lundi 23 mars 2020

Coronavirus: le marteau et la danse... ou les différentes stratégies de lutte possibles


Dr. Carl Juneau, PhD
Mar 20 · 30 min read

Cet article est le résultat d’un effort herculéen d’un groupe de citoyens normaux travaillant 24 heures sur 24 pour trouver toutes les recherches pertinentes disponibles pour le structurer en un seul morceau, au cas où il pourrait aider les autres à traiter toutes les informations disponibles sur le coronavirus.

Ceci est une traduction de Coronavirus: The Hammer and the Dance de Tomas Pueyo. J’ai cru bon de traduire l’original rapidement car la situation m’apparaît urgente (je suis docteur en santé publique et épidémiologiste). Je n’ai pas révisé l’article ou ses sources en profondeur, mais à première vue, ses conclusions me semblent fondées. -Carl-Etienne Juneau, PhD
Cet article fait suite à Coronavirus: Why You Must Act Now, un article ayant été vu plus de 40 millions de fois et traduit dans plus de 20 langues décrivant l’urgence du problème du coronavirus. Si vous êtes d’accord avec cet article, pensez à signer la pétition correspondante de la Maison Blanche.
Résumé: Si nous mettons en place des mesures fermes contre le coronavirus dès aujourd’hui, elles ne devraient durer que quelques semaines. Il n’y aura vraisemblablement pas de pic d’infections par la suite. Nous pouvons faire tout cela à un coût raisonnable pour la société et sauver des millions de vies du même coup.
En une semaine, les pays du monde entier sont passés de: « Ce truc du coronavirus n’est pas un gros problème » à la proclamation de l’état d’urgence. Pourtant, de nombreux pays ne font toujours pas grand-chose. Pourquoi?
Chaque pays se pose la même question: comment réagir? La réponse n’est pas évidente pour eux.
Certains pays, comme la France, l’Espagne ou les Philippines, ont depuis ordonné de lourdes fermetures. D’autres, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse ou les Pays-Bas, se sont traînés les pieds, s’aventurant avec hésitation dans des mesures d’éloignement social.
Voici ce que nous allons couvrir aujourd’hui, encore une fois avec de nombreux graphiques, données et modèles accompagnés de nombreuses sources:
Quelle est la situation actuelle?

Quelles sont nos options?
La seule chose qui compte maintenant: le temps
À quoi ressemble une bonne stratégie contre le coronavirus?
Quoi penser des impacts économiques et sociaux?
Lorsque vous aurez fini de lire l’article, voici ce que vous saurez:
Notre système de santé s’effondre déjà.
Les pays ont deux options: soit ils combattent le vigoureusement virus maintenant, soit ils subiront une épidémie massive.
S’ils choisissent l’épidémie, des centaines de milliers de personnes mourront. Dans certains pays, des millions.
Et cela pourrait même ne pas prévenir d’autres vagues d’infections.
Si nous luttons vigoureusement maintenant, nous limiterons les décès.
Nous soulagerons notre système de santé.
Nous nous préparerons mieux.
Nous apprendrons.
Le monde n’a jamais appris aussi vite quoi que ce soit, jamais.
Et nous en avons besoin, car nous ne savons rien de ce virus.
Tout cela permettra d’atteindre un objectif critique: nous donner un sursis.
Si nous choisissons de nous battre avec vigueur, le combat sera soudain, puis progressif.
Nous serons enfermés pendant des semaines, pas des mois.
Ensuite, nous retrouverons de plus en plus de libertés.
Nous pourrions ne pas revenir immédiatement à la normale.
Mais ce sera proche, et finalement nous reviendrons à la normale.
Et nous pouvons faire tout cela en considérant le reste de l’économie aussi.
Ok, allons-y.

1. Quelle est la situation actuelle?

La semaine dernière, j’ai montré cette courbe:




Elle montre les cas de coronavirus dans le monde en dehors de la Chine. Nous ne pouvions discerner que l’Italie, l’Iran et la Corée du Sud. J’ai donc dû zoomer en bas à droite pour voir les pays émergents. Tout ce que je voulais dire, c’est qu’ils rejoindraient bientôt ces 3 cas.
Voyons ce qui s’est passé depuis.



Comme prévu, le nombre de cas a explosé dans des dizaines de pays. Ici, j’ai été obligé de ne montrer que les pays ayant plus de 1 000 cas. Quelques points à noter:
L’Espagne, l’Allemagne, la France et les États-Unis ont tous plus de cas que l’Italie lorsqu’elle a ordonné le confinement.
Aujourd’hui, 16 autres pays ont plus de cas que le Hubei lorsqu’il a été mis en confinement: le Japon, la Malaisie, le Canada, le Portugal, l’Australie, la République tchèque, le Brésil et le Qatar ont plus de cas que le Hubei, mais moins de 1 000 cas. La Suisse, la Suède, la Norvège, l’Autriche, la Belgique, les Pays-Bas et le Danemark ont ​​tous plus de 1 000 cas.
Avez-vous remarqué quelque chose de bizarre dans cette liste de pays? Hormis la Chine et l’Iran, qui ont subi des flambées massives et indéniables, ainsi que le Brésil et la Malaisie, tous les pays de cette liste sont parmi les plus riches du monde.
Pensez-vous que ce virus cible les pays riches? Ou est-il plus probable que les pays riches soient mieux en mesure d’identifier le virus?
Il est peu probable que les pays pauvres ne soient pas touchés. Un temps chaud et humide n’empêche pas une épidémie — sinon Singapour, la Malaisie ou le Brésil ne souffriraient pas d’épidémies.
Les interprétations les plus probables sont que le coronavirus a mis plus de temps à atteindre ces pays parce qu’ils sont moins connectés, ou qu’il est déjà là, mais ces pays n’ont pas été en mesure d’investir suffisamment dans les tests pour le savoir.
Quoi qu’il en soit, si c’est vrai, cela signifie que la plupart des pays n’échapperont pas au coronavirus. C’est une question de temps avant qu’ils ne voient des flambées et doivent prendre des mesures.
Quelles mesures les différents pays peuvent-ils prendre?

