jeudi 30 avril 2015

Paris : Manifestation non déclarée devant l'ambassade d'Ukraine : 4 interpellations illégales / Paris: demonstration not declared in front of the embassy of Ukraine: 4 illegal questionings


Mercredi 22 avril, alors que Petro Porochenko était en visite en France, Bruno, militant en faveur des Républiques Populaires du Donbass, a décidé de réaliser quelques graffitis sur la route longeant l’ambassade d’Ukraine à Paris, avant de chanter la Marseillaise puis l’hymne russe sous leurs fenêtres. Une action, certes pacifique mais qui n’a pas plu à l’ambassade qui s’est empressée de prévenir les autorités.
Les forces de police ont, dès leur arrivée, procédé à l’arrestation de trois partisans des séparatistes, avant de réserver le même sort au journaliste de l’Agence Info Libre présent sur place. Transportés sirènes hurlantes jusqu’au commissariat du 7e où nous avons attendus menottés à un banc la confirmation que cette arrestation était illégale et ne pouvait donc aboutir sur une garde à vue. Nous avons été convoqués le lendemain afin de répondre aux questions des autorités. Aucune suite ne semble être envisagée.


Source : http://gaideclin.blogspot.fr/2015/04/liberte-dexpression-manifestation-non.html





lundi 27 avril 2015

Gilles Ardinat sur l'altermondialisme et la démondialisation / Gilles Ardinat on the anti-globalization and the deglobalization



Etes-vous mondialiste, anti-mondialiste, alter-mondialiste ou... démon-dialiste ?

1h10 de réflexions qui en valent la peine








Un résumé écrit de cet exposé : 



Source : http://www.lengadoc-info.com/1761/societe/altermondialisme-et-demondialisation-avec-gilles-ardinat/





 « Altermondialisme et Démondialisation » avec Gilles Ardinat

« Altermondialisme et Démondialisation » avec Gilles Ardinat



Publié par : JordiV 20 avril 2015 dans Société Laisser un commentaire


20/04/2015 – 14h00 Montpellier (Lengadoc-info.com) – Professeur agrégé d’Histoire-Géographie enseignant à l’université Paul Valéry, Gilles Ardinat était invité ce vendredi à Montpellier par l’associationUniversité Réelle afin de débattre sur la question de l’altermondialisme et de la démondialisation.

L’auteur de « Comprendre la mondialisation en dix leçons » s’est attaché à définir avec précision des termes trop souvent employés à tort et à travers. Ainsi, si le mot « mondialisation » est souvent perçu comme un concept économique synonyme de néo-libéralisme, pour Gilles Ardinat il s’agit « d’un processus de généralisation des échanges entre les différents territoires de la planète ». En bon géographe, il place la notion de territoire au cœur du concept de mondialisation et l’économie n’est qu’un des aspects de ce processus. D’ailleurs la « généralisation des échanges » évoquée ne concerne pas uniquement les échanges économiques mais également l’information, les idées, les personnes, « ce sont des échanges de tout type ». A ne pas confondre avec le mondialisme, c’est à dire « la doctrine visant l’instauration d’un super état mondial, un gouvernement mondial comme le dirait Jacques Attali ». Mais pour l’universitaire, il n’y a pas aujourd’hui de mouvement politique qui se revendique ouvertement de cette doctrine, c’est pour cette raison qu’il est nécessaire d’élargir cette définition à tous ceux qui sont partisans du processus de mondialisation.

« Les altermondialistes sont dans une critique qui est partielle et qui ne va pas jusqu’au bout de sa logique »

Ainsi les « altermondialistes ce sont des gens qui critiquent les modalités de la mondialisation telle qu’elle existe mais qui voudraient en proposer une autre ». Un mouvement qui selon Gille Ardinat bénéficie d’une image plutôt positive dans les médias, ils sont perçus comme de « doux rêveurs ». Un mouvement aujourd’hui en échec malgré la pertinence de certaines analyses notamment dans la prévision des crises de ces dernières années, qui aurait du apporter une certaine crédibilité. « Les altermondialistes sont dans une critique qui est partielle et qui ne va pas jusqu’au bout de sa logique parce qu’ils n’envisagent que l’aspect économique et financier de la mondialisation. (…) Il y a une crainte chez les altermondialistes d’être catalogués comme des réactionnaires, des passéistes, des protectionnistes voire des nationalistes et pourquoi pas même des racistes. Ils ont peur d’être qualifiés de rouge-brun et restent favorables à l’ouverture des frontières par anti-racisme ».

Selon Gilles Ardinat, « l’anti-racisme est devenu une espèce d’étendard de militants qui ne sont plus là pour combattre le racisme. Leur but c’est de diaboliser, de terroriser, de rendre impossible un certain nombre de débats. (…) Aujourd’hui on n’ose plus aborder certains sujets qui n’ont rien à voir avec le racisme parce qu’on a peur d’être taxé de raciste. Dans le mouvement altermondialiste il y a cette peur et donc certaines questions ne peuvent pas être abordées. Exemple, le protectionnisme, qui est une doctrine économique qui n’a rien à voir avec une doctrine raciale. Défendre une forme de protectionnisme économique c’est défendre une forme de repli sur soi, c’est de la xénophobie, de l’égoïsme. (…) Pourtant, si l’on veut lutter contre la banque, contre la spéculation, il faudra nécessairement des frontières ». Ce n’est alors pas étonnant de voir le Medef faire la promotion de la liberté de circulation et de voir comment Madame Parisot s’est impliquée dans l’anti-racisme ».

« Ce n’est pas d’une autre mondialisation dont on a besoin mais d’une démondialisation »

L’universitaire montpelliérain ne se cache pas, pour lui, « si l’on doit faire une critique de la mondialisation il faut aller jusqu’au bout de la logique et proposer non pas une autre mondialisation mais un programme politique qui serait le contraire, c’est à dire la démondialisation ». Un concept politique qui est porté en France par Jacques Sapir et pendant un temps par Arnaud Montebourg. « Cette démondialisation c’est l’idée de mettre des frontières économiques, de faire du patriotisme économique, l’idée que l’État intervient. C’est un programme politique concret pour relocaliser les activités, ré-enraciner les économies ». Un programme qui a plusieurs facettes et notamment culturelle, « l’OMC et le système de libre échange œuvrent dans le sens d’une américanisation culturelle. Dans ce domaine, les altermondialistes sont moins complexés par la préférence nationale, c’est ce qu’on appelle l’exception culturelle avec par exemple les quotas de films en France ». Mais il faut aller plus plus loin, « la démondialisation ça pourrait être aussi un processus culturel de redécouverte des identités nationales et régionales face à cette américanisation forcenée ». « Si on veut proposer une alternative réelle, ce n’est pas d’une autre mondialisation dont on a besoin mais d’une démondialisation en reconstituant des communautés enracinées ».



Photos : DR

Lengadoc-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.


Et si vous voulez un petit résumé de son bouquin : http://tem.revues.org/2650

samedi 25 avril 2015

Le néo-colonialisme intellectuel de la gauche européenne / The intellectual neo-colonialism of the European left

Source : http://www.cetri.be/spip.php?article3816&lang=frhttp://www.cetri.be/spip.php?article3816&lang=fr


par Emir Sader
(13 avril 2015)


