigme dominant.
Ce dernier est constitué de 
modèles comportementaux, de structures associées de type politique, 
économique et culturel et d’un système de valeur et d’hypothèses 
idéologiques coextensifs, qui participe de l’auto-maximalisation 
individuelle à travers l’accumulation matérialiste sans fin et la 
gratification. Si la trajectoire ultime d’un statut quo du paradigme 
dominant se trouve dans l’effondrement et l’extinction de la 
civilisation, le paradigme d’une unité et responsabilité humaine, quant à
 lui, représente la seule manière d’éviter une telle fin.
Ceci indique que les actions 
d’ordre éthique ont bel et bien une fonction évolutionniste objective 
coextensive à la survie de l’espèce humaine. Les valeurs éthiques ne 
sont donc pas uniquement des produits de la socialisation de l’humain.
Elles sont le reflet d’une structure ontologique plus profonde qui englobe les rapports entre les êtres humains et la nature.
Ce que Freud appelait le surmoi 
n’est en fait que le moi profond de l’esprit de l’humain, qui est 
lui-même intrinsèquement et intuitivement conscient de sa relation 
directe avec la terre, le vivant, la vie elle-même et le cosmos, 
connaissance partiellement induite par la fonction latente de l’état de 
conscience aussi appelé conscience, la faculté d’appréhender les valeurs
 éthiques.
Lorsque nous nous autorisons à 
voir nos trains de pensées pour ce qu’ils sont vraiment, nous découvrons
 leurs éléments moteurs. Le fait de voir cette « programmation » de nos 
comportements appris, de nos pensées, de nos émotions, de nos réactions 
et contre-réactions, est une condition préalable pour pouvoir nous en 
défaire.
Nous permettons alors à notre moi
 de comprendre ce moi plus profond, dont la conscience latente est en 
phase avec la terre, la vie et le cosmos, et de s’engager dans une 
action vraiment libre de tout carcan à travers une auto-réalisation 
éthique en phase avec la terre, la vie et le cosmos.
Bien sûr, ceci ne se résume pas à
 une simple introspection mais demande une ouverture sur l’extérieur – 
en se détachant des vieilles croyances et habitudes dysfonctionnelles, 
l’humain est désormais ouvert à un dialogue régénérateur avec ce qui est
 réel ; et dialoguer avec ce qui est réel demande une attention 
vigoureuse et renouvelée pour le réel, qui comprend la reconnaissance 
des connections physiques et métaphysiques profondes de l’individu avec 
la terre, la vie et la cosmos.
A
 l’inverse, l’incapacité de voir ces trains de pensées pour ce qu’ils 
sont, ne conduit qu’à une crise interne et un effondrement.
Les trains de pensées sont 
souvent incapables de réagir de manière sensée avec le monde réel car 
ils ne réagissent pas au monde tel qu’il est mais aux constructions, aux
 perceptions et aux émotions limitées qu’ils ont du monde, ancrées dans 
les expériences passées. Ils provoquent des schémas comportementaux qui 
ne permettent pas de se connecter avec ce qui est réel, et sont donc 
destructeurs et inefficaces.
Cela peut conduire à toute sorte 
de défaillances : des problèmes psychologiques, des dépressions, des 
problèmes de santé mentale, ainsi que des ruptures dans nos relations, 
que ce soit au sein du foyer ou au travail, dans une relation amoureuse,
 entre parents ou dans une fratrie.
5 – Il n’y a pas d’affranchissement social sans affranchissement de soi.
Vous ne pouvez pas libérer le 
monde quand votre esprit, vos pensées et votre corps sont entravés dans 
les mailles de vos propres illusions. Ce qui se produit à l’échelle du 
microcosme de l’individu se prolonge à l’échelle du macrocosme de la 
société.
Lorsque nous regardons l’appareil
 dominant des communications de masse aujourd’hui au sein de l’espèce 
humaine, nous pouvons voir très clairement comment il fonctionne et 
essentiellement comme une extension de nos dysfonctionnements internes 
au niveau du moi.
Les
 boucles fermées de partage d’informations autoréférentielles sur les 
médias sociaux sont le prolongement du tourbillon fermé et insulaire de 
pensées qui composent le moi et se renforcent les unes les autres.
Tout comme en interne, les 
boucles d’information fermées ont tendance à impliquer des cycles 
répétés de dysfonctionnement, impliquant souvent des crises et des 
effondrements, en externe, elles ont des corrélats similaires. Dans les 
sociétés et les communautés, dans les organisations et les institutions,
 les boucles fermées ont tendance à impliquer des hypothèses 
idéologiques qui se renforcent mutuellement. Il en résulte des 
comportements fixes dans les organisations et les groupes, et des 
dynamiques dysfonctionnelles qui tendent à exclure les idées et les 
comportements qui remettent en question ou sapent la légitimité de ces 
modèles fixes et les cadres de pensée limités sur lesquels ils reposent.
Les boucles fermées offrent peu 
de possibilités d’apprentissage organisationnel réel, car tout ce qui se
 trouve en dehors de ce que l’on suppose déjà « connu » est largement 
exclu. L’organisation est ainsi condamnée à l’échec lorsqu’elle est 
confrontée à de nouveaux défis dans le monde réel, car elle est alors 
incapable de s’adapter – il n’y a pas de capacité d’adaptation au 
changement lorsque l’organisation manque de l’ouverture cognitive 
fondamentale requise pour comprendre la nature de ce changement et sa 
dynamique.
Les boucles fermées ont donc un 
caractère cancérigène. Elles tendent à conduire à la fossilisation 
institutionnelle et à la stagnation. Lorsque le changement survient, il 
peut conduire à une crise institutionnelle et à un effondrement, et peut
 aussi déclencher le recours à des modèles mentaux et comportementaux 
familiers mais limités et imparfaits, qui peuvent bien être 
intégralement liés aux causes de la crise, mais qui sont néanmoins 
poursuivis. Le résultat pourrait en être de remettre à plus tard – si 
les vraies questions d’adaptation profonde ne sont pas abordées, cela 
garantit une résurgence de la crise.