2. Quelles sont nos options?

Depuis l’article de la semaine dernière, la conversation a changé et de nombreux pays ont pris des mesures. Voici quelques exemples parmi les plus éloquents:
Mesures en Espagne et en France
À un extrême, nous avons l’Espagne et la France. Voici le calendrier des mesures pour l’Espagne:
Le jeudi 12 mars, le président a rejeté les suggestions selon lesquelles les autorités espagnoles avaient sous-estimé la menace pour la santé.
Vendredi, ils ont déclaré l’état d’urgence.
Samedi, les mesures suivantes ont été prises:
Les gens ne peuvent quitter la maison que pour des raisons essentielles: épicerie, travail, pharmacie, hôpital, banque ou compagnie d’assurance (justification extrême)
Interdiction spécifique de sortir les enfants pour une promenade ou de voir des amis ou de la famille (sauf pour prendre soin des personnes qui ont besoin d’aide, mais avec des mesures d’hygiène et de distance physique)
Tous les bars et les restaurants sont fermés. Plats à emporter uniquement.
Tous les divertissements sont fermés: sports, cinéma, musées, fêtes municipales…
Les mariages ne peuvent pas avoir d’invités. Les funérailles ne peuvent pas avoir plus d’une poignée de personnes.
Les transports en commun demeurent ouverts
Lundi, les frontières terrestres ont été fermées.
Certaines personnes voient cela comme une excellente liste de mesures. D’autres ont levé les bras au ciel, désespérés. Nous tenterons de déterminer pourquoi dans cet article.
Le calendrier des mesures de la France est fondamentalement identique, sauf qu’elle a pris plus de temps pour les appliquer et qu’elles sont plus agressives maintenant. Par exemple, le loyer, les impôts et les services publics sont suspendus pour les petites entreprises.
Mesures aux États-Unis et au Royaume-Uni
Les États-Unis et le Royaume-Uni, tout comme la Suisse et les Pays-Bas, ont tardé à mettre en œuvre des mesures. Voici la chronologie pour les États-Unis:
Mercredi 11 mars: suspension de tous les voyages depuis l’Europe vers les États-Unis.
Vendredi: urgence nationale déclarée. Pas de mesures d’éloignement social.
Lundi: le gouvernement exhorte le public à éviter les restaurants ou les bars et d’éviter les événements regroupant plus de 10 personnes. Aucune mesure d’éloignement social n’est en fait exécutoire. Ce n’est qu’une suggestion.
Plusieurs États et villes prennent l’initiative et imposent des mesures beaucoup plus strictes.
Le Royaume-Uni a adopté un ensemble de mesures similaires: beaucoup de recommandations, mais très peu de mandats.
Ces deux groupes de pays illustrent les deux approches extrêmes de lutte contre le coronavirus: l’atténuation et la suppression. Voyons ce qu’elles signifient.

Option 1: ne rien faire

Avant de faire cela, voyons ce que ne rien faire impliquerait pour un pays comme les États-Unis:



Ce fantastique calculateur d’épidémie peut vous aider à comprendre ce qui se passera dans différents scénarios. J’ai collé sous le graphique les facteurs clés qui déterminent le comportement du virus. À noter que les infectés, en rose, culminent à des dizaines de millions à une certaine date. La plupart des variables par défaut ont été conservées. Les seuls changements importants sont la valeur R de 2,2 à 2,4 (correspond mieux aux renseignements actuellement disponibles; voir sous le calculateur d’épidémie), le taux de mortalité (4% en raison de l’effondrement du système de santé; voir les détails ci-dessous ou dans l’ article précédent ), la longueur du séjour à l’hôpital (de 20 à 10 jours) et le taux d’hospitalisation (de 20 à 14% d’après les cas graves et critiques; notez que l’OMS précise un taux de 20%) selon les plus récents résultats de recherche disponibles . Notez que ces chiffres ne changent pas beaucoup les résultats. Le seul changement qui compte est le taux de mortalité.
Si nous ne faisons rien: tout le monde est infecté, le système de santé est débordé, la mortalité explose et environ 10 millions de personnes meurent (barres bleues). En chiffre: Environ75% de la population est infectée, soit 245 millions de personnes. Parmi eux, environ 4% meurent, comme au Hubei ou en Iran et en Italie jusqu’à présent, parce que le système de santé est débordé. C’est 10 millions. C’est environ 25 fois le nombre d’américains morts dans la Seconde Guerre mondiale .
Vous pourriez vous dire: « Ça a l’air de faire beaucoup. J’ai entendu beaucoup moins que ça! »
Alors quel est le problème? Avec tous ces chiffres, il est facile de se mêler. Mais il n’y a que deux chiffres qui comptent: la proportion de personnes qui attraperont le virus et tomberont malades, et la proportion d’entre elles qui mourra. Si seulement 25% sont malades (parce que les autres ont le virus mais ne présentent pas de symptômes, ils ne sont donc pas comptés comme des cas) et que le taux de mortalité est de 0,6% au lieu de 4%, on se retrouvera avec 500000 morts aux États-Unis. Quand même énorme. Mais 20 fois moins que ci-dessus.
Le taux de mortalité est crucial, alors essayons de mieux le comprendre. Qu’est-ce qui cause vraiment les décès attribués au coronavirus?
Quoi penser du taux de mortalité?
C’est le même graphique qu’auparavant, mais on regarde maintenant les personnes hospitalisées au lieu des personnes infectées et mortes:



La zone bleu clair correspond au nombre de personnes qui devraient se rendre à l’hôpital et le bleu foncé représente celles qui doivent se rendre à l’unité de soins intensifs (USI). Vous pouvez voir que ce nombre culminerait à plus de 3 millions.
Maintenant, comparez cela au nombre de lits de soins intensifs aux États-Unis (50 000 aujourd’hui, le double si l’on reaffecte d’autres espaces). C’est la ligne pointillée rouge.
Non, ce n’est pas une erreur.
Cette ligne pointillée rouge est la capacité que nous avons en lits de soins intensifs. Toute personne au-dessus de cette ligne serait dans un état critique mais ne pourrait pas accéder aux soins dont elle a besoin et mourrait probablement.
Au lieu de lits de soins intensifs, on peut également examiner les ventilateurs, mais le résultat est globalement le même, car il y a moins de 100 000 ventilateurs aux États-Unis .
À ce jour, au moins un hôpital de Seattle n’est pas en mesure d’intuber les patients de plus de 65 ans en raison de pénuries d’équipement et leur donne 90% de chances de mourir.
C’est pourquoi les gens sont morts en masse au Hubei et meurent maintenant en masse en Italie et en Iran. Le taux de mortalité au Hubei a fini par être meilleur qu’il n’aurait pu l’être car ils ont construit deux hôpitaux presque du jour au lendemain. L’Italie et l’Iran ne peuvent pas faire de même; peu d’autres pays, voire aucun, le peuvent. Nous verrons ce qui finira par y arriver.
Alors pourquoi le taux de mortalité est-il proche de 4%?
Si 5% de cas nécessitent des soins intensifs et qu’on ne peut pas les fournir, la plupart de ces personnes décèdent. Aussi simple que ça.
J’aimerais que ce soit tout, mais ce n’est malheureusement pas tout.
Dommages collatéraux
Ces chiffres ne tiennent compte que des personnes décédées du coronavirus. Mais que se passerait-t-il si tout le système de santé était submergé de patients atteints du coronavirus? Les gens mourraient aussi d’autres maladies.
Que se passe-t-il si vous avez une crise cardiaque mais que l’ambulance met 50 minutes à venir au lieu de 8 (trop de cas de coronavirus) et une fois que vous arrivez, il n’y a pas de soins intensifs ni de médecin disponible? Vous mourrez.
Il y a 4 millions de personnes admises aux soins intensifs aux États-Unis chaque année, et 500 000 d’entre elles (environ 13%) meurent. Sans lits en soins intensifs, ce serait probablement beaucoup plus proche de 80%. Même si le taux de décès atteignait seulement 50%, dans une épidémie d’un an, on passe de 500 000 décès par an à 2 millions. On ajoute donc 1,5 million de décès, seulement en dommages collatéraux.
Si l’on laisse le coronavirus se propager, le système de santé américain s’effondrera et les décès se chiffreront en millions, peut-être plus de 10 millions.
On peut appliquer ce raisonnement à la plupart des pays. Le nombre de lits de soins intensifs et de ventilateurs et de travailleurs de la santé est généralement similaire aux États-Unis ou inférieur dans la plupart des pays. Un coronavirus débridé entraîne l’effondrement du système de santé, ce qui entraîne la mortalité de masse.
Un coronavirus incontrôlé entraîne l’effondrement des systèmes de santé, ce qui entraîne la mortalité de masse.

Option 2: Stratégie d’atténuation

À présent, j’espère qu’il est assez clair que nous devons agir. Les deux options que nous avons sont l’atténuation et la suppression.
Atténuation ressemble à ceci: « Il est impossible de prévenir le coronavirus maintenant, alors laissons-le suivre son cours, tout en essayant de réduire le pic des infections. Aplatissons un peu la courbe pour la rendre plus facile à gérer pour le système de santé. »


Ce graphique apparaît dans un très important document publié le weekend dernier par l’Imperial College de Londres. Apparemment, il a poussé les gouvernements britannique et américain à changer de cap.
C’est un graphique très similaire au précédent. Pas le même, mais conceptuellement équivalent. Ici, la situation « ne rien faire » est la courbe noire. Chacune des autres courbes est ce qui se passerait si nous mettions en œuvre des mesures d’éloignement social de plus en plus strictes. Le bleu montre les mesures de d’éloignement social les plus strictes: isoler les personnes infectées, mettre en quarantaine les personnes qui pourraient être infectées et isoler les personnes âgées. Cette ligne bleue est essentiellement la stratégie actuelle du Royaume-Uni contre les coronavirus, bien que pour l’instant, elle est suggérée plutôt que prescrite.
Ici encore, la ligne rouge représente la capacité des unités de soins intensifs, cette fois au Royaume-Uni. Encore une fois, cette ligne est très proche du bas. Toute la zone de la courbe au-dessus de la ligne rouge représente les patients atteints de coronavirus qui mourraient pour la plupart en raison du manque de ressources en soins intensifs.
Qui plus est, en aplatissant la courbe, l’effondrement des unités de soins intensifsdurera des mois, ce qui augmentera les dommages collatéraux.
Ça devrait vous choquer. Lorsqu’un politicien vous dit: « Nous allons adopter des mesures d’atténuation », ce qu’il dit vraiment, c’est: « Nous allons submerger consciemment le système de santé, faisant augmenter le taux de mortalité d’au moins 10 fois. »
Vous imaginez que c’est déjà assez grave. Mais ce n’est pas encore fini. Parce que l’une des hypothèses clés de cette stratégie est ce qu’on appelle « l’immunité collective ».
Immunité collective et mutation virale
L’idée est que toutes les personnes infectées qui en guérissent sont désormais immunisées contre le virus. C’est au cœur de cette stratégie: « Écoutez, je sais que ça va être difficile pendant un certain temps, mais une fois que nous aurons terminé et que quelques millions de personnes mourront, le reste d’entre nous en sera immunisé, donc ce virus cessera de se propager et nous en aurons fini avec ce virus. Mieux vaut le faire tout de suite et en finir avec ça, parce que notre alternative est de faire de l’éloignement social jusqu’à un an ou risquer de voir ce pic arriver plus tard de toute façon. »
Sauf que cela suppose une chose: que le virus ne change pas trop. S‘il ne change pas beaucoup, alors bien des gens sont immunisés, et à un moment donné l’épidémie s’éteint.
Quelle est la probabilité de la mutation de ce virus?
C’est déjà arrivé.
Des recherches récentes suggèrent que deux souches du virus étaient présentes en Chine: le S et le L. Le S était concentré dans le Hubei et plus mortel, mais le L est celui qui s’est propagé partout dans le monde.
Pire encore, ce virus continue de muter.



Ce graphique représente les différentes mutations du virus. Vous pouvez voir que les souches initiales ont commencé en violet en Chine, mais elles ont ensuite commencé à muter. Les souches en Europe sont principalement les familles en vert et jaune, tandis que les États-Unis ont une famille différente en rouge. Plus le temps passe, plus ces souches seront nombreuses.
Cela ne devrait pas être surprenant: les virus à base d’ARN comme le coronavirus ou la grippe ont tendance à muter environ 100 fois plus rapidement que ceux à base d’ADN, bien que le coronavirus mute plus lentement que les virus de la grippe.
De plus, la meilleure façon pour ce virus de muter est d’avoir des millions d’occasions de le faire, C’est exactement ce qu’une stratégie d’atténuation apporterait: des centaines de millions d’infectés.
C’est pourquoi vous devez vous faire vacciner contre la grippe chaque année. Comme il y a tellement de souches de grippe, sans compter les nouvelles souches en constante évolution, le vaccin contre la grippe ne peut jamais protéger contre toutes les souches.
Autrement dit, la stratégie d’atténuation suppose non seulement des millions de morts pour un pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, mais elle mise également sur le fait que le virus ne mute pas trop — ce qu‘il fait déjà. Il a donc toutes les occasions de muter. Alors, une fois que nous en finirons avec quelques millions de morts, nous pourrions nous attendre à quelques millions de plus — chaque année . Ce coronavirus pourrait devenir un fait récurrent de la vie, comme la grippe, mais maintes fois plus meurtrier.
La meilleure façon pour ce virus de muter est d’avoir des millions d’occasions de le faire, ce qui est exactement ce qu‘apporterait une stratégie d’atténuation.
Donc, si rien n’est fait et que l’atténuation fonctionne, quelle est l’alternative? C’est ce qu’on appelle la suppression.