La gauche européenne a été essentiellement socialiste – ou social-démocrate – et communiste. Elle avait comme composantes essentielles, les syndicats et les partis politiques – avec une représentation parlementaire, participant aux des élections, alliés entre eux. Et des groupes plus radicaux, en général trotskistes qui faisaient partie du même scénario politique et idéologique.
Une de ses composantes – qui allait devenir problématique – à savoir le nationalisme, fut classé comme une idéologie de droite à cause de son caractère chauviniste en Europe. La responsabilité attribuée aux nationalismes dans les deux guerres mondiales a renforcé cette classification.
Sur d’autres continents, particulièrement en Amérique Latine, cette classification apparaissait comme schématique, mécanique. L’inadéquation est devenue de plus en plus claire alors que surgissaient des forces et des leaderships nationalistes.
En Europe, l’idéologie de la bourgeoisie montante fut le libéralisme, par opposition aux blocages féodaux à la libre circulation du capital et de la main-d’œuvre. Le nationalisme s’est situé à droite du spectre politique et idéologique, exaltant les valeurs nationales de chaque pays en opposition à celles des autres pays et, plus récemment, en s’opposant à l’unification européenne, parce qu’elle affaiblit les États nationaux.
A la périphérie du capitalisme, le nationalisme et le libéralisme ont des traits distincts, et même opposés à ceux qu’ils ont en Europe. Le libéralisme a été l’idéologie des secteurs primaires exportateurs, qui vivaient du libre-échange, exprimant les intérêts de l’oligarchie traditionnelle, de l’ensemble de la droite. Par contre et à la différence de l’Europe, le nationalisme a toujours eu une composante anti-impérialiste.
La gauche européenne a toujours eu de grandes difficultés à comprendre le nationalisme et le libéralisme dans des régions comme l’Amérique Latine. Exemple d’une des erreurs provenant de la vision eurocentrique : des leaders comme Perón et Vargas ont parfois été comparés par les partis communistes d’Amérique Latine avec des dirigeants fascistes européens – comme Hitler et Mussolini – de par leurs composantes nationaliste et antilibérale. En même temps, des forces libérales latinoaméricaines ont été acceptées par l’Internationale Socialiste parce qu’elles défendraient les systèmes politiques « démocratiques » (en réalité, libéraux) contre « les dictatures » dans lesquelles des leaders nationalistes joueraient le rôle principal avec leur charisme et leur idéologie supposée « populiste » et autoritaire.
Des processus comme les révolutions mexicaines, cubaine, sandiniste, et des leaderships nationalistes comme ceux mentionnés, ont été difficiles à digérer par la gauche traditionnelle compte tenu de son héritage colonial, eurocentrique. La même chose se passe, d’une certaine façon, avec la gauche latinoaméricaine du XXIème siècle, dont la gauche traditionnelle européenne éprouve des difficultés à comprendre le caractère et les luttes. Ces mêmes limites affectent les intellectuels d’une gauche européenne qui reste eurocentrique dans sa vision de l’Amérique Latine.
D’une part, il y a les intellectuels de la social-démocratie qui en évoluant vers le social-libéralisme puis le néo-libéralisme, ont perdu toute possibilité de comprendre l’Amérique Latine et la gauche post-néolibérale de notre région.
Mais il y a aussi les intellectuels francs-tireurs ou liés à des courants de l’ultra gauche européenne qui lancent leurs analyses critiques sur les gouvernements progressistes latinoaméricains avec une grande désinvolture, expliquant ce que ces gouvernements ont fait de faux, ce qu’ils devraient faire, ce qu’ils ne devraient pas faire, etc., etc. Ils parlent comme si leurs thèses avaient été confirmées, sans pouvoir présenter aucun exemple concret de ce que leurs idées ont produit et démontré, qui s’adapterait mieux à la réalité que les chemins que ces gouvernements suivent.
Ils se préoccupent des tendances « caudillistes », « populistes », des leaders latinoaméricains, jugent ces processus à partir de ce qu’ils estiment que devraient être les intérêts de tel ou tel mouvement social, ou de l’une ou l’autre thématique. Ils ont des problèmes pour comprendre le caractère nationaliste, anti-impérialiste, populaire, des gouvernements post néolibéraux, leurs processus concrets de construction d’une hégémonie alternative dans un monde encore très conservateur. Ils survolent les réalités comme des oiseaux, saluant quelque chose pour ensuite le critiquer, sans s’identifier profondément à l’ensemble de ces mouvements qui forment la gauche du XXIème siècle. Le temps passe et ces visions eurocentriques ne débouchent sur aucune construction concrète, parce qu’ils sont impuissants à capter les trames contradictoires de la réalité et à partir de cela, proposer les alternatives qui peuvent être portées par les peuples.
Ils se comportent comme s’ils étaient les « consciences critiques de la gauche latinoaméricaine » et comme si nous avions besoin d’elles, comme si nous n’avions pas conscience des raisons de nos avancées, des obstacles que nous avons devant nous, et des difficultés pour les dépasser. Non seulement ils ne peuvent présenter les résultats de leurs analyses, ni dans leurs propres pays – qui peuvent être la France, le Portugal, l’Angleterre ou d’autres pays – là où l’on suppose que leurs idées devraient avoir des résultats. Mais ils ne réussissent pas non plus à expliquer – ni même à aborder – les raisons pour lesquelles, dans leur propres pays, la situation de la gauche est incomparablement pire que dans les pays latinoaméricains qu’ils critiquent.
Ce sont des attitudes encore mues par le paternalisme de l’eurocentrisme et qui se tournent vers l’Amérique Latine non pour apprendre mais avec une posture de professeurs, comme s’ils étaient porteurs de l’ensemble de la connaissance et des expériences victorieuses, à partir desquelles ils donneraient un cours magistral sur nos processus. Ils représentent, en fait, malgré les apparences, les formes de la vieille gauche, qui n’a pas fait l’autocritique de ses erreurs, échecs et reculs. Qui ne sont pas disposées à apprendre des nouvelles expériences latinoaméricaines.
L’aura universitaire ne réussit pas à cacher les difficultés qu’ils ont pour s’engager dans des processus concrets et, à partir de ceux-ci, pour partager la construction des alternatives.
Les analyses qui ne débouchent pas sur des propositions concrètes de transformation de la réalité, présentent de moins en moins d’intérêt. Les postures critiques restent sur le plan de théories qui ne se projettent pas dans le champ du réel, sans aucune capacité à s’approprier la réalité concrète, moins encore de la transformer. Pour reprendre le vieil adage marxiste toujours actuel : leurs idées ne se transforment jamais en force matérielle parce qu’elles ne pénètrent jamais dans les masses.
Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cet article demeurent l'entière responsabilité de l'auteur-e et ne reflètent pas nécessairement ceux du CETRI.

jeudi 23 avril 2015

Entretien d’actualité avec Jean Bricmont (liberté d'expression, Charlie, Israël, Iran, les rouges-verts-bruns, etcaetera) / Interview of current events with Jean Bricmont (freedom of expression, Charlie, Israel, Iran, red-green-browns, etcaetera)

Source : http://www.agenceinfolibre.fr/entretien-dactualite-avec-jean-bricmont-2/


De passage à Paris suite à une conférence donnée à la Faculté de Grenoble 1, Jean Bricmont revient sur la polémique qu’a suscité cette invitation. Nous aborderons également la récente réélection de Netanyahu en Israël pour terminer sur l’issue des interminables négociations sur le nucléaire iranien.




Le rassemblement pro-palestinien dont il est question durant l’entretien :

mardi 21 avril 2015

La Grèce, l’UE et l’hybris (l’Ukraine a conduit l’UE “à sortir du bois”, à se découvrir pour ce qu’elle est, ou ce qu’elle est devenue dans son évolution souterraine peu importe, c’est-à-dire une institution parfaitement totalitaire) /Greece, EU and hybris (Ukraine led the EU " to go out of the wood ", to confide for the fact that it is, or what it became in its subterranean evolution, no matter, that is a perfectly totalitarian institution)

Source : http://www.dedefensa.org/article-la_gr_ce_l_ue_et_l_hybris_20_04_2015.html

Auteur : Philippe Grasset

20/04/2015 - Bloc-Notes

La Grèce, l’UE et l’hybris


Dans son commentaire du 18 avril 2015, avec le titre de «La Grèce face à l’hybris européenne» sur son site RussEurope, l’économiste Jacques Sapir développe les conditions de l’actuel face-à-face entre la Grèce et l’UE et juge que l’on est arrivé à la situation finale. («Il s’en déduit qu’un défaut de la Grèce peut survenir dans les semaines qui viennent, mais surviendra de toute manière entre la fin juin et le début du mois de juillet. Sauf si, d’un côté ou de l’autre, un changement de position survient.»)