Une approche en nœud ouvert, en 
revanche, implique une conscience de soi organisationnelle – une 
introspection critique capable de voir les structures, les intérêts, les
 processus et les hypothèses qui déterminent les comportements 
organisationnels du statu quo, de les voir tels qu’ils sont.
Le fait de voir cette « 
programmation » structurelle du comportement organisationnel, des 
pensées, des émotions, des réactions, des préjugés inconscients, des 
traumatismes inconscients et des contre-réactions est la condition 
préalable pour que les agents clés de l’organisation se libèrent de 
cette programmation structurelle, et permettent ainsi à l’organisation 
en tant qu’accumulation de ces agents de se libérer pour choisir une 
voie véritablement nouvelle et régénérative.
Il ne suffit pas de voir les 
choses de cette façon. Il est également essentiel de s’engager avec 
l’environnement au sens large, de le voir et de le comprendre vraiment, 
au-delà du paradigme dépassé de l’ancienne idéologie organisationnelle, 
mais maintenant pour ce qu’il est. Cela exige une approche axiomatique 
qui s’adapte intentionnellement à ce qui est réel – la terre, la vie et 
le cosmos – en s’engageant dans de multiples perspectives, disciplines, 
optiques, paradigmes, afin de voir ce qui est réel comme un système 
entier, un système de systèmes.
Sur cette base, une nouvelle 
capacité de régénération émerge: cette capacité implique une capacité 
renouvelée à comprendre ce qui est réel et qui s’améliore 
continuellement sur la base d’une autocritique rigoureuse et 
bienveillante et d’un engagement externe essentiel ; une compréhension 
qui renforce le développement de nouvelles valeurs et comportements 
adaptatifs conçus pour mieux correspondre à ce qui est réel.
Cela permet à l’organisation de 
prendre conscience de son potentiel à manifester un caractère plus 
profond en tant qu’expression de l’intelligence collective, dont la 
conscience latente est alignée sur la terre, la vie et le cosmos, et 
d’entreprendre ainsi une action véritablement libre par une 
auto-réalisation éthique qui est en accord avec la terre, la vie et le 
cosmos.
5.1 Un nouveau paradigme
Les réponses adaptatives exigent de prendre de nouveaux engagements radicaux en pensée et en action, et d’y donner suite. C’est le socle fondateur de l’intégrité humaine.
Dans le vieux paradigme de la 
boucle fermée, nous avons peut-être toutes sortes d’engagements et 
d’intentions conscients, mais ceux-ci sont souvent déjoués en raison de 
l’élan effréné des modèles de pensée et des cycles comportementaux 
appris. Celles-ci peuvent surgir de façon inattendue et diriger notre 
comportement réel d’une manière dont nous ne sommes pas toujours 
pleinement conscients, même lorsque nous prenons des décisions 
conscientes qui vont à son encontre. Si nous ne prenons pas conscience 
de ces facteurs internes, nous ne pouvons pas être libres de voir à quel
 point ils nous affectent, et nous ne pouvons pas nous en affranchir par
 la suite.
Lorsque nous les soumettons à la 
lumière de la connaissance, nous devenons libres de nous élever 
au-dessus d’eux. Mais s’élever vraiment au-dessus d’eux n’est possible 
qu’en créant de nouvelles voies de pensée adaptatives et de nouveaux 
modèles comportementaux qui s’alignent sur le réel. Pour ce faire, il 
faut prendre de nouveaux engagements à l’égard de ce qui est réel. En 
respectant ces engagements, nous créons de nouvelles voies conceptuelles
 qui reflètent la réalité et de nouveaux modèles de comportement ou 
habitudes qui s’adaptent à la réalité.
La condition préalable à cela est
 de prendre conscience de la boucle fermée des trains de pensée qui 
dirigent le comportement. Il s’agit de voir et de se défaire de ses 
illusions en reconnaissant les responsabilités que nous avons réellement (souvent inconsciemment) prises à travers nos comportements et leurs conséquences dans notre vie et celle des autres.
Nous pouvons constater que les 
idéaux pour lesquels nous aimons croire que nous sommes engagés font 
partie d’un masque que nous présentons aux autres et même à nous-mêmes, 
un bouclier pour les insécurités internes développées à partir d’une 
foule de traumatismes passés. Nos engagements comportementaux réels 
pourraient bien être simplement d’avoir « raison » ; ou d’être forts ; 
d’être « intelligents » ou « cool » ; d’être « appréciés » et « acceptés
 » ; d’être « sûrs » ; ou à l’exact opposé de ceux-ci, selon la façon 
dont notre passé a tissé notre composition neurophysiologique.
Quand nous réalisons que ces 
attaches subliminales liées à nos boucles fermées de pensée et d’action 
causent en fait notre destruction et celle des autres de différentes 
manières ; nous sommes capables de nous en libérer.
Il est essentiel de les voir 
telles qu’elles sont et, dans ce processus, de les laisser partir. Sur 
cette base, nous pouvons être prêts à prendre librement des engagements 
véritablement nouveaux et porteurs d’adaptation.
Pour les organisations, le 
processus est à peu près le même – la stratégie et la vision 
organisationnelles doivent être recalibrées et redéfinies sur la base 
d’un ensemble renouvelé d’objectifs, d’engagements et de valeurs qui 
définissent une nouvelle mission. Cette mission doit à son tour 
s’appuyer sur une évaluation globale des systèmes qui va au-delà de 
l’analyse abstraite traditionnelle SWOT [SWOT : Strength, Weakness, 
Opportunity, Threat (force, faiblesse, opportunité, menace), NdT] pour 
aboutir à une approche qui sollicite des données pluridisciplinaires 
débouchant sur une telle analyse systématique et holistique.