Option 3: stratégie de suppression

La stratégie d’atténuation ne vise pas à contenir l’épidémie, mais à aplatir un tant soit peu la courbe. Pendant ce temps, la stratégie de suppression tente d’appliquer des mesures lourdes pour maîtriser rapidement l’épidémie. Plus précisément :
Agir maintenant. Ordonner un fortéloignement social. Reprendre le contrôle.
Ensuite, réduire les mesures afin que les gens puissent progressivement regagnerleur liberté et qu’un semblant de vie sociale et économique normale puisse reprendreÀ quoi ça ressemble?



Tous les paramètres du modèle sont les mêmes, sauf qu’il y a une intervention autour de maintenant pour réduire le taux de transmission à R = 0,62, et parce que le système de santé ne s’est pas effondré, le taux de mortalité descend à 0,6 %. J’ai établi le nombre de cas « autour de maintenant » à environ 32 000 après l’application des mesures (trois fois le nombre officiel à ce jour, le 19 mars). Notez que ce n’est pas trop sensible au R choisi. Un R de 0,98, par exemple, indique 15 000 décès. Cinq fois plus qu’avec un R de 0,62, mais toujours des dizaines de milliers de décès et non des millions. Il n’est pas non plus trop sensible au taux de mortalité : à 0,7 % au lieu de 0,6 %, le nombre de décès passe de 15 000 à 17 000. C’est la combinaison du R plus élevé, du taux de mortalité plus élevé et du retard dans la prise de mesures qui fait exploser le nombre de décès. C’est pourquoi nous devons prendre des mesures pour réduire le R aujourd’hui. Précisons que le fameux R0 correspond à R au début (R au temps 0). C’est le taux de transmission quand personne n’est encore immunisé et qu’aucune mesure n’est prise. R est le taux de transmission global.
Dans le cadre d’une stratégie de suppression, une fois la première vague terminée, le nombre de morts se chiffre en milliers et non en millions.
Pourquoi? Parce que non seulement nous réduisons la croissance exponentielle des cas, mais nous réduisons également le taux de mortalité, car le système de santé n’est pas complètement submergé. Ici, j’ai utilisé un taux de mortalité de 0,9%, soit environ ce qu’on voit en Corée du Sud aujourd’hui, le pays qui a été le plus efficace pour suivre la stratégie de suppression.
Exprimé ainsi, ça sonne évident. Tout le monde devrait suivre la stratégie de suppression.
Alors pourquoi certains gouvernements hésitent-ils?
Ils craignent trois choses :
Ce premier confinement durera des mois, ce qui semble inacceptable pour plusieurs.
Un confinement de plusieurs mois détruirait l’économie.
Cela ne réglerait même pas le problème, car nous ne ferions que retarder l’épidémie : plus tard, une fois que nous aurons réduit les mesures d’éloignement social, les gens seront toujours infectés par millions et mourront.
Voici comment l’équipe de l’Imperial College a modélisé les suppressions. Les lignes vertes et jaunes représentent différents scénarios de suppression. Vous voyez que cela ne semble pas bon : nous avons encore d’énormes pics, alors pourquoi se donner la peine?



Nous aborderons ces questions dans un instant, mais il y a quelque chose de plus important avant.
Ce tableau passe vraiment à côté de la plaque.
Présentées ainsi, les deux options d’atténuation et de suppression, côte à côte, ne semblent pas très attrayantes. Soit beaucoup de gens meurent bientôt et nous ne nuit pas à l’économie aujourd’hui, soit nous nuisons à l’économie aujourd’hui, pour simplement retarder les décès.
On ne tient pas compte du temps.

3. L’importance du temps

Dans ma publication précédente, j’ai expliqué l’importance du temps pour sauver des vies. Chaque jour, chaque heure que nous attendions pour prendre des mesures, cette menace exponentielle ne cessait de se propager. J’ai démontré comment une seule journée pouvait réduire le nombre total de cas de 40 % et le nombre de décès d’encore plus.
Mais le temps est encore plus précieux que cela.
Nous sommes sur le point de faire face à la plus grande vague de pression sur le système de santé jamais vue. Nous ne sommes absolument pas préparés, face à un ennemi que nous ne connaissons pas. Ce n’est pas une bonne position pour faire la guerre.
Imaginez que vous alliez affronter votre pire ennemi, que vous connaissez très peu, et que vous aviez deux options : soit vous courez vers lui, soit vous fuyez pour gagner un peu de temps de préparation. Lequel choisiriez-vous?
C’est ce que nous devons faire aujourd’hui. Le monde s’est réveillé. Chaque jour gagné à retarder le coronavirus, nous pouvons mieux nous préparer. Les sections suivantes expliquent ce que le temps nous apporterait.
Réduire le nombre de cas
Avec une suppression efficace, le nombre de cas réels chuterait du jour au lendemain, comme nous l’avons vu au Hubei la semaine dernière.