Sapir examine les diverses possibilités, les réalités économiques, les conditions de l’affrontement. Il admet que la stratégie grecque, qui consiste à tenter de retourner contre l’UE sa propre puissance selon la “théorie des jeux” plus que selon la technique du “faire aïkido” qui est plus antagoniste, a du sens et du mérite à la fois, donc en théorie pourrait marcher et donner à la Grèce un compromis qui l’avantagerait. «Mais la théorie des jeux ne fonctionne que face à un adversaire rationnel», et l’UE n’est plus “rationnelle”, qu’elle soit adversaire ou partenaire, ou même objet d’admiration ou d’appréciation idolâtre. Alors, l’économiste se fait avec bonheur historien et psychologue, voire métahistorien en introduisant un facteur fondamental : l’hybris de l’UE, qui ôte à cette institution dans cette interprétation toute raison acceptable, – à moins de parler naturellement de raison-subvertie ; l’hybris, qui fait d’elle une entité évidemment déstructurante et dissolvante, une véritable créature autonome dotée d’une sorte de psychologie propre. Cela place la Grèce devant un dilemme dont les deux termes sont si extrêmes qu’ils interdisent évidemment et absolument le moindre compromis : se soumettre complètement ou rompre... Si elle veut survivre, la Grèce devra rompre.

«Le gouvernement grec a construit sa stratégie sur le fait que l’Eurogroupe aurait bien plus à perdre que la Grèce à une crise. En cas de défaut grec, les gouvernement de la zone Euro devraient expliquer à leurs populations qu’il faut recapitaliser d’urgence la BCE et couvrir les pertes du MES et du FESF. Par ailleurs, un défaut grec entraînerait l’activation des CDS (credit-defaut swaps) qui ont été émis. Enfin, psychologiquement, cette crise signifierait à tous les observateurs que l’Euro n’est pas irréversible mais aussi que les pays du “noyau” de la zone Euro ne sont pas prêts à assumer les conséquences du fonctionnement de la zone Euro. Il ne faudrait que quelques semaines pour que la crise se répercute dans les pays périphériques (Espagne, Portugal, Irlande et Italie). De proche en proche, on aboutirait à l’implosion de la zone Euro. C’est pourquoi le gouvernement grec ne veut pas céder. Ajoutons, et tout le monde le comprend, que s’il cède il perd immédiatement toute sa crédibilité et sa légitimité, et que Syriza, un parti passé en quelques années de 4% à 36% des sondages, serait condamné à disparaître.

»Mais là où le gouvernement grec erre, c’est qu’il pense que les décisions au niveau de l’Eurogroupe seront prises sur la base d’intérêts économiques. En fait, les gouvernements des pays de la zone Euro ont investi énormément dans la dimension politique et symbolique. L’Euro, comme le dit depuis des années le philosophe italien Diego Fusaro n’est pas une monnaie, c’est un projet politique et symbolique. Et, ce projet ne peut s’accommoder d’un compromis avec la Grèce. Car, en cas de compromis, validant la stratégie de Tsipras et de Syriza, c’est toute la politique d’austérité qui volerait en éclat (avec un encouragement très fort à Podemos en Espagne et au Sinn Fein en Irlande), non seulement au grand dam de l’Allemagne (et de ces alliés) mais aussi des hommes politiques qui, dans d’autres pays, ont construit leur carrière sur ce projet (comme François Hollande).

»C’est pourquoi un compromis est en réalité une illusion. Il n’y a pas d’alternative à l’Eurogroupe que d’écraser ou périr. Il n’y a pas d’alternative pour le gouvernement grec que d’aller à l’affrontement ou périr.

»En fait, aucun des deux adversaires, que ce soit le gouvernement grec ou l’Eurogroupe, n’a de marge de négociation. Cette situation a été voulue par le Ministre des finances grec, Yannis Varoufakis, qui connaît bien la théorie des jeux, et qui a retourné la faiblesse apparente de son pays pour en faire une force. C’est ce que l’on appelle la “coercive deficiency”. Mais la théorie des jeux ne fonctionne que face à un adversaire rationnel. Or, cela fait des années que les responsables européens sont sortis de tout cadre rationnel et ne sont plus guidés que par l’idéologie mais aussi l’hybris du projet européiste. Ce terme peut être traduit par “la démesure”. Mais en réalité cela va bien plus loin. C’est un sentiment violent qui est inspiré par les passions, comme dans le cas européen, et plus particulièrement par l’orgueil, et en particulier par l’orgueil politique. Pour les Grecs anciens l’hybris était considérée comme un crime.

"La stratégie de Varoufakis se heurte à l’hybris. C’est une figure qu’il doit bien connaître. Il sait, aussi, que face à elle, seule la rupture est possible.»

“Seule la rupture est possible”, – notre logique de l’antiSystème fait que nous ne pouvions qu’abonder dans ce sens, et que nous abondons ... Cet accord est bien entendu la cause qui nous a fait retenir ce texte, mais plus encore, pour le symbole puissant et les références que ce terme suscite, l’idée de l’hybris de l’UE. Nous citons souvent l’hybris comme le trait dominant de la psychologie-Système, affectant les principales forces du bloc BAO, principalement les USA et l’UE. Effectivement, la démonstration est convaincante, et c’est sans doute l’une des grandes vertus de l’épisode Syriza, quoi qu’il arrive, d’avoir mis en évidence l’existence de ce péché mortel, de ce trait épouvantable de la psychologie, dans le cas de l’UE. Nous différerions peut-être (de Sapir) du point de vue de la chronologie, pour mieux mettre en lumière combien cette manifestation si évidente et si impudente, nous dirions presque désespérée à force d’impudence de l’hybris-UE, représente un signe évident de la crise de cette institution, et un signe non moins affirmé de la trajectoire de chute où elle est engagée.

Sapir écrit : «Or, cela fait des années que les responsables européens sont sortis de tout cadre rationnel et ne sont plus guidés que par l’idéologie mais aussi l’hybris du projet européiste.» Ce “des années” vaut certainement pour la “sortie de tout cadre rationnel” et pour l’affirmation idéologique extrémiste qui se sont réalisées de la façon péremptoire qu’on voit entre les années 1990 et les années 2004-2005 (du traité de Maastricht à l’euro, à l’élargissement à l’Est), mais moins certainement pour l’hybris. L’installation de cette passion funeste qui attendait son heure, certes conséquence du reste mais aussi transmutation du reste, s’est développée à partir de la formation du bloc BAO (automne 2008) et des aventures expansionnistes du bloc BAO à partir de 2010, et elle s’est installée brusquement, justement comme une transmutation psychologique presque d’une forme crisique, à l’occasion de la crise ukrainienne (novembre-2013-février 2014). Brusquement, en se transmutant, cette rupture de la psychologie a aussitôt imprimé une marque politique et stratégique dans l’affaire ukrainienne et face à la Russie. Depuis, l’on sent bien que l’UE est devenue une entité animée de penchants expansionnistes affirmé et qui abandonne tout velléité de s’en dissimuler, et de moins en moins préoccupée sinon plus du tout à se maquiller d’un vernis démocratique de simple convenance. (Ainsi, à notre sens, l'UE aurait eu face à la Grèce une position moins intransigeante s'il n'y avait eu entretemps l'aventure ukrainienne qui a dévoilé l'hybris sans la moindre retenue.)

Cette transmutation qui ne peut être précisée que sous la forme d’une “transmutation-Système”, c’est-à-dire un rapprochement décisif de ce qui est l’essentiel producteur d’une dynamique maléfique, produit l’habituel mélange que les bons auteurs identifient dans ce qu’on nommerait le Mal dans notre époque catastrophique ; c’est-à-dire, selon le schéma classique, cette dynamique de surpuissance qui se veut irrésistible et l’extrême stupidité qui l’accompagne et nous donne le ferme espoir que la susdite dynamique de surpuissance atteint le sommet d’elle-même en produisant parallèlement sa transformation (même pas besoin de transmuter) en autodestruction, tout en conservant une fidélité sans faille à l’essentielle dimension de la stupidité qui est sa marque indélébile comme celle du diable. (Selon cette observation de René Guénon que nous affectionnons : «On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s'empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature...») Les dirigeants européens, influencés par l’entité qu’ils croient diriger et dont ils ne font que subir l’influence, trop faible psychologiquement pour lui opposer une fermeté quelconque, se comportent effectivement à l’image de l’entité ainsi opérationnalisée : la déclaration (citée par Sapir dans son texte) de Juncker, président de la Commission, après les élections grecques du 25 janvier, rend compte de ce mariage de la surpuissance et de la stupidité, – «Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens», déclara-t-il fameusement... Effectivement, il s’agit bien de l’hybris, disons d’une catégorie postmoderne, parfaitement en ligne avec celle des USA dont l’UE est aujourd’hui le “compagnon de route” presque à égalité et en toute complicité, bien plus que le vassal ou l’obligée.