Le fondement de l’intégrité 
montre à quel point les réponses adaptatives exigent une transcendance 
et une transformation de l’égoïsme.
L’ego n’est pas aboli, mais 
transformé en un véhicule pour faire naître un moi supérieur et 
meilleur, plus en harmonie avec ce qui le dépasse, et dans lequel il est
 intégré.
Nous passons du réductionnisme au
 holisme, de l’auto-absorption à l’interconnexion mutuelle, de 
l’affliction de la séparation et de l’aliénation à l’abondance de la 
synchronicité et de la coopération, de la guerre de l’information 
fragmentée discordante et conflictuelle à la communication inclusive, 
synergique et co-créative. Nous passons d’une dynamique dégénérative 
d’effondrement chaotique à des flux complexes de revitalisation 
régénérative.
Les voies d’action ouvertes par 
ce processus devront traduire une transformation de l’orientation des 
valeurs en changements structurels profonds.
La pratique d’extraire et 
d’accumuler de l’énergie pour concentrer la richesse matérielle et le 
pouvoir entre les mains de quelques-uns ne peut que nous détruire tous 
avant la fin du siècle.
Ces
 changements métaboliques devront donc nous réorienter d’une relation 
d’exploiteur et de prédateur envers notre environnement et entre nous, 
vers une relation basée sur la parité ; d’une sur-accumulation et 
centralisation de la richesse et du pouvoir, vers un ensemble de formes 
propres, mutualistes, régénératrices et distributives de consommation 
des ressources, de la production, de la propriété et du travail qui nous
 font passer dans un système énergétique humain et terrestre durable et 
enrichissant pour tout ce qui le constitue.
Fondamentalement, un changement constructif du système consiste
 à transformer notre relation métabolique collective profonde avec la 
terre, la façon dont nous extrayons et mobilisons l’énergie dans tous 
les domaines de notre vie à travers nos structures économiques, 
sociales, politiques, et culturelles. Si nous ne parlons pas cette 
langue, nous ne faisons que bricoler.
6 – Les stratégies pour changer de système
Lorsque les systèmes connaissent 
une crise due à l’incapacité de s’adapter aux changements 
environnementaux, la crise est existentielle. Soit le système évolue 
grâce à une adaptation qui exige une appréhension précise de 
l’environnement qui mobilise les adaptations comportementales, soit il 
régresse et s’effondre finalement.
Cette période indéterminée implique un passage progressif à
 ce qui pourrait devenir un nouveau système, mais qui évoluera ou 
régressera. Dans ce cas, l’évolution consiste en un renouvellement 
individuel, organisationnel ou civilisationnel ; l’alternative est une 
forme de régression individuelle, organisationnelle ou civilisationnelle
 qui se traduit par un premier pas vers un long déclin.
Nous sommes actuellement au milieu d’un changement de phase mondial qui
 signale que l’ordre, le paradigme et le système de valeurs dominants 
sont dépassés et insoutenables. L’effondrement du système mondial a 
entraîné un renforcement et une accélération de l’indétermination dans 
les structures et sous-systèmes politiques, économiques, culturels et 
idéologiques. Nous en faisons l’expérience dans la confusion croissante 
entre tous ces systèmes, en particulier dans la dislocation « 
post-vérité » de nos systèmes d’information dominants.
Une réponse adaptative exige le 
plus grand nombre possible de composantes du système mondial pour 
embrasser notre mission évolutive en tant qu’individus, familles, 
organisations, communautés, sociétés, nations, institutions 
internationales, et en tant que civilisation et espèce.
Cela nécessite une approche sur 
plusieurs fronts impliquant la coordination d’acteurs à différentes 
échelles – à la fois une pression externe de « résistance » par le bas 
combinée à une action d’engagement de haut niveau, calibrée avec 
l’objectif spécifique d’amener les agents clés à prendre conscience de 
l’ensemble du système. Cela suppose également de cibler des structures 
spécifiques et de modifier l’orientation cognitive des personnes dont 
les pensées et les comportements sont les fondements microcosmiques de 
ces structures.
Lorsqu’une organisation ou une 
structure particulière atteint un point de basculement en termes de 
changement cognitif des personnes qui la composent, ce n’est qu’à ce 
moment-là que la structure organisationnelle au sens large devient 
vulnérable au changement authentique.
D’autres perspectives se dégagent ici.
Tout d’abord, la nature 
étroitement liée des structures sociales, la nature interconnectée des 
systèmes, implique que le pouvoir de l’action individuelle est beaucoup 
plus important qu’on ne le pense.
Bien sûr, d’une part, il est 
important d’adopter une approche pragmatique qui accepte les limites de 
son propre pouvoir. Une seule personne ne peut pas changer tout le 
système à elle seule. Cependant, une seule personne peut agir d’une 
manière qui contribue au changement du système et le catalyse, que ce 
soit à court terme ou, très probablement, à long terme.
La
 nature interconnectée des systèmes signifie que les conséquences des 
décisions d’une personne dans un contexte social auront un effet 
d’entraînement en cascade avec la possibilité inhérente d’influencer 
tout un système.
L’importance de cet impact dépendra d’un certain nombre de facteurs :
Dans quelle mesure l’action fait-elle partie d’un nouveau paradigme d’un point de vue systémique ?
Dans
 quelle mesure fait-elle appel à d’autres composantes du système, les 
mobilise-t-elle et les pousse-t-elle vers des modalités qui brisent les 
paradigmes et créent de nouveaux paradigmes – et pas seulement des 
actions fragmentaires, mais une transformation globale en intention 
consciente, en vision et en modèle comportemental ?