Source : Analyse de Tomas Pueyo sur le graphique et les données du Journal of theAmerican Medical Association.
À ce jour, il y a 0 nouveaux cas quotidiens de coronavirus dans l’ensemble des 60 millions de régions du Hubei.
Le nombre de diagnostics continuerait à augmenter pendant quelques semaines, mais il diminuerait ensuite. Avec moins de cas, le taux de mortalité commence également à baisser. Et les dommages collatéraux sont également réduits : moins de personnes mourraient de causes non liées au coronavirus en raison de la surcharge du système de santé.
Voici ce que la suppression nous apporterait :
Moins de cas totaux de coronavirus
Répit immédiat pour le système de santé et les humains qui le dirigent
Réduction du taux de mortalité
Réduction des dommages collatéraux
Capacité pour les travailleurs de la santé infectés, isolés et mis en quarantaine de récupérer et de reprendre le travail. En Italie, les professionnels de la santé représentent 8 % de toutes les contagions.
Comprendre le vrai problème : dépistage et recherche de contacts
À l’heure actuelle, le Royaume-Uni et les États-Unis n’ont aucune idée de leurs cas réels. On ne sait pas combien il y en a. On sait simplement que le nombre officiel n’est pas exact, et le vrai nombre se trouve dans des dizaines de milliers de cas. Cela s’est produit parce que nous ne faisons pas de dépistage ni de recherche de contacts.
Avec quelques semaines de plus, nous pourrions mettre de l’ordre dans notre situation de dépistage et commencer à tester tout le monde. Avec cette information, nous saurions enfin la véritable ampleur du problème, où il faut être plus agressif et dans quelles régions il est sécuritaire de lever le confinement.
De nouveaux tests pourraient accélérer le dépistage et réduire considérablement les coûts.
Nous pourrions également mettre en place une opération de recherche de contactscomme celleen Chine ou dans d’autres pays d’Asie de l’Est, où ils peuvent identifier toutes les personnes rencontrées par chaque malade et les mettre en quarantaine. Cela nous donnerait une tonne d’information à publier plus tard sur nos mesures d’éloignement social : si nous savons où se trouve le virus, nous ne pouvons cibler que ces endroits. Ce n’est pas sorcier : c’est de cette manière que les pays d’Asie de l’Est ont pu contrôler cette épidémie sans l’éloignement social draconien qui est de plus en plus essentiel dans d’autres pays.
Les mesures de cette section (dépistage et recherche de contacts) ont à elles seules freiné la croissance du coronavirus en Corée du Sud et maîtrisé l’épidémie, sans imposer de fortes mesures d’éloignement social.
Renforcer la capacité
Les États-Unis (et probablement le Royaume-Uni) sont sur le point de partir en guerre sans armure.
Nous avons assez de masques pour seulement deux semaines, peu d’équipements de protection individuelle (« EPI »), pas assez de ventilateurs, pas assez de lits de soins intensifs, pas assez d’ECMO (machines d’oxygénation du sang)… C’est pourquoi le taux de mortalité serait si élevé dans une stratégie d’atténuation.
Mais si nous nous gagnons du temps, nous pouvons inverser la tendance :
Nous avons plus de temps pour acheter tout l’équipement dont nous aurons besoin pour une future vague
Nous pouvons rapidement développer notre production de masques, d’EPI, de ventilateurs, d’ECMO et de tout autre appareil critique pour réduire le taux de mortalité.
Autrement dit, nous n’avons pas besoin d’années pour mettre notre armure, nous avons besoin de semaines. Faisons tout ce que nous pouvons pour faire relancer la production maintenant. Les pays se sont mobilisés. Les gens sont inventifs, par exemple en utilisant l’impression 3D pour fabriquer des pièces de ventilateur. On peut le faire. Il nous faut juste plus de temps. Attendriez-vous quelques semaines pour vous procurer une armure avant d’affronter un ennemi mortel?
Ce n’est pas la seule capacité dont nous avons besoin. Il nous faut des professionnels de la santé dès que possible. Où allons-nous les obtenir? Nous devons former les gens à aider les infirmières et sortir les travailleurs médicaux de la retraite. De nombreux pays ont déjà commencé, mais cela prend du temps. Nous pouvons le faire en quelques semaines, mais pas si tout s’écroule.
Réduire la contagion au sein de la population
Le public a peur. Le coronavirus est nouveau. Il y a tellement de choses que nous ne savons pas encore faire! Les gens n’ont pas appris à arrêter de serrer la main. Ils s’étreignent toujours. Ils n’ouvrent pas les portes avec leur coude. Ils ne se lavent pas les mains après avoir touché une poignée de porte. Ils ne désinfectent pas les tables avant de s’asseoir.
Une fois que nous aurons suffisamment de masques, nous pourrons également les utiliser en dehors du système de santé. À l’heure actuelle, il vaut mieux les réserver aux professionnels de la santé. Mais s’ils ne se faisaient pas rares, il faudrait les porter au quotidien, ce qui réduirait la probabilité qued’autres personnes soient infectés par les malades, et avec une formation appropriée,réduirait également la probabilité que les porteurs soient infectés. (En attendant, porter quelque chose, c’est mieux que rien.)
Tous ces moyens sont assez bon marché pour réduire le taux de transmission. Moins ce virus se propage, moins il faudra de mesures à l’avenir pour le contenir. Mais nous avons besoin de temps pour éduquer les gens sur toutes ces mesures et les équiper.
Comprendre le virus
Nous en savons très très peu sur le virus. Mais chaque semaine, des centaines de nouveaux articles arrivent.


Le monde est enfin uni contre un ennemi commun. Des chercheurs du monde entier se mobilisent pour mieux comprendre ce virus.
Comment le virus se propage-t-il?
Comment ralentir la contagion?
Quelle est la part des porteurs asymptomatiques?
Sont-ils contagieux? Combien?
Quels sont les bons traitements?
Combien de temps le virus survit-il?
Sur quelles surfaces?
Quel est l’impact des différentes mesures d’éloignement social sur le taux de transmission?
Quel est leur coût?
Quelles sont les meilleures pratiques de recherche de contacts?
Quelle est la fiabilité de nos tests?
Des réponses claires à ces questions nous aideront à rendre l’intervention aussi ciblée que possible tout en minimisant les dommages collatéraux économiques et sociaux. Nous aurons ces réponses dans des semaines, pas des années.
Trouver des traitements
Et si nous trouvions un traitement dans les prochaines semaines? Chaque jour gagné nous en rapproche. À l’heure actuelle, il existe déjà plusieurs candidats, comme le favipiravir ou la chloroquine. Et si dans deux mois, nous découvrons un traitement contre le coronavirus? À quel point aurions-nous l’air ridicule s’il y avait déjà des millions de morts suite à une stratégie d’atténuation?
Comprendre les coûts-avantages
Tous les facteurs ci-dessus peuvent nous aider à sauver des millions de vies. Cela devrait suffire. Malheureusement, les politiciens ne peuvent pas seulement penser à la vie des personnes infectées. Ils doivent penser à toute la population et les mesures d’éloignement social importantes ont un impact sur les autres.
À l’heure actuelle, nous ne savons pas comment les différentes mesures d’éloignement social réduisent la transmission. Nous ne savons pas non plus quels sont leurs coûts économiques et sociaux.
N’est-il pas un peu difficile de décider des mesures dont nous avons besoin à long terme si nous ne connaissons pas leur coût ou leurs avantages?
Quelques semaines nous donneraient assez de temps pour commencer à les étudier, les comprendre, les prioriser et décider lesquelles suivre.
Moins de cas, meilleure compréhension du problème, constitution d’actifs, compréhension du virus, compréhension du rapport coûts-avantages des différentes mesures, éducation du public… Voilà quelques outils de base pour lutter contre le virus, et nous avons juste besoin de quelques semaines pour en développer plusieurs. Ce serait bête de s’engager dans une stratégie qui nous jette plutôt, sans préparation, dans la gueule du loup, n’est-ce pas?