Au reste, l’institution évolue au niveau interne dans le même sens, avec une montée draconienne des mesures de “sécurisation” interne de l'institution UE, impliquant une sorte de surveillance intensive et intrusive, soupçonneuse et tatillonne. Un nombre de plus en plus grand de sites internet, jugés “dissident”, et qui concernent plus encore les nouvelles non caviardées du Moyen-Orient ou de l’Ukraine, ont leur accès bloqué sur les circuits intérieurs par de mystérieuses décisions venues d’on ne sait quelle mystérieuse organisation de sécurité. Un fonctionnaire sollicitant une position particulière ou une bourse d’étude, peut se voir opposer un refus, non parce qu’il a répondu d’une façon incompétente à une interview d’évaluation, mais, par exemple, parce qu’il a eu une phrase malheureuse sur la Grèce (du type “les pauvre Grecs, leur sort est difficile”). L’hybris est donc bien là, omniprésente, aussi bien présente à l’intérieur des institutions, installant une tension constante, une suspicion à mesure, et de plus en plus souvent désarroi et confusion sur la raison d’être et l’orientation de l’institution.

Nous dirions que cet hybris correspond à une affirmation de puissance (surpuissance) dont la crise ukrainienne a été la génitrice incontestable. L’Ukraine a conduit l’UE “à sortir du bois”, à se découvrir pour ce qu’elle est, ou ce qu’elle est devenue dans son évolution souterraine peu importe, c’est-à-dire une institution parfaitement totalitaire. Ce faisant, elle a complètement tourné le dos à ce qu’elle présentait comme ses ambitions pacificatrices, comme modèle de “gouvernance apaisée” et comme modèle postmoderne de gouvernement idéal. Ainsi, en acquérant cette surpuissance que lui impose son hybris, comme juste retour des choses puisque l’hybris est née de cette surpuissance, elle se met paradoxalement dans une position d’extrême faiblesse. Elle est entraînée, – le cas ukrainien est exemplaire, – dans des voies de plus en plus douteuses, où la légitimité qu’elle prétendait avoir avec ses idéaux initiaux se dissout à très grande vitesse, remplacée par l’imposture, le simulacre, et l’enchaînement dramatique du déterminisme-narrativiste. L’hybris-Système dont l’UE est désormais la porteuse comme on l’est d’une peste épouvantable, est la marque du processus irrémédiable d’effondrement qui l’entraîne. Sera-ce la Grèce, sera-ce autre chose, qui nous montrera que le roi est nu ? Les occasions ne manquent pas et ne feront que se multiplier tant cette attitude engendre de contradiction,s conflictuelles, d'antagonismes furieux, notamment avec les Etats-Membres et avec leurs populations.

lundi 20 avril 2015

PayPal imagine le futur moyen d’identification : une micropuce à avaler / PayPal imagines the future way of identification: a microflea to be swallowed

http://ilfattoquotidiano.fr/paypal-imagine-le-futur-moyen-didentification-une-micropuce-a-avaler/

PayPal imagine le futur moyen d’identification : une micropuce à avaler articles by IlFatto Share on facebookShare on twitterShare on emailShare on pinterest_shareMore Sharing Services 0 PayPal est en train d’imaginer le futur de l’identification pour les moyens de paiement : un microdispositif à injecter, à ingurgiter ou à placer quelque part dans le corps. C’est le chef du développement, Jonathan Leblanc, qui a soutenu l’idée lors d’une série de conférences Kill all Passwords, selon laquelle la prochaine étape passera par une véritable intégration avec le corps humain. Les paiements mobiles, mais aussi les interactions online sensibles ne reposeront donc plus sur des méthodes « externes », mais sur un moyen d’identification entièrement corporel. Elle laissera de côté les analyses biométriques qui passeraient par un intermédiaire, puisque cet intermédiaire deviendra nous-même, notre corps. En poussant à l’extrême, on pourrait parler d’implant dans le cerveau, mais de façon plus banale, l’idée est d’ingurgiter une pilule capable de s’autoalimenter en énergie grâce aux acides de l’estomac. « Si le mot de passe est faible, alors il vous faut le consolider par quelque chose de physique, » a ajouté Leblanc. En somme, le moment est venu d’en finir avec les anciens dispositifs et les anciennes méthodes. L’un des points les plus discutés concerne les faux résultats générés par la reconnaissance des empreintes digitales et autres marqueurs biométriques : si l’on n’est pas reconnu correctement, on n’accède pas au service associé. L’idéal, selon Leblanc (ci-contre), serait une micropuce implantée sous la peau avec un capteur Ecg qui pourrait transmettre les données de l’activité électrique du corps (un paramètre unique pour chaque individu) et communiquer par Wifi, un peu comme les "wearable computer tattoos" (tatouages numériques à porter) Ou bien des capsules à avaler, qui pourraient analyser les niveaux de glucose et autres paramètres permettant d’identifier le corps « de l’hôte ». PayPal travaille réellement à ce type de projets, par exemple à un bracelet d’identification des battements cardiaques, mais ils ne sont pas les seuls à le faire et on voir proliférer les hackathons consacrées aux futures techniques [d’identification]. Cela ne signifie pas que PayPal va adopter immédiatement ces techniques, mais simplement qu’elle veut être à l’avant-garde dans le domaine. D’ailleurs, les lois actuelles n’autoriseraient pas si facilement l’usage de ces technologies [ah ben nous voilà rassurés – NdT]. La Repubblica – 20 avril 2015 Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr

Mes commentaires : no comment... 

vendredi 17 avril 2015

Conflit ukrainien : à propos de la création de réalités totalement fabriquées par le bloc américano-occidentaliste - un entretien éclairant avec Philippe Grasset (DEDEFENSA.ORG) /Ukrainian conflict: about the creation of realities totally made by the American-occidentalist block - a shining interview with Philippe Grasset ( DEDEFENSA.ORG)

Source : http://www.dedefensa.org/article-vid_o_06_le_d_terminisme-narrativiste_15_04_2015.html

Vidéo 06 : Le déterminisme-narrativiste

Cette Vidéo n°6 des Conversations de dedefensa.org prend place dans la série des entretiens consacrés à des concepts publiés dans notre rubrique Glossaire.dde. Cette série a commencé avec la Vidéo n°2 consacrée à l’“idéal de puissance” (voir le 18 mai 2014). Nous confirmons effectivement cette tendance mise en évidence dès cette Vidéo n°2 : leGlossaire.dde constitue une référence centrale et constante pour cette rubrique des Conversations. Cette fois, avec notre n°6, il s’agit du concept de “déterminisme-narrativiste”, dont le texte de présentation a été mis en ligne le 26 février 2015.
Ce concept est une pure création d’une situation originale que nous avons relevé, que nous avons vu se développer sans prendre conscience précisément de son caractère exceptionnel, puis qui s’est affirmé enfin, sous une forme extraordinaire, dans la crise ukrainienne. Nous parlons aussi bien de la situation en Ukraine que des positions que cette crise entraîne dans nombre de pays concernés. Il s’agit de l’idée que la création de réalités totalement fabriquées, – ce que nous nommons narrative, – entraîne dans une logique qui devient bientôt un “déterminisme“, obligeant à poursuivre la description d’une réalité qui n’existe pas, jusqu’à des positions absurdes. Cela conduit évidemment à une complète rupture de contacts, de dialogue, etc., entre des adversaires et des concurrents sur un théâtre donné, dans une période donnée, etc. ; l’un et l’autre se trouvent, littéralement, dans deux univers différents, sans liens, sans référence commune.
Bien entendu et s’agissant de l’Ukraine, il faut aussitôt préciser que les créateurs d’une narrative complètement étrangère à la réalité se trouvent nécessairement du côté des pays du bloc BAO, principalement les USA et, dans une (à peine) moindre mesure, les pays de l’UE. D’une façon générale, la narrative trouve sa matrice dans la Grande Crise du Système, dont la production ne cesse de se heurter de plus en plus frontalement au réel ; les pays du bloc BAO étant plus, sinon totalement (USA) intégrés au Système, ce sont eux qui développent les narrative nécessaires et se trouvent emportés dans le vertige du déterminisme-narrativiste.
On observera également, dans cette Conversation une évolution de plus dans la forme de l’entretien. Non seulement nous restons à notre nouvel effectif de trois personnes, mais plus encore, le nouvel intervenant apparaît dans le champ de la conversation et n’est plus en “voix-off”. Il s'agit d'Yves Mollard La Bruyère, qui est déjà intervenu pour la Vidéo n°4 du 22 juillet 2014.