Dans
 quelle mesure ces nouveaux modèles de pensée et de comportement 
émergents contribuent-ils à l’émergence de nouvelles structures – de 
nouveaux modèles collectifs de pensée et de comportement orientés vers 
la vie, la terre et le cosmos ?
Après avoir exécuté les processus
 décrits jusqu’à présent, la tâche consiste à choisir – sur la base 
d’une évaluation systémique et holistique de soi-même, de son contexte 
socio-organisationnel et de l’ensemble des systèmes (politique, 
culturel, économique, etc.) – la voie de l’action adaptative et 
transformatrice.
L’orientation
 de l’action que l’on choisira sera différente pour différentes 
personnes et dépendra entièrement de qui l’on est et du contexte complet
 des relations environnementales, sociales, politiques, culturelles, 
économiques, familiales et autres dans lequel on s’inscrit.
Sur la base de cette évaluation, 
des voies et des possibilités d’action variables deviendront claires. La
 voie choisie doit être conçue de manière à mobiliser le meilleur de voscompétences,
 expériences, ressources et réseaux disponibles pour transformer (dans 
la mesure du possible) votre moi et ensuite tirer parti de ce mouvement 
interne dans votre contexte spécifique pour
 explorer la perspective de créer (autant que possible) des tendances et
 comportements qui peuvent jeter les bases de l’émergence de nouvelles structures et systèmes paradigmatiques dans votre contexte particulier.
La discussion qui précède 
illustre cependant une certaine logique à ce processus. Le travail 
préparatoire exige une voie d’action dans la poursuite de la 
transformation de la création de sens et de l’exploitation de 
l’information dans votre contexte social en guise de première étape. 
Cela exige naturellement de dépasser les généralisations abstraites et 
de se concentrer concrètement sur votre situation existante et réelle 
dans un contexte territorialisé.
L’étape suivante consiste à en 
tirer parti pour créer un dialogue génératif à travers de multiples 
perspectives dans votre contexte social, organisationnel ou 
institutionnel afin de générer un véritable éveil de la conscience de 
systèmes entiers pertinents pour ce contexte territorialisé.
L’étape finale consiste à prendre
 conscience de la structure actuelle du système et de ses défaillances 
dans ce contexte spécifique, en vue de mettre au jour les points de 
pression et les possibilités d’action transformatrice par l’analyse de 
scénarios :
A
 quoi ressemblerait un nouveau système, une nouvelle structure, une 
nouvelle façon de vivre et de travailler, une nouvelle façon de vivre et
 d’être en relation avec la vie, la terre et le cosmos dans cette 
localité, pour cette famille ou cette communauté ?
Comment
 prendre des mesures concrètes pour y parvenir, pour construire ce 
nouveau paradigme par la construction et l’adoption de nouvelles formes 
d’intention, de réflexion et de comportement ?
Que se passerait-il si nous n’adoptions pas ces mesures ?
L’un des enseignements qui en 
ressort est qu’il n’est pas possible de changer le système en se 
désengageant de ce système. Bien que l’application de pressions sur le 
système puisse parfois fonctionner, cela peut aussi être 
contre-productif et produire des résultats involontaires dans lesquels 
les agents puissants qui bénéficient du système réagissent simplement en
 essayant d’écraser et de neutraliser la puissance de ces efforts de « 
résistance ». Souvent, en déclenchant de telles réactions militarisées, 
les approches traditionnelles de « résistance » aboutissent à elles 
seules à un cycle d’autodestruction dans lequel elles ne peuvent gagner,
 étant donné que la « résistance » ne peut jamais égaler la puissance 
écrasante des réactions militarisées qu’elles provoquent toujours.
Cela ne signifie pas que la « résistance » traditionnelle n’est pas sans valeur, mais elle montre qu’en tant que seule stratégie de changement, elle est susceptible d’échouer.
Le changement de système exige 
une gamme complète d’approches stratégiques à plusieurs niveaux. 
L’application d’une pression de « résistance » peut être un levier utile
 et approprié à certains moments. De façon plus générale, des stratégies
 d’engagement critique sont également nécessaires. Il s’agit d’entrer 
dans les structures et les systèmes que l’on souhaite changer et d’y 
appliquer les nouveaux modèles d’intention et d’action ; de trouver des 
occasions d’appliquer notre processus en plusieurs étapes de création de
 sens, de collecte d’information, de communication et de dialogue, 
d’éveil (afin de reconnaître le besoin de transformation) et enfin de 
s’engager sur la voie d’un changement de paradigme pour faire évoluer ce
 système vers une nouvelle configuration adaptative.
Les efforts de changement de 
système doivent être entrepris par les personnes et les organisations en
 reconnaissant explicitement que nous vivons actuellement un changement 
global de phase, où existe une opportunité sans précédent de s’engager 
dans l’acte de semer des graines microcosmiques pour le changement 
macrocosmique.
L’objectif
 de ces efforts devrait être de poursuivre les activités qui permettent 
d’atteindre des niveaux d’impact menant au seuil de basculement afin de 
pousser des sections clés du système vers un nouvel état stable.
Pour cela, il est nécessaire d’établir de nouveaux niveaux de coordination au sein du système entre de multiples groupes, organisations, institutions, classes – pour
 planter les germes d’un nouveau réseau transversal entre sociétés et 
communautés à travers lequel de nouveaux canaux de communication, de 
partage et d’apprentissage peuvent être développés pour transmettre une 
conscience cognitive revitalisée basée sur des systèmes complets qui 
font sens. Sur cette base, les structures adaptatives émergentes,
 les institutions, les pratiques et les modèles comportementaux peuvent 
être partagés, explorés et proto-typés dans de multiples contextes territoriaux.