4. Le marteau et la danse

Nous savons maintenant que la stratégie d’atténuation est probablement un choix terrible, et que la stratégie de suppression a un énorme avantage à court terme.
Mais les gens ont des préoccupations légitimes à propos de cette stratégie:
Combien de temps cela durera-t-il réellement?
Quel sera le prix?
Y aura-t-il un deuxième pic aussi grand que si nous n’avions rien fait?
Ici, nous allons voir à quoi ressemblerait une véritable stratégie de suppression. Nous pouvons l’appeler le marteau et la danse.

Le marteau

Tout d’abord, on agit rapidement et agressivement. Pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, étant donné l’importance du temps, nous voulons stopper la situation dès que possible.



L’une des questions les plus importantes est la suivante : combien de temps cela durera-t-il?
La crainte de tout le monde est que nous soyons enfermés dans nos maisons pendant des mois à la fois, avec la catastrophe économique et les dépressions qui s’ensuivent. Cette idée a malheureusement été reprise dans le célèbre article de l’Imperial College :



Vous souvenez-vous de ce tableau? La zone bleu clair qui va de fin mars à fin août est la période que le journal recommande comme le marteau, la suppression initiale qui inclut un fortéloignement social.
Si vous êtes un politicien et que vous voyez qu’une option est de laisser mourir des centaines de milliers ou des millions de personnes avec une stratégie d’atténuation et que l’autre est d’arrêter l’économie pendant cinq mois avant de subir à nouveau le même pic de cas et de décès, ces options ne semblent pas encourageantes.
Mais il n’y a rien là d’inévitable. Ce document, moteur de la politique aujourd’hui, a été brutalement critiqué pour ses défauts fondamentaux : il ne tient pas compte de la recherche de contacts (au cœur des politiques en Corée du Sud, en Chine ou à Singapour entre autres) ou des restrictions de voyage (essentielles en Chine), ni l’impact des grandes foules…
Le temps nécessaire pour le marteau se compte en semaines, pas en mois.



Ce graphique montre les nouveaux cas dans toute la région du Hubei (60 millions de personnes) chaque jour depuis le 23 janvier. En deux semaines, le pays commençait à reprendre le travail. En environ cinq semaines, il était complètement sous contrôle. Et en sept semaines, le nouveau diagnostic n’était qu’un filet. Souvenons-nous que c’était la région de Chine la plus touchée.
N’oubliez pas que ce sont les barres orange. Les barres grises, les cas réels, avaient chuté beaucoup plus tôt.
Les mesures adoptées par la Chine étaient assez similaires à celles prises en Italie, en Espagne ou en France : isolements, quarantaines, population confinée à la maison sauf en cas d’urgence ou pour acheter de la nourriture, recherche des contacts, tests, plus de lits d’hôpital, interdictions de voyager…
Mais les détails sont importants.
Les mesures de la Chine ont été plus fortes. Par exemple, une seule personne par ménage avait le droit de sortir de la maison tous les trois jours pour acheter de la nourriture. De plus, les mesures étaient appliquées rigoureusement. Il est probable que cette force ait stoppé l’épidémie plus rapidement.
En Italie, en France et en Espagne, les mesures n’étaient pas aussi drastiques et leur mise en œuvre, pas aussi sévère. Des gens marchent toujours dans les rues, beaucoup sans masque. Cela entraînera probablement un marteau plus lent : il faudra plus de temps pour maîtriser complètement l’épidémie.
Certaines personnes interprètent cela en disant « Les démocraties ne pourront jamais reproduire cette réduction de cas ». C’est faux.



Pendant plusieurs semaines, la Corée du Sud a connu la pire épidémie en dehors de la Chine. Maintenant, elle est en grande partie sous contrôle. Et la Corée l’a fait sans demander aux gens de rester à la maison. Ils y sont parvenus principalement grâce à de nombreux tests, à la recherche de contacts et à des quarantaines et isolements forcés.
Si l’épidémie a pu être maîtrisée en quelques semaines en Corée du Sud sans éloignement social obligatoire, les pays occidentaux, qui appliquent déjà un lourd marteau avec des mesures d’éloignement social strictes, peuvent certainement contrôler l’épidémie en quelques semaines. C’est une question de discipline, d’exécution et de respect des règles par la population.
Cela dépend donc de la duretée de la phase après le marteau: la danse.
La danse
Si l’on martèle le coronavirus, en quelques semaines il est contrôlé et on en bien meilleure forme pour y faire face. Vient maintenant l’effort à plus long terme pour contenir ce virus jusqu’à ce qu’il y ait un vaccin.



C’est probablement la plus grande et la plus importante erreur que les gens commettent en pensant à cette étape : ils pensent que cela les gardera à la maison pendant des mois. Ce n’est pas du tout le cas. En fait, il est probable que nos vies reprennent leur cours quasi-normal.
La danse dans les pays qui réussissent
Comment se fait-il que la Corée du Sud, Singapour, Taïwan et le Japon aient depuis longtemps des cas, voire des milliers pour la Corée du Sud, et pourtant personne n’est enfermé à la maison?

Coronavirus: South Korea seeing a 'stabilising trend'
South Korea's Foreign Minister, Kang Kyung-wha, says she thinks early testing has been the key to South Korea's low…
www.bbc.com

Dans cette vidéo, la ministre des Affaires étrangères de la Corée du Sud explique comment son pays l’a fait. C’était assez simple : tests efficaces, recherche de contacts efficace, interdictions de voyager, isolement efficace et mise en quarantaine efficace.

Cet article explique l’approche de Singapour:
Interrupting transmission of COVID-19: lessons from containment efforts in Singapore
Highlight. Despite multiple importations resulting in local chains of transmission, Singapore has been able to control…
academic.oup.com

Vous pouvez deviner les mesures? Les mêmes qu’en Corée du Sud. Dans son cas, Singapour l’a complété avec une aide économique pour les personnes en quarantaine et les interdictions et le reports de voyage.
Est-il trop tard pour d’autres pays? Non. En appliquant le marteau, on obtient une nouvelle chance, une nouvelle occasion de bien faire les choses.
Mais que faire si toutes ces mesures ne suffisent pas?