Crédit

La réalisation de cet entretien, en date du vendredi 14 mars 2015, a été assurée par Sébastien Beuken.

mercredi 15 avril 2015

Incident dans une centrale nucléaire du sud de l’Ukraine... comme prétexte à diverses réflexions sur l'organisation du monde / Incident in a nuclear power plant of the South of Ukraine... as pretext with diverses thougths about the organization of the world/

“On April 11 at 14.37 at the energy block #3 of the South-Ukrainian NPP, the generator was disabled by the auto-electrical safety feature. Probably the cause of the outage was the loss of generator excitation”. Le communiqué précise que le changement de carburant de russe à américano-japonais n’est pas la cause de l’incident (fortruss). Cette centrale avait été déjà le cadre d’un incident, un incendie cette fois, en janvier 2015 (korrespondent.net).





Mes commentaires :

Si vous avez encore des doutes sur ce qui se trame là-bas, voyez ce dernier rapport de situation... et jugez par vous-même :

http://www.les-crises.fr/actuukraine-15-04-2015/

Cet incident pose une fois de plus la question de la gestion des infrastructures nucléaires dans un pays

- en guerre;
- en cours d'effondrement (économique, social, démocratique...);
- sans compter que ce conflit cristallise, à nos frontières, deux visions opposées de l'organisation du monde :

1. Une vision d'un monde unipolaire, essentiellement portée par l'Occident, qui promeut la mondialisation (économique), la globalisation (l'homogénéisation des standards culturels) et, à terme, l'instauration d'un gouvernement mondial.

2. Une vision d'un monde multipolaire, essentiellement portée par les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui promeut la souveraineté des nations sans exclure, bien évidemment, des alliances économiques ou... militaires.

On a souvent dit que la nation (... nationalisme), c'était la guerre. Sans aucun doute.Nous pourrions aussi nous poser la question à propos de l'Europe (... Européisme et ... régionalismes) ou de l'instauration d'un gouvernement mondial  (...mondialisme).

A ce sujet voir : 

http://trodetou.blogspot.be/2013/11/pierre-hillard-comprendre-le-nouvel.html 

http://www.upr.fr/conferences/leurope-cest-la-guerre-2

Ces deux visions du monde, unipolaire ou multipolaire, comportent des risques.

Je choisis toutefois la vision multipolaire. Pour faire ce choix, je me focalise sur l'observation... de deux modèles agricoles.  

Postulat de départ : chaque famille de plante a le plus souvent "sa" maladie 

- dans un modèle agricole privilégiant les monocultures (culture d'une seule espèce, le plus souvent associée à l'utilisation intensive et non durable d'engrais, de pesticides... ou à la culture de plantes ogm), si une maladie survient, l'agriculteur prend le risque de perdre toute sa production;

- dans un modèle agricole privilégiant les polycultures (culture de plusieurs espèces différentes comme c'est le cas en agroécologie ou en permaculture), l'agriculteur ne met pas "tous ses oeufs dans le même panier". Si une maladie survient, le plus souvent propre à une famille de plante, l'agriculteur ne perd, au pire, qu'une partie de sa production.

Imaginez l'Union européenne ou un gouvernement mondial :
 
- supprimant toujours plus nos libertés pour préserver notre sécurité... ou des intérêts étrangers à l'intérêt général (Patriot act, Loi sur le renseignement....http://www.les-crises.fr/loi-sur-le-renseignement-manuel-valls-sinspire-de-george-bush/ , etc.);
- rabaissant toujours plus les normes sociales de production (salaire minimum, dumping social, droit de grève, durée du temps de travail, etc.);
- rabaissant toujours plus les normes environnementales de production (pesticides, ogm, hormones, etc.).

Imaginez que ces décisions puissent seulement se prendre au niveau d'une nation.  

Quelle est, selon vous, la conception du monde donnant à l'humanité toute entière le plus de chances de survie ? 

Si vous doutez encore, camarades conspirationnistes, lisez ou relisez "1984", de Georges Orwell.

Christophe

lundi 13 avril 2015

Hillary Clinton : de la candidate-Système à la nausée-antiwar / Hillary Clinton : from the candidate-system at the nausea-antiwar

Source : http://www.dedefensa.org/article-de_la_candidate-syst_me_la_naus_e-antiwar_13_04_2015.html
Auteur : Philippe Grasset