Chaque individu, groupe et 
organisation qui s’engage pour un monde meilleur doit intégrer dans sa 
constitution interne un processus qui intègre cette pratique adaptative 
et évolutive. Si ce n’est pas une priorité à un certain niveau, c’est 
que vous êtes engagé dans un autre projet (inconsciemment ou non) et 
vous devez vous efforcer de découvrir lequel et pour quelle raison.
Inutile de dire que les systèmes 
et les structures qui insistent pour résister à de tels efforts de 
changement finiront par s’effondrer pendant le changement de phase.
Une autre idée fondamentale qui 
se dégage ici est qu’il est tout à fait inutile de s’engager dans un 
effort pour changer le monde, le système ou tout autre contexte social 
extérieur à vous, sans avoir commencé par vous-même.
C’est
 un processus continu, une discipline constante. Parce que le microcosme
 et le macrocosme sont en fin de compte des reflets l’un de l’autre. Le 
monde extérieur est une construction et une projection des mondes 
intérieurs.
Plus concrètement, si vous n’avez
 même pas commencé à comprendre comment votre moi, vos pensées, vos 
schémas comportementaux et votre neurophysiologie sont reliés par 
l’ensemble du système, afin de devenir vraiment libre de manifester un 
moi vraiment choisi, vous ne serez jamais équipé pour vous engager dans 
un effort significatif pour modifier le système.
Au lieu de cela, votre lutte pour
 changer les externalités deviendra un champ de projection pour vos 
dysfonctionnements internes et au lieu de contribuer au changement du 
système, vous apporterez involontairement des tendances égoïstes 
régressives dans le renforcement de la dynamique systémique dominante et
 enracinée au nom de la « résistance ». Après avoir inconsciemment 
intériorisé les valeurs et les dynamiques régressives externes du 
système que vous n’appréciez pas, vous finirez par promouvoir ces mêmes 
dynamiques dans votre « activisme ».
Les efforts pour appeler au 
pouvoir n’ont aucun sens si vous n’avez pas renversé le tyran en vous. 
Cela nécessite une autoformation intensive et continue, ainsi qu’un 
engagement externe continu dans votre contexte socio-organisationnel.
Abandonnez
 les boucles fermées pour devenir un nœud ouvert. Embrassez votre 
interconnexion ontologique avec toute forme de vie, la terre et le 
cosmos et découvrez votre moi comme leur expression consciente ; et dans
 cette découverte, assumez votre responsabilité existentielle envers la 
vie, la terre et le cosmos, devenant ainsi celui que vous êtes vraiment.
 Considérez-vous comme responsable. Grandissez et manifestez-vous dans 
votre propre vie et votre propre contexte. Acceptez votre responsabilité
 dans les relations brisées autour de vous, reconnaissez les manques de 
loyauté dans vos engagements, faites amende honorable et trouvez de 
nouveaux engagements authentiques. Et apportez cette intégrité, cette 
humilité et cette clairvoyance émergentes dans un effort renouvelé pour 
construire des visions et des pratiques qui changent de paradigme dans 
le cadre dans lequel vous pouvez réellement agir. Et vous planterez une 
graine dont le seul destin sera de s’épanouir inexorablement.
Le défi le plus immédiat qui nous
 attend est peut-être de faire face à l’effondrement inévitable de 
l’ancien paradigme, à l’intérieur comme à l’extérieur, et d’accepter ce 
que cela signifie. Au premier abord, cela peut sembler être quelque 
chose qui génère un profond chagrin. Et en effet, la disparition de 
l’ancien apportera inévitablement d’immenses dévastations et souffrances
 – les dangers de cette reconnaissance sont qu’elle conduit à l’une ou 
l’autre de deux réactions émotionnelles extrêmes, le déni optimiste ou 
le pessimisme fataliste. Ni utiles, ni justifiées par les données 
disponibles, elles renforcent toutes deux l’apathie. Elles sont 
dépourvues de vie. L’acceptation de la disparition de l’ancien 
paradigme, lorsqu’elle est correctement ancrée dans la vie elle-même, 
est la condition préalable à l’entrée dans une nouvelle vie, une 
nouvelle façon de travailler, de jouer et d’être en harmonie avec la 
vie, la terre et le cosmos ; c’est la condition préalable pour trouver 
le pouvoir de commencer à co-créer de nouveaux paradigmes.
Dr Nafeez Ahmed est le rédacteur fondateur d’INSURGE Intelligence.
 Nafeez est journaliste d’investigation depuis 17 ans, précédemment au 
journal The Guardian, où il a rendu compte de la géopolitique des crises
 sociales, économiques et environnementales. Nafeez parle du ‘changement
 global du système’ pour VICE Motherboard. Il a des articles dans The 
Independent on Sunday, The Independent, The Scotsman, Sydney Morning 
Herald, The Age, Foreign Policy, The Atlantic, Quartz, New York 
Observer, The New Statesman, Prospect, Le Monde diplomatique, etc. Il a 
remporté à deux reprises le Project Censored Award pour ses reportages 
d’investigation, a figuré à deux reprises dans la liste des 1000 
londoniens les plus influents du Evening Standard et a remporté le prix 
Naples, le prix littéraire le plus prestigieux d’Italie créé par le 
Président de la République. Nafeez est également un universitaire 
interdisciplinaire largement publié et cité qui applique l’analyse de 
systèmes complexes à la violence écologique et politique. Il est 
chercheur à l’Institut Schumacher.
Source : Insurge Intelligence, Nafeez Ahmed, 11-01-2019
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
A propos de l'intelligence collective, un document très intéressant à télécharger ici : http://axecoaching.com/pdf/livre_blanc_icvc.pdf
A propos de l'intelligence collective, un document très intéressant à télécharger ici : http://axecoaching.com/pdf/livre_blanc_icvc.pdf
A propos d'intrication quantique... un article relayé dans ce blog en 2018
Face à l’effondrement, fondons des alliances terrestres [Et intéressons nous à la physique quantique ?] / In the face of the collapse, let us base ground alliances [ And let us interest in the quantum physics?]