La danse du R

J’appelle la période de plusieurs mois entre le marteau et un vaccin la danse car ce ne sera pas une période pendant laquelle les mesures seront toujours les mêmes. Certaines régions connaîtront à nouveau des flambées, d’autres aucune pendant de longues périodes. Selon l’évolution des cas, nous devrons resserrer les mesures d’éloignement social ou nous pourrons les relâcher. C’est la danse de R : une danse de mesures où d’un côté nos vies reprennent leurs cours et de l’autre la maladie se propage, celle de l’économie contre les soins de santé.
Comment fonctionne cette danse?
Tout tourne autour du R. Si vous vous souvenez, c’est le taux de transmission. Au début dans un pays standard et non préparé, c’est entre 2 et 3 : pendant les quelques semaines où quelqu’un est infecté, il infecte en moyenne deux ou trois autres personnes.
Si R est supérieur à 1, les infections se multiplient de façon exponentielle en épidémie. S’il est inférieur à 1, elles régressent.
Pendant le marteau, l’objectif est de ramener R le plus près possible de zéro, aussi vite que possible, pour enrayer l’épidémie. À Wuhan, il est calculé que R était initialement de 3,9, et après le confinementet la quarantaine centralisée, il est tombé à 0,32.
Mais une fois entrés dans la danse, il n’est plus nécessaire de le faire. Il faut seulement que le R reste en dessous de 1. Bon nombre des mesures d’éloignement social ont des répercussionsréelles et importantes sur les gens : ils peuvent perdre leur emploi, leur entreprise, leurs habitudes saines…
C’est possible de rester en dessous de R=1 avec quelques mesures simples.


Données détaillées, sources et hypothèses ici
Il s’agit d’une approximation de la façon dont différents types de patients réagissent au virus, ainsi que de leur contagiosité. Personne ne sait à quoi ressemble vraiment ce graphique, mais nous avons rassemblé des données provenant de différents articles pour approximer à quoi il ressemble.
Chaque jour après avoir contracté le virus, les gens ont un certain potentiel de contagion. Ensemble, tous ces jours de contagion totalisent en moyenne 2,5 contagions.
On pense qu’il y a déjà des contagions au cours de la phase « sans symptômes ». Ensuite, à mesure que les symptômes apparaissent, les gens vont généralement chez le médecin, sont diagnostiqués et leur contagiosité diminue.
Par exemple, au début, vous avez le virus mais aucun symptôme, vous vous comportez donc normalement. Lorsque vous parlez aux gens, vous propagez le virus. Lorsque vous touchez votre nez, puis ouvrez le bouton de porte, les personnes qui ouvrent la porte après vous et se touchentle nez sont infectées.
Plus le virus se développe dans votre corps, plus vous êtes contagieux. Ensuite, une fois que vous commencez à avoir des symptômes, vous arrêtez progressivement de travailler, restez au lit, portez un masque ou commencez à consulter un médecin. Plus les symptômes sont graves, plus vous vous éloignez socialement, ce qui réduit la propagation du virus.
Une fois hospitalisé, même si vous êtes très contagieux, vous n’avez pas tendance à propager autant le virus puisque vous êtes isolé.
C’est là que vous pouvez voir l’impact massif de politiques comme celles de Singapour ou de la Corée du Sud:
Si les personnes sont soumises à des tests massifs, elles peuvent être recenséesavant même d’avoir des symptômes. En quarantaine, elles ne peuvent rien propager .
Si les gens savent détecterleurs symptômes plus tôt, ils réduisent le nombre de jours en bleu, et donc leur contagiosité globale.
Si les personnes sont isolées dès qu’elles présentent des symptômes, les contagions de la phase orange disparaissent.
Si les gens sont éduqués sur la distance personnelle, le port de masque, le lavage des mains ou la désinfection des espaces, ils propagent moins de virus tout au long de la période.
Ce n’est que lorsque tout cela échoue que nous avons besoin de mesures d’éloignement social plus lourdes.
Le retour sur investissement de la distance sociale
Si avec toutes ces mesures, R se trouve toujours bien au-dessus de 1, il faut réduire le nombre moyen de rencontres entre personnes.
Il existe des moyens très peu coûteux de le faire, comme interdire les événements regroupant un certain nombre de personnes (par exemple, 50 ou 500), ou demander aux gens de travailler à domicile quand ils le peuvent.
D’autres sont beaucoup, beaucoup plus chers, comme fermer les écoles et les universités, demander à tout le monde de rester à la maison ou fermer les bars et les restaurants.



Ce graphique est créé de toutes piècescar il n’existe pas aujourd’hui. Personne n’a fait suffisamment de recherches à ce sujet ou rassemblé toutes ces mesures de manière à pouvoir les comparer.
C’est malheureux, car c’est le tableau le plus important dont les politiciens auraient besoin pour prendre des décisions. Il illustre ce qui se passe réellement dans leur esprit.
Pendant la période du marteau, ils veulent diminuer le Rle plus possible tout en gardant un niveau tolérable pour la population. Au Hubei, le R a baissé à 0,32. Ce n’est peut-être pas nécessaire d’aller plus bas que 0,5 ou 0,6.
Mais pendant la période de la dansedu R, ils veulent frôler le plus possible de 1, tout en restant en dessous à long terme.
Autrement dit, que les dirigeants en soient conscients ou non, voici ce qu’ils font :
Énumérer toutes les mesures qu’ils peuvent prendre pour réduire le R.
Avoir une idée des avantages de les appliquer : la réduction du R.
Avoir une idée de leur coût : le coût économique,social et éthique.
Classer les initiatives en fonction de leur rentabilité.
Choisir celles qui offrent la plus grande réduction de R (jusqu’à 1), au coût le plus bas.