Hillary Clinton candidate pour 2016, quelle non-surprise ! Tout le monde la donnait candidate et tout le monde dans les salons la voient gagnante, d’ailleurs comme en 2006-2007 où elle était déjà super-favorite et où elle perdit magnifiquement comme l'on sait. Tout cela fait partie du cirque-Système habituel, dont Hillary est un des clowns-vedette. Il faut dire que, présidente, elle comblerait nos vœux les plus chers : une femme présidente, une adepte à la fois de l’affectivisme et du déterminisme-narrativiste, extrêmement postmoderne, espérant parvenir à faire une campagne de $2,5-$3 milliards avec les donateurs qui vont bien, une extrémiste exaltée qui nous donnerait sans doute une Victoria Nuland au département d’État, – que du bonheur, comme ils disent selon une expression si complètement de la couleur des temps. (Pour avoir une mise en bouche ... Un article de Robert Parry, de ConsortiumNews, du 10 février 2014 donne une vision équilibrée de l’action diplomatique et de sécurité nationale de Clinton, – et les choses ne se sont pas améliorées depuis, avec son attitude tout au long de la crise ukrainienne. Il est aussi simple de dire qu’Hillary Clinton est une neoconaffirmée, qui ferait parfois passer GW Bush pour un modéré, et bien sûr idem pour Obama.)
... Bien, passons outre ces bruits de basse-cour. Hillary ne présente guère d’intérêt, sinon la capacité de rassembler sur son nom un certain nombre de $milliards, pour faire perdurer le désordre américaniste dans la voie dynamique où il se trouve. Beaucoup plus intéressant, cet article d'Edward Lozansky, dans Sputnik.News, le 10 avril 2015. Lozansky est un homme intéressant, Ukrainien de naissance du temps de l’URSS, études avancées à l’Institut de Moscou de Physique et d’Ingénieurerie, mis à l’index pour avoir critiqué la politique extérieure de l’URSS et s’expatriant aux USA en 1976, pour travailler à l’Université de Rochester puis à l’American University de Washington, avant de revenir en 1990 en URSS redevenue Russie pour fonder l’American University de Moscou. (Voir sa biographie.) Tout cela pour dire que Lozansky n’est pas un extrémiste et qu’il garde aussi bien un pied à Washington, avec les contacts qu’il faut, tout en travaillant à Moscou. Son texte est intitulé «Who is America's Worst Enemy?».
• ... Et la réponse est étonnante, dans tous les cas pour les républicains : «Ironically, in a recent poll, over a third of the Republican Party members named none other than US President Barak Obama as the biggest threat to America.» Effectivement, un sondage réalisé par Reuters/Ipsos, et dont les résultats ont été communiqués le 31 mars 2015 (reprise dans Business Insider), donne chez les républicains Obama comme première “menace imminente” pour les USA, très loin devant Poutine (25%) et Assad (23%).
«A Reuters/Ipsos online poll this month asked 2,809 Americans to rate how much of a threat a list of countries, organizations and individuals posed to the United States on a scale of 1 to 5, with one being no threat and 5 being an imminent threat. The poll showed 34 percent of Republicans ranked Obama as an imminent threat, ahead of Putin (25 percent), who has been accused of aggression in the Ukraine, and Assad (23 percent). Western governments have alleged that Assad used chlorine gas and barrel bombs on his own citizens...
»Given the level of polarization in American politics the results are not that surprising, said Barry Glassner, a sociologist and author of “The Culture of Fear: Why Americans are afraid of the wrong things.” “There tends to be a lot of demonizing of the person who is in the office,” Glassner said, adding that “fear mongering” by the Republican and Democratic parties would be a mainstay of the U.S. 2016 presidential campaign...»
Il n’est pas assuré que nous soyons de l’avis de Mr. Glassner. Même pour des républicains, faire du président des USA la première “menace imminente”, à près de 10% devant un Poutine après le torrent de diabolisation et d’accusations antirusses de ces douze derniers mois, constitue un cas exceptionnel qui révèle une rupture complète, non pas entre les deux partis (c’est une évidence sans grande importance), mais dans le cœur même du sentiment nationaliste de patriotisme, et de l’affirmation d’exceptionnalisme qui ont toujours caractérisé l’attitude civique aux USA, et ceci et cela favorisés jusqu’à l’outrance d’une constante mise en condition par le système de la communication. Ce n’est pas de “polarisation” entre deux partis qui sont comme les deux ailes d’un “parti unique” qu’il faut parler, c’est d’une dissolution explosive du sentiment de fierté collective de la conscience de la citoyenneté américaine, et donc un danger majeur pour le système de l’américanisme ; en effet, ce sentiment de “fierté collective” fut le plus souvent l’effet d’un effort constant de manufacture du système de la communication pour tenir unie une fédération (les USA) qui ne l’était guère, et sa dissolution serait, – est un échec particulièrement grave, troublant et gros d’une instabilité redoutable.
• Là-dessus, après l’introduction qu’on a lue, Lozansky passe en revue la politique extérieure d’Obama dans la mesure où c’est sur ce point, selon lui, que les républicains devront en priorité affronter le candidat démocrate, – fort probablement, la candidate Hillary ... Et le mot qui résonne aujourd’hui parmi les élus républicains, ou plutôt l’expression est celle de “chaos total”, où les USA ne sont plus capables, par leur propre faute, de reconnaître qui est leur ami, qui est leur ennemi, qui est leur allié et qui est leur adversaire ...
«“Total chaos" is how many Congress members, Republicans and Democrats alike, most often describe the current situation in the Middle East. The media seem to concur. In this chaos neither politicians, nor generals, nor yet even the wisest military analysts can confidently say who is a friend and ally, and who is the enemy. It just so happens that one of America's certain enemies, Iran, is helping us in the fight against the Islamic State, while at the same time supporting the leadership of Syria and Shiite rebels in Yemen who have overthrown pro-US President Abd Rabbuh Mansur Hadi...[...]
»In the recent talks on Iran's nuclear problem it was our top enemy Russia who was a key and a constructive player without whom the problem simply cannot be solved. Even US State Department spokesperson Marie Harf said that Russia played an important role in reaching the framework agreement with Iran. All of this is unfolding against the backdrop of tough sanctions imposed on Russia. With these, Obama hopes to destroy Russia's economy and achieve a change in leadership. Yet these policies have failed to achieve any of these goals. Besides, some European countries are beginning to protest against the sanctions – which hurt their own economies, not just Russia’s.»
... Tout cela conduit à un constat paradoxal que fait Lozansky. Alors que Washington retentit de cris guerriers, de proclamations de guerre totale, de dénonciations furieuses, semble apparaître une sorte de mouvement de lassitude extrême, avec l’impérieuse idée qu’il est vraiment nécessaire de changer quelque chose à cet immense bordel. Le paradoxe est que ce qu’on pourrait désigner comme une “nausée-antiguerre” se manifeste chez des républicains, où l’on trouve pourtant, avec les McCain, Graham & Cie, les plus acharnés paranoïaques-bellicistes qui se puissent manufacturer aux normes du Système.
«In short, the problems are snowballing, and it looks like some people in Washington have started to search for better ideas. Last week in Congress, where until recently anti-Russia resolutions were churned out one after another, one of the most prestigious Senate halls was lent to US “dissidents” who explained in so many words to those present that the White House Russia policy was all wrong. Dana Rohrabacher, a Congressman from California, and Ronald Reagan’s speechwriter, stated clearly that instead of fomenting anti-Russian hysteria, Obama would do well to start talking to Putin at once, find a diplomatic solution to the Ukraine crisis, and reach an agreement on joint operations to fight radical Islam.
»Other prominent political observers, journalists and even former CIA and Pentagon analysts also criticized the White House policies and their own colleagues. It was said that these policies were dangerous and detrimental to the United States itself, as they could cause direct military confrontation with Russia, not excepting nuclear strikes.
»Characteristically, during a recent voting on lethal weapons deliveries to Ukraine, as many as 48 Congressmen spoke out against such deliveries. Previously, such voices were few and far between. Obviously, this is far from a substantial opposition as yet, but the tendency is there all right. According to information from reliable sources, a fairly influential group of Republicans is soon to make public its view of cardinal changes in US foreign policy. Russia will be offered certain compromise options for settling the Ukrainian crisis in exchange for support in the fight against terrorist threats. The names of those potential presidential candidates who will dare voice these ideas are not being disclosed now, as it takes considerable courage to do that. Yet the one who will risk it will most likely earn quite a few political points.
»America is weary of its endless wars, and a war with Russia is the last thing anyone might want. It is the time for Obama instead of sabotaging the upcoming celebrations of our joint victory over Nazi Germany in WWII to make a phone call to Putin with the offer of a reasonable compromise on Ukraine. This would not only highly benefit both our nations and mankind but undoubtedly would also boost Obama’s legacy which is presently based on a very shaky ground.»
Il s’agit là un bien curieux développement, qui témoigne dans tous les cas d’une confusion extraordinaire du pouvoir, – de ce qu’il en reste, à Washington D.C. L’explication, certes, on la connaît par rapport à ce que nous estimons de la situation générale, qui est la surpuissance aveugle de la politique-Système qui emporte les USA, avec le reste du bloc BAO avec plus ou moins d’entrain. Cette politique-Système n’a aucun sens sinon celui, nihiliste, de la déstructuration-dissolution pour conduire à l’autodestruction, – et quoi de plus simple, comme explication de la situation générale ... Par contre, les conséquences, au niveau des attitudes et des comportements humains dans le cours de cette politique qu’ils croient de moins en moins conduire, sont d’une complexité extrême. Alors, les paradoxes ne manquent pas.
... C’en serait un, en effet, et de taille, si quelque chose se dessinait au sein du parti républicain pour dégager une critique anti-guerre de la probable candidate démocrate, la sémillante Hillary adorée de tous les salons, et qui a les yeux étincelantes de la guerrière au nom d’une politique toute entière emprisonnée dans l’affectivisme qui parvient, seul, à faire avaler les pilules successives de la politique-Système. Après tout, c’est Hillary, exultant à l’image d’un BHL ou d’une Christine Ockrent, qui s’exclamait devant la vidéo montrant le corps lynché, déchiqueté, empalé de Kadhafi «We came, we saw, he died», – cela avant qu’on lui passât, à elle Hillary, les petits fours pour la dégustation. Il n’est pas sûr que ce qui reste de cet épouvantable spasme de ruines sanglantes qu’est la Libye apprécie les petits fours aujourd’hui. Et voilà que certains, à Washington, découvrent la nausée, à leur tour, et qu’éventuellement cette nausée pourrait être un bon investissement électoral.
Il est certain qu’Obama a réussi à rassembler sur son nom une fantastique désunion du monde politique et des électeurs les plus engagés. Il n’est pas sûr que le racisme explique tout, et nous verrions même cet argument pour salon de thé ettalk-shows n’être qu’une façade émotive et de convenance. (Après tout, pour les Africains-Américains également, BHO est “le pire président des USA depuis 1945” [au moins].) Le phénomène intéressant est que cet dissolution antagoniste du sentiment collectif a tendance à se manifester principalement sur la politique étrangère, où Obama fait pour l’essentiel, ou laisse faire (absence de contrôle) la politique que réclament les extrémistes républicains. Cette tendance est nécessairement le moteur de l’activisme d’Hillary, qui en est complètement la prisonnière. Par conséquent les tactiques électorales peuvent conduire à des contrepieds, des perspectives à front renversé, etc., avec des situations d’une extrême originalité. Il ne s’agirait que d’un tribut justifié rendu au désordre illimité qui règne à Washington, de façon à ce que ce désordre ne soit pas en vain.
Quoi qu’il en soit, nous serions tentés, selon notre sentiment courant, de ne pas mettre trop d’espoir dans un tel mouvement, qui demande une capacité de rassemblement et un courage hors du commun par rapport à la terrorisation des psychologies qu’exerce le Système. (Lozansky lui-même parle de “courage” : «The names of those potential presidential candidates who will dare voice these ideas are not being disclosed now, as it takes considerable courage to do that.») Mais peut-être le désordre parviendrait-il à accoucher du contraire de ce qu’il tend à diffuser, dans un mouvement classique de “coup de fouet en retour” (la CIA, qui a l’habitude, dit “blowback”), – peut-être les psychologies parviendraient-elles effectivement à susciter indirectement un réflexe de rejet à partir de la nausée signalée dans ces remarques... Cela conduit enfin à observer que l’appréciation hypothétique la plus significative qu’on peut présenter à propos de ce rassemblement et des supputations que fait Lozansky, c’est effectivement que l’ensemble washingtonien est en train d’arriver à un point de saturation de son propre désordre ; comme si le désordre lui-même finissait par avoir la nausée de tout ce désordre...