19 juillet 2018 / Corinne Morel Darleux
source : https://reporterre.net/Face-a-l-effondrement-fondons-des-alliances-terrestres

La dépendance de nos sociétés au pétrole et aux technologies fait redouter la « Grande Panne »,
 qui nous plongerait dans un monde inconnu. Notre chroniqueuse partage 
ses réflexions sur la collapsologie et sur les possibilités de vivre 
après l’effondrement, notamment grâce à l’alliance terrestre des humains
 et des non-humains.
Corinne Morel Darleux est secrétaire 
nationale à l’écosocialisme du Parti de gauche et conseillère régionale 
Auvergne - Rhône-Alpes.
 
- Corinne Morel Darleux
Depuis quelques mois, mon cheminement intellectuel sur l’écosocialisme 
est de plus en plus irrigué de collapsologie, une approche de la fin du 
monde, que l’on peut considérer comme le pendant laïc et rationnel de 
l’eschatologie. Sur la base de faits scientifiques, la collapsologie 
prédit l’effondrement du climat, des ressources naturelles disponibles, 
de la biodiversité, de l’organisation même de la société, et ouvre des 
horizons et des défis politiques passionnants. La parution remarquée du livre de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer,
 lui a donné un élan inattendu. L’écho grandissant de cette hypothèse, 
ma rencontre avec des auteurs de la collection Anthropocène, du Seuil, 
dirigée par Christophe Bonneuil, et la création du collectif Les 
Terrestres qui s’en est suivie, tout cela m’a permis de renouer des 
liens entre un univers politique qui se soucie d’écologie, et un milieu 
universitaire engagé et résistant, loin du plomb académique que j’avais 
fréquenté lors de la rédaction de ma thèse. Ces deux mondes sont souvent
 très étanches, voire hermétiques, je ne me reconnais totalement ni dans
 l’un ni dans l’autre ;
 le croisement des deux en revanche a un potentiel fertile qui me ravit.
 J’y ai découvert, en profane affamée, des théories et sources 
d’inspiration qui m’ébranlent et me nourrissent comme je ne l’avais pas 
été depuis longtemps. Ajoutez à cela le grand plongeon dans la 
bibliothèque de science-fiction parentale qui a trouvé refuge dans mon 
salon, additionné d’une vaste programmation de films d’anticipation, une
 série de nouvelles chroniques sur les fictions post-apocalyptiques, et 
me voilà prise dans le filet infini des dystopies, uchronies et autres 
possibles.
Parmi ces découvertes, la notion d’alliances terrestres explore la manière dont humains et non-humains peuvent s’allier dans des mécanismes d’entraide et d’interdépendance, loin de la vision d’un environnement qui
 nous serait extérieur et qu’il faudrait protéger, plus loin encore de 
la vision prométhéenne d’une nature vue comme un adversaire à dominer. 
C’est le cas par exemple de l’amarante sauvage : une plante résistante, 
redoutablement fertile, comestible et riche en protéines, qui a en outre
 la judicieuse mauvaise manière de résister aux herbicides comme le 
Roundup. Une « ingouvernable ».
 Des paysans en lutte contre le soja transgénique et ses ravages, en 
Argentine et au Paraguay, s’en sont servis sous la forme de « bombes de graines » pour saboter des champs d’OGM. « En 2016, trois mois d’occupation (type ZAD) du site de construction à Malvinas ont
 eu raison de ce qui devait être le plus grand centre de production de 
semences transgéniques au monde (48.000 hectares tout de même !) et contraint Monsanto à battre en retraite », et c’est ainsi qu’est née la notion de « résistance interspécifique ».
Autant de schismes dans la pensée qui dessinent des horizons différents
De même, on ne peut pas simplement parler de services écosystémiques que
 nous rendrait la nature, mais d’un ensemble systémique, dans lequel 
nous devons à notre tour venir en aide à la biodiversité pour nous 
sauver nous-mêmes. Un tout, système inclusif et complexe, fait 
d’interactions, dans lequel l’humain est un acteur parmi d’autres qui 
agissent tout autant et composent le monde vivant. Certains avancent 
d’ailleurs qu’il serait plus juste de sortir l’ensemble du vivant de la 
notion de nature : « Pour qu’homme et biodiversité se solidarisent, il faudrait les penser ensemble, et donc forcément séparés de la nature. Le vivant est culture. Il n’est pas nature. » Autant
 de schismes dans la pensée qui dessinent des horizons différents, 
d’autres manières d’envisager notre univers et le rôle que nous y 
tenons.
Cette approche différente de la « nature » a
 également été alimentée par le travail détonnant et décalé d’Alessandro
 Pignocchi, qui place ses mésanges punk sur les traces de Philippe 
Descola et de l’animisme des Jivaros Achuar, défini par l’anthropologue 
comme « la
 propension à détecter chez les non-humains — animés ou non animés, 
c’est-à-dire les oiseaux comme les arbres — une présence, une “âme” si vous voulez, qui permet dans certaines circonstances de communiquer avec eux ». Dans l’animisme, les êtres vivants, humains et non humains, ont une intérioritécommune,
 que l’on peut appeler âme ou esprit. Ce sont leurs caractéristiques 
physiques — bouche ou bec, griffes ou ongles, marche debout ou à quatre 
pattes, organes — et non spirituelles, qui modifient leur mode 
d’expression, leurs besoins, leur rapport au monde. Dans la théorie 
occidentale, c’est l’inverse : s’il y a une continuité biologique entre 
l’être humain et l’animal, en revanche la supériorité morale et 
intellectuelle de l’humain est indiscutable. Disons, par extension 
malicieuse et en clin d’œil aux amis marxistes, que l’animisme serait 
une sorte de matérialisme historique revisité par les Jivaros. 