Tableau à titre indicatif seulement. Toutes les données sont constituées. Cependant, à notre connaissance, ces données n’existent pas aujourd’hui. Il le faudrait. Par exemple, la liste du CDC est un bon point de départ, mais elle exclut entre autres les mesures d’éducation, les déclencheurs, la quantification des coûts et avantages, le détail des mesures, les contre-mesures économiques et sociales, etc.
Au départ, leur confiance en ces chiffres sera faible. Mais c’est tout de même ainsi qu’ils y pensent — et devraient y penser.
Ce qu’ils doivent faire, c’est formaliser le processus : comprenez qu’il s’agit d’un jeu de chiffres dans lequel nous devons apprendre le plus rapidement possible où nous en sommes quant auR, l’impact de chaque mesure sur la réduction du R, et leurs coûts sociaux et économiques.
Ce n’est qu’à ce moment-là qu’ils pourront prendre une décision rationnelle sur les mesures à prendre.

Conclusion : gagner du temps

Le coronavirus se propage encore un peu partout. Il y a des cas dans 152 pays. C’est une course contre la montre. Mais ce n’est pas inévitable : il y a une façon claire de l’approcher.
Certains pays, en particulier ceux qui n’ont pas encore été durement touchés par le coronavirus, pourraient se demander si ça leur arrivera aussi? La réponse : c’est probablement déjà le cas. Ils ne l’ont tout simplement pas remarqué. Quand le virus frappera vraiment, leur système de santé sera encore pire que dans les pays riches où les systèmes de santé sont solides. Mieux vaut prévenir que guérir, il faut donc envisager d’agir dès maintenant.
Pour les pays où le coronavirus est déjà présent, les options sont claires.
D’un côté, les pays peuvent suivre la voie de l’atténuation: créer une épidémie massive, submerger le système de santé, provoquer la mort de millions de personnes et libérer de nouvelles mutations de ce virus dans la nature.
De l’autre, les pays peuvent se battre. Ils peuvent s’enfermer pendant quelques semaines pour nous faire gagner du temps, créer un plan d’action éclairé et contrôler ce virus jusqu’à ce que nous ayons un vaccin.
Aujourd’hui, les gouvernements du monde entier, y compris certains comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse ou les Pays-Bas, ont choisi la voie de l’atténuation.
Cela signifie qu’ils s’avouent vaincus d’avance. Ils voient que d’autres pays ont réussi à lutter, mais se disent : « Nous ne pouvons pas faire ça! »
Et si Churchill avait dit la même chose? « Les Nazis sont partout déjà en Europe. Nous ne pouvons pas les combattre. Laissons simplement tomber. » C’est ce que font de nombreux gouvernements dans le monde aujourd’hui. Ils ne vous donnent pas la chance de vous battre. C’est à vous de l’exiger.
Passez le mot
Malheureusement, des millions de vies sont toujours en jeu. Partagez cet article — ou tout autre article similaire — si vous pensez qu’il peut changer l’opinion des gens. Les dirigeants doivent comprendre cela pour éviter une catastrophe. Le moment d’agir est maintenant.
Si vous êtes un épidémiologiste ou autre expert et avez des commentaires sur cette publication ou voulez la soutenir, faite-le-moi savoir avec un message en privé sur cet article ou sur l’original.
Si vous souhaitez traduire cet article, faites-le à partir de l’article original et laissez une note privée à Tomas Pueyo avec votre lien.
Cet article est le résultat d’un effort herculéen d’un groupe de citoyens normaux travaillant 24 heures sur 24 pour trouver toutes les recherches pertinentes disponibles pour le structurer en un seul morceau, au cas où il pourrait aider les autres à traiter toutes les informations disponibles sur le coronavirus.
Remerciements particuliers à Pierre Djian, Jorge Peñalva, John Hsu, Genevieve Gee, Elena Baillie, Chris Martinez, Yasemin Denari, Christine Gibson, Matt Bell, Dan Walsh, Jessica Thompson, Karim Ravji, Annie Hazlehurst et Aishwarya Khanduja. Cela a été un effort d’équipe.
Merci également à Berin Szoka, Shishir Mehrotra, QVentus, Illumina, Josephine Gavignet, Mike Kidd et Nils Barth pour vos conseils. Merci à mon entreprise, Course Hero, de m’avoir donné le temps et la liberté de me concentrer là-dessus.
Je tiens également à remercier mon équipe chez Dr. Muscle et mes collègues scientifiques pour leur point de vue. -Carl-Etienne Juneau, PhD

Source  : https://medium.com/tomas-pueyo/coronavirus-le-marteau-et-la-danse-bce68d354c0c

NOUS NE SOMMES PAS EN GUERRE, par Sophie Mainguy, médecin urgentiste

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NOUS NE SOMMES PAS EN GUERRE
et n’avons pas à l’être…
Par Sophie Mainguy, médecin urgentiste.
Il est intéressant de constater combien nous ne savons envisager chaque événement qu’à travers un prisme de défense et de domination.
Les mesures décrétées hier soir par notre gouvernement sont, depuis ma sensibilité de médecin, tout à fait adaptées. En revanche, l’effet d’annonce qui l’a accompagné l’est beaucoup moins.
Nous ne sommes pas en guerre et n’avons pas à l’être.
Il n’y a pas besoin d’une idée systématique de lutte pour être performant.
L’ambition ferme d’un service à la vie suffit.
Il n’y a pas d’ennemi.
Il y a un autre organisme vivant en plein flux migratoire et nous devons nous arrêter afin que nos courants respectifs ne s’entrechoquent pas trop.
Nous sommes au passage piéton et le feu est rouge pour nous.
Bien sûr il y aura, à l’échelle de nos milliards d’humains, des traversées en dehors des clous et des accidents qui seront douloureux.
Ils le sont toujours.
Il faut s’y préparer.
Mais il n’y a pas de guerre.
Les formes de vie qui ne servent pas nos intérêts (et qui peut le dire ?) ne sont pas nos ennemis.
Il s’agit d’une énième occasion de réaliser que l’humain n’est pas la seule force de cette planète et qu’il doit – ô combien- parfois faire de la place aux autres.
Il n’y a aucun intérêt à le vivre sur un mode conflictuel ou concurrentiel.
Notre corps et notre immunité aiment la vérité et la PAIX.
Nous ne sommes pas en guerre et nous n’avons pas à l’être pour être efficaces.
Nous ne sommes pas mobilisés par les armes mais par l’Intelligence du vivant qui nous contraint à la pause.
Exceptionnellement nous sommes obligés de nous pousser de coté, de laisser la place.
Ce n’est pas une guerre, c’est une éducation, celle de l’humilité, de l’interrelation et de la solidarité.
Sophie Mainguy, médecin urgentiste

Chloroquine et Coronavirus : pourquoi RAOULT est un héros ! | IDRISS ABERKANE

Idriss fustigeant comme jamais la corruption universitaire...



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