Mis en ligne le 13 avril 2015 à 14H29

dimanche 12 avril 2015

Les USA ont cinq ans pour mettre la Russie à genoux, sinon ils sortiront de l’Histoire, et ils le savent / The USA have five years to force to kneel down Russia, otherwise they will go out of the History, and they know it


Par Alexander Chuikov – Le 9 avril 2015

Source : http://lesakerfrancophone.net/interview-dun-ancien-analyste-russe-des-services-du-renseignement-exterieur/

JACQUES LACAN : LE RÉEL ÇA COGNE

Interview d’un ancien analyste russe des services du renseignement extérieur

Dans la banlieue nord de Moscou, sous la protection sûre des Troupes de l’intérieur, se trouve discrètement un ancien Institut secret du Service russe du renseignement extérieur (SVR). Aujourd’hui, au-dessus de la porte d’entrée, on peut lire, écrit en lettres d’or : Institut russe d’études stratégiques. Mais le nom pacifique ne saurait tromper celui qui est au courant que plus de deux cents employés sont en train de forger ici le bouclier analytique de la patrie.


Lieutenant-général Leonid Rechetnikov
Y aura-t-il une nouvelle guerre dans le Sud-Est de l’Ukraine ? Qui est derrière le président des États-Unis ? Pourquoi nombre de nos responsables peuvent-ils être appelés agents idéologiques d’influence? En pesant chacun de ses mot, comme d’habitude, le directeur de l’Institut, le lieutenant-général à la retraite Leonid Rechetnikov, répond à ces questions, et à d’autres.


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– Vous aviez un patron important, le SVR. Pourquoi avez-vous été subitement déclassifié ?

– En effet, nous étions un institut de renseignement extérieur classé, voué à l’analyse de l’information disponible sur l’étranger proche et lointain. Non seulement les services de renseignement, mais aussi les structures qui définissent la politique étrangère du pays ont besoin d’information. C’est assez curieux, mais dans l’administration présidentielle russe (AP), de tels centres d’analyse sérieux n’existaient pas. Il y avait bien une foule d’institutions, qui se résumaient au directeur, à une secrétaire et à l’épouse du directeur pour servir d’analystes. L’AP manquait de véritables professionnels, et la communauté du renseignement devait fournir certains des siens.

Aujourd’hui, notre fondateur est le président de la Russie, et toutes les demandes de recherche gouvernementales sont signées par le chef de l’Administration, Sergei Ivanov.

– Combien vous demande-t-on d’analyses ? Nous sommes en effet, un pays de paperasses, tout le monde écrit beaucoup, mais est-ce que cela a un impact sur le résultat final?

– Quelquefois, nous voyons des actions qui entrent en résonance avec nos notes d’analyse. Parfois, c’est surprenant, vous exprimez certaines idées, qui ensuite deviennent une tendance dans l’opinion publique russe. Apparemment, beaucoup d’entre elles flottent dans l’air.

– Aux États-Unis, le groupe de réflexion Stratfor et le centre de recherches stratégiques Rand Corporation font quelque chose de similaire. Lequel d’entre vous est le plus cool?

– Lorsque, après avoir été transférés à l’AP en avril 2009, nous avons rédigé une nouvelle charte pour l’Institut, on nous a dit, comme un souhait, que nous devrions suivre leur exemple. J’ai alors pensé : «Si vous nous financez, comme Stratfor ou la Rand Corporation le sont, alors nous ferions honte à tous ces cercles de réflexion étrangers.» Après tout, les analystes russes sont les plus forts au monde. Tout spécialement les experts régionaux, qui ont plus de cerveaux à l’esprit frais et objectif. Je peux en parler avec confiance, après tout j’ai produit des analyses pendant 33 ans, d’abord dans la Première direction générale du KGB (FCD), puis dans le Service russe du renseignement extérieur.

Ô ONG, où nous mènes-tu ?  (Ô Brother Where Art Thou)

– Il est bien connu que la Rand Corporation avait développé un plan pour l’opération anti-terroriste de l’Ukraine dans le Sud-Est du pays. Est-ce que votre institut a produit des informations sur l’Ukraine, la Crimée en particulier?

– Évidemment. A la base, seuls deux instituts avaient travaillé sur l’Ukraine: le RISS et l’Institut de Konstantin Zatulin des pays de la CEI. Depuis la fondation, nous avions écrit des rapports analytiques sur la croissance de sentiments antirusses en Ukraine continentale et le renforcement de sentiments pro-russes en Crimée. Nous avions analysé l’activité des autorités ukrainiennes. Mais nous ne produisions pas d’informations alarmistes, du genre tout est perdu, nous attirions plutôt l’attention sur la montée du problème.

Nous avons suggéré d’améliorer significativement le travail des organisations non gouvernementales (ONG) pro-russes, et de renforcer, comme on dit aujourd’hui, la pression de la politique du soft power.

– Avec un ambassadeur comme Zurabov [l’ambassadeur russe en Ukraine, NdT], nous n’avons pas besoin d’ennemis!

– Les activités de toute ambassade et de tout ambassadeur sont limitées par une multitude de contraintes. Si quelqu’un les outrepassait, il y aurait un scandale. De plus, le manque de personnel professionnel est un vrai problème en Russie. Et pas seulement dans le champ diplomatique. Les services publics sont amoindris, pour ainsi dire, il y a très peu de gens vraiment motivés.

On ne se méfie pas suffisamment du rôle des ONG. Un exemple frappant, ce sont les révolutions de couleur, fomentées par des organisations non gouvernementales étrangères, en particulier américaines [et allemandes, NdT]. C’était le cas en Ukraine. Malheureusement, actuellement on n’accorde pas d’attention à la création et au soutien de telles organisations, qui agiraient dans notre intérêt. Et si elles existaient, elles remplaceraient dix ambassades et dix ambassadeurs, même très intelligents. Maintenant, la situation a commencé à changer après que le président a donné des instructions directes. Plaise à Dieu que les subordonnés ne fassent pas la sourde oreille à ce développement.

Que faire s’il y a une guerre demain?

– A votre avis, comment la situation va-t-elle évoluer en Novorussie au printemps et en été? Est-ce qu’il y aura une nouvelle campagne militaire?

– Hélas, la probabilité en est très forte. Il y a un an, l’idée de la fédéralisation de l’Ukraine était plausible. Mais maintenant Kiev n’a besoin que de la guerre, que d’un État unitaire. Cela pour plusieurs raisons. La principale est que ces gens idéologiquement antirusses ont été portés à la tête du pays, ce ne sont pas seulement des subordonnés de Washington, ils sont littéralement stipendiés par les forces qui se cachent derrière le gouvernement états-unien.