Alessandro Pignocchi, non moins taquin, imagine dans ses dessins nos
 responsables politiques convertis à l’animisme. Et cela… révolutionne 
la pratique. Plus ancré dans le réel et le présent, on peut également 
trouver trace de ces révolutions silencieuses à l’œuvre dans le slogan 
vu sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, qui proclame : « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend. »
 
- Aquarelles d’Alessandro Pignocchi.
À ce stade, je me dois de préciser que je ne suis pas devenue 
antispéciste ni animiste pas plus que mystique. Mais cette rupture qui 
en finit avec l’étrangeté de la nature me semble aussi inspirante que le
 jour où j’ai découvert le catastrophisme éclairé de Jean-Pierre Dupuy, 
ou les seuils de contre-productivité d’Ivan Illich. Ce moment lumineux 
où l’on comprend, par sa propre expérience, des mots écrits à une autre 
époque, par des inconnus. Il m’est difficile d’apprendre dans les 
livres, j’ai besoin de vécu. Mais quand je m’astreins à laisser en paix 
cet énorme mille-pattes dans ma salle de bains, en me raisonnant sur le 
fait qu’après tout ma maison est au milieu de son jardin, et qu’il a 
tout autant le droit que moi d’en profiter, je fais déjà un grand pas en
 avant, un grand pas de côté. En toute franchise, il y a quelques 
années, j’aurais appelé mon mari pour l’écraser, ce qui est doublement 
peu glorieux.
Nous avons besoin pour cela d’un nouvel ordre imaginaire
Je ne souscris donc pas systématiquement à tout ce que je lis et 
entends, mais cela alimente mes réflexions, ce qui est déjà un vrai 
bienfait dans un monde où les débats intellectuel et politique sont à ce
 point appauvris. La qualification de non humains, tout comme la notion de capitalocène et le débat avec les partisans du terme d’anthropocène, tout
 ceci est discutable, au sens noble du terme. Mais comme souvent en 
politique, le débat vaut la conclusion et l’essentiel n’est pas toujours
 de parvenir. Cheminer est une fin en soi, tant dans les fils de ces 
discussions émergent des apports essentiels à la pensée écosocialiste, 
au nouveau paradigme qui doit se construire sur notre rapport au monde. 
Nous en discutions lors d’une de ces belles soirées d’été et d’amitié 
avec Didier Thévenieau, professeur de philosophie : au-delà des 
approches purement biologiques, nous avons besoin d’aborder ce monde 
changeant qui est le nôtre par une approche philosophique et culturelle,
 sans se contenter de chercher à en fragmenter et décrire chaque 
caractéristique par le seul prisme des analogies scientifiques. Ce qui 
doit nous préoccuper n’est pas tant de savoir comment mesurer 
l’intelligence de tel ou tel animal, ou ses proximités génétiques avec 
l’être humain, pour en déterminer la valeur sur
 l’échelle des espèces, mais de faire la démonstration que lombrics et 
amarantes font partie de la biosphère nécessaire à la vie humaine. Nous 
avons besoin pour cela d’un nouvel ordre imaginaire, selon la formule 
défendue par un autre ami philosophe, Benoit Schneckenburger : dans mon 
imaginaire personnel, l’idée d’alliances terrestres va ainsi se nicher 
sans prétention dans la brise qui remet une mèche de cheveux indocile en
 place, dans l’action conjuguée de la pluie et du soleil qui fait rougir
 les tomates et transforme en jungle mon jardin, ou encore dans l’orage 
torrentiel qui anéantit le meeting de François Fillon.
Politiquement, beaucoup s’inquiètent du découragement que risque 
d’induire la collapsologie : en signant la fin du monde, 
n’encourage-t-elle pas le relâchement d’efforts devenus vains, la fuite 
en avant, tant qu’il y en a et fichu pour fichu, vers les plaisirs 
polluants ? Le catastrophisme éclairé a
 apporté des débuts de réponse à cette question. Mais de fait, le 
scénario d’un effondrement imminent modifie le rapport public à ce qu’on
 appelle la transition. Selon que
 celle-ci a pour objectif d’éviter la catastrophe en faisant bifurquer 
la société avant qu’il ne soit trop tard — ce qui était jusqu’ici la 
principale option — ou qu’elle vise non pas à éviter la catastrophe mais
 à préparer le rebond post-effondrement, les logiques sont bousculées. 
Les mesures à mettre en place ne sont plus forcément les mêmes, selon qu’on vise des politiques d’atténuation ou d’adaptation.
 Je n’y vois pas nécessairement de contradiction, et reste pour ma part 
partisane d’amortir au mieux les dégâts de l’ère productiviste : changer
 de modes de production, relocaliser l’activité, mieux répartir les 
richesses, atténuer nos émissions de gaz à effet de serre… Mais 
désormais, il nous faut aussi réfléchir simultanément au volet adaptation et
 l’enclencher rapidement : quel type de société serons-nous en mesure de
 construire, si demain la société telle que nous la connaissons 
s’effondre ? En combien de temps ?
Renouvelons le pari de Pascal
Là réside tout l’enjeu du Plan Seldon, dans le cycle de science-fiction Fondation, d’Isaac
 Asimov (1951) : son concepteur, Hari Seldon, est persuadé de 
l’effondrement imminent de l’Empire. Cette certitude établie, plutôt que
 de perdre temps et énergie à essayer de l’éviter, le scientifique va 
consacrer sa vie à imaginer les mécanismes qui permettront de réduire la
 période de transition post-effondrement — caractérisée par le chaos, ou
 a minima l’instabilité — pour la rapporter de 30.000 à 1.000 ans. Il 
dispose pour ses simulations d’une science que nous ne possédons pas, 
la « psychohistoire », qui permet, par des calculs mathématiques, de prévoir les grandes trajectoires des masses humaines.

Nous n’avons pas de Hari Seldon, et nous ne sommes pas un empire 
galactique. Nous n’avons pas les instruments permettant de prévoir les 
décisions historiques sur un millénaire. Nous ne sommes même pas sûrs 
que l’effondrement soit imminent. Soit. Mais s’il l’est… Comment 
ferons-nous à court et moyen terme face à l’arrêt brutal de l’ensemble 
des serveurs Internet, des systèmes de refroidissements des centrales, 
dans un pays paralysé par l’absence de carburant, où les services 
d’urgence ne peuvent plus se déplacer, dans lequel plus rien n’est livré ?
 Les stocks de réserve en carburant correspondent à onze jours de 
consommation moyenne en France. Un supermarché classique dispose 
d’environ trois jours de stock alimentaire. Quel qu’en soit le facteur 
déclenchant — et il y a aujourd’hui plusieurs hypothèses de plus en plus
 probables, ne serait-ce que par l’extrême dépendance de notre société 
au pétrole et aux technologies —, comment faire pour vivre et non 
simplement survivre à la « Grande Panne », en partant de l’axiome qu’il n’y aura pas de possibilité de retour en arrière ?
 Si l’on examine l’hypothèse de l’effondrement, et non plus celui d’une 
crise à surmonter avant de revenir à un état antérieur, il y a tout un 
chantier à explorer, et d’urgence.
Personne n’a de baguette magique, si l’effondrement arrive il y aura des
 morts et des blessés. Mais on peut, on doit, commencer à préparer le 
monde d’après. Renouvelons le pari de Pascal. Si l’ultime stade de la 
catastrophe n’arrive pas, nos efforts n’auront pas été vains : nous 
aurons renoué avec notre caractère naturel en réintégrant l’humain dans 
le monde vivant ; nous aurons contribué à une organisation sociale plus digne, plus juste et plus épanouissante.
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BONUS
CHANGER DE REGARD
Il faut changer de regard ?
et si on s'aidait de la physique quantique pour créer des ponts...
et tant qu'on y est ma conférence préférée
de même que cette interview plus récente 
Et pour mieux comprendre celle-ci, une vraie poésie, voir d'abord les deux précédentes...
 
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Luc Bodin nous invite à suivre cet adage "Soyez le changement que vous voulez dans le monde !".
La souffrance est un message de notre âme pour nous indiquer que nos actions ne sont pas en rapport avec nos aspirations profondes. Cette souffrance peut parfois s'imprimer dans notre corps et provoquer des maladies, qui renferment ce message.
Reprendre notre route en trouvant notre mission de vie est alors le véritable sens de la guérison !   
***LUC BODIN***
Docteur en médecine, diplômé en cancérologie clinique, spécialiste en médecine naturelle. Auteur, conférencier, conseiller & formateur. «Donner un maximum d’informations pour que chacun devienne autonome dans la gestion de sa santé et de sa vie », constitue la route que le Dr Bodin a décidé de suivre à travers ses articles, ses livres, ses conférences, ses ateliers et ses stages.
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Un bouquin intéressant :

Un bouquin intéressant :

Résumé
Pour Michelle-J. Noel, enseignante en PNL et passionnée par les études 
des facultés du cerveau, la réussite et l'abondance sont à la portée de 
tous. Toute personne peut changer sa vie ou le cours de son existence, 
tout peut basculer Si ce que vous vivez ne vous convient pas, elle vous 
propose, dans ce livre, de comprendre par quel principe vous pouvez 
rêver, décider et choisir votre nouvelle vie. Nous possédons 
l'ordinateur le plus performant du monde, notre cerveau inconscient.
Nous l'utilisons sans le savoir et il nous arrive même de faire des catastrophes. En comprendre le mécanisme vous permettra de rencontrer les bonnes personnes et voir les portes s'ouvrir devant vous. La chance n'existe pas. En revanche, la pensée existe et votre cerveau fait le reste. Bien sûr, quelques règles sont à respecter pour une réussite à long terme, car nous vivons dans un univers dont nous faisons partie intégrante.
Si nous comprenons et mettons en place les stratégies du cerveau inconscient en respectant les lois universelles, la réussite est à la portée de tous, même des plus démunis. Nous pouvons tous changer et améliorer notre vie, et ainsi, réaliser un vrai chef-d'œuvre Pour cela nous utiliserons la Programmation-Neuro-Linguistique (PNL), un peu d'analyse transactionnelle et certaines lois universelles. Science et religion marchent ici ensemble.
Nous l'utilisons sans le savoir et il nous arrive même de faire des catastrophes. En comprendre le mécanisme vous permettra de rencontrer les bonnes personnes et voir les portes s'ouvrir devant vous. La chance n'existe pas. En revanche, la pensée existe et votre cerveau fait le reste. Bien sûr, quelques règles sont à respecter pour une réussite à long terme, car nous vivons dans un univers dont nous faisons partie intégrante.
Si nous comprenons et mettons en place les stratégies du cerveau inconscient en respectant les lois universelles, la réussite est à la portée de tous, même des plus démunis. Nous pouvons tous changer et améliorer notre vie, et ainsi, réaliser un vrai chef-d'œuvre Pour cela nous utiliserons la Programmation-Neuro-Linguistique (PNL), un peu d'analyse transactionnelle et certaines lois universelles. Science et religion marchent ici ensemble.
Sommaire
- Etude de l'état présent
- Etre l'auteur de sa vie
- Les méta programmes
- Se fixer des objectifs - savoir comment les atteindre
- Les niveaux logiques de la pensée ou comment résoudre un problème
- Les lois de l'abondance
- Les synchronicités
- La Boîte à Outils
 