– Et que veut ce célèbre gouvernement mondial occulte ?

– Il est plus facile de dire ce qu’ils ne veulent pas: ils ne veulent pas une Ukraine fédérale, elle serait trop difficile à contrôler. Ils ne pourraient pas déployer leurs bases militaires et un nouveau système de défense anti-missile selon leurs plans. A partir de Lugansk et Kharkov, les missiles tactiques de croisière peuvent atteindre le Trans-Oural, où sont placées nos principales forces de dissuasion nucléaires. Avec une probabilité de 100%, elles seraient en mesure de frapper les missiles balistiques enterrés dans des silos et les missiles mobiles au moment du décollage [et réussir ainsi une première frappe paralysante, NdT]. Actuellement, cette zone n’est pas accessible depuis les lieux occupés par les bases de l’US Army: la Pologne, la Turquie, l’Asie du Sud-Est. C’est l’objectif principal. En plus, les États-Unis combattront pour le Donbass jusqu’au dernier Ukrainien.

– Autrement dit, les champs de gaz de schiste qui sont dans la zone n’ont pas vraiment d’importance?

– Le principal objectif stratégique est une Ukraine unitaire sous leur contrôle total pour combattre la Russie. Le gaz de schiste, ou les terres arables sont seulement un bonus sympathique. Des gains collatéraux. Plus un coup sérieux à notre industrie de défense à cause de la rupture des relations entre l’Ukraine et la Russie. C’est déjà fait.

– Donc nous avons été dominés, ce fils de pute de Ianoukovitch a dû être évacué avec l’aide des forces spéciales et Washington a installé ses propres fils de pute, c’est ça?

– D’un point de vue stratégique militaire, bien sûr, nous avons été dominés. La Russie a eu la Crimée en compensation. Et une autre compensation est la résistance des habitants du Sud-Est de l’Ukraine. Mais l’ennemi a déjà obtenu un vaste territoire qui faisait autrefois partie de l’Union soviétique et de l’Empire russe.

– Que verrons-nous cette année en Ukraine?

– Un processus de semi-décomposition ou même de décomposition complète. Pour le moment, beaucoup côtoient tranquillement la présence du véritable nazisme. Mais les gens qui comprennent que l’Ukraine et la Russie sont solidement reliées n’ont pas encore eu leur mot à dire. Ni à Odessa ou Kharkov, ni à Zaporozhye, ni à Chernigov. Le silence n’est pas éternel. Et le couvercle de la chaudière va inévitablement exploser.

– Et comment vont se développer les relations entre la Novorussie et le reste de l’Ukraine?

– Il y a un scénario improbable genre Transnistrie. Mais je n’y crois pas – le territoire de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lugansk est beaucoup plus grand, des millions de gens ont été entraînés dans la guerre. La Russie est en mesure de convaincre les chefs de la milice de maintenir un répit temporaire et une trêve. Mais c’est en effet temporaire. Il n’y a pas de discussion à propos d’un retour quelconque de la Novorussie en Ukraine. Les gens du Sud-Est ne veulent pas être des Ukrainiens.

– Puisque notre pays a déjà été isolé par la communauté internationale à cause de l’annexion de la Crimée, pourquoi ne pas jouer le tout pour le jour dans le Sud-Est? N’est-ce pas hypocrite ?

– A mon avis, c’est trop tôt. Nous sous-estimons la conscience de notre président, qui sait que certains processus protégés des regards indiscrets sont actuellement en cours en Europe. Ils nous donnent l’espoir que nous aurons les méthodes et les moyens qui nous permettront de défendre nos intérêts.

Un front sans ligne de front

– Au milieu des flots d’informations associés à l’Ukraine, nous avons tendance à oublier la croissance explosive de l’extrémisme religieux en Asie centrale…

– C’est une tendance extrêmement dangereuse pour notre pays. La situation est très difficile au Tadjikistan. Le Kirghizstan est aussi instable. Mais la première attaque pourrait être dirigée contre le Turkménistan, exactement comme votre article l’a écrit. Nous l’oublions quelque peu, parce que Achgabat reste séparé. Mais cet étage peut s’effondrer en premier. Ont-ils assez de forces pour se défendre eux-mêmes? Ou devrons-nous intervenir dans un pays qui nous tient à une distance assez éloignée ? Donc c’est une zone difficile.

Ce n’est pas dû seulement à la pénétration de militants de l’État islamique dans la région. Selon des informations récentes, les États-Unis et l’Otan ne vont pas quitter l’Afghanistan et vont y conserver leurs bases. D’un point de vue militaire, cinq ou dix mille soldats qui stationnent pendant un mois peuvent être déployés pour former un groupe fort de 50 000 à 100 000 hommes.

C’est une partie d’un plan global destiné à encercler la Russie et à faire pression sur elle, un plan porté par les États-Unis pour renverser le président Poutine et diviser le pays. Un homme de la rue ordinaire peut évidemment ne pas le croire, mais les gens qui disposent de suffisamment d’informations en sont bien conscients.

– Quels seront les contours de la division?

– Au départ, ils planifient de prendre ce qui est faiblement lié. Peu importe ce qui se détachera: Kaliningrad, le Nord Caucase ou l’Extrême-Orient. Cela sera le détonateur d’un processus qui se transformera en avalanche. Cette idée n’est pas de la propagande, elle est réelle. Une telle pression de l’Ouest (l’Ukraine) et du sud (Asie centrale) ne fera que croître. En essayant de pénétrer par la porte ouest, ils testent aussi la force de la porte du sud.

– Où est notre direction stratégique la plus dangereuse?

– La direction du sud est très dangereuse. Mais jusqu’à présent, il y a des États tampons – les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. Et vers l’ouest, la guerre est déjà aux frontières. Sur notre territoire, en fait.

Ce qui se passe là-bas n’est pas un combat entre les Ukrainiens et les Russes, mais la guerre du système mondial. Certaines gens croient qu’ils sont l’Europe, alors que d’autres s’associent avec la Russie. Après tout, notre pays n’est pas seulement un territoire, mais une grande civilisation en elle-même, qui a apporté au monde ses vues sur l’ordre mondial. D’abord, bien sûr, il y avait l’Empire russe comme modèle d’une civilisation orthodoxe orientale. Les bolcheviques l’ont détruit, mais ont produit une nouvelle idée civilisationnelle. Maintenant, nous sommes arrivés très près d’un troisième paradigme. Dans cinq ou six ans, nous la verrons.

– Qu’est-ce qu’elle sera?

– Je pense que ce sera une bonne symbiose des deux précédentes. Et nos collègues assermentés [Services secrets occidentaux, NdT] en sont bien conscients. Par conséquent, l’attaque a commencé de tous côtés.

– C’est-à-dire que la lutte russo-américaine commune contre le terrorisme, en particulier avec ISIS, est une fiction ?

– Bien sûr. L’Amérique crée des terroristes, les nourrit et les entraîne, puis elle donne l’ordre à toute la bande : Attaquez! Peut-être qu’un chien fou de la bande sera tué, mais les autres seront incités encore plus activement.

Le veau d’or est toujours debout et Satan conduit le bal (Faust)

– Leonid Petrovich, je vois, vous pensez que les États-Unis et les présidents américains ne sont que des instruments. Qui alors décide la politique ?

– Il y a quelques sociétés de gens pratiquement inconnus du public qui ne se contentent pas d’installer les présidents américains au pouvoir, mais définissent les règles de tout le Grand jeu. Ce sont, en particulier, les corporations financières multinationales. Mais pas seulement elles.

Maintenant, il y a une refonte en cours du système économique et financier mondial. C’est une tentative de repenser toute la structure du capitalisme, sans l’abandonner. La politique étrangère est en train de changer de façon spectaculaire. Tout à coup, les États-Unis ont effectivement lâché Israël, leur principal allié au Moyen-Orient, au nom de l’amélioration de leurs relations avec l’Iran. Pourquoi l’Iran est-il plus nécessaire et plus important que Tel Aviv? Parce qu’il fait partie d’une ceinture qui encercle la Russie. Ces forces clandestines sont déterminées à liquider notre pays en tant qu’acteur sérieux sur la scène mondiale. Après tout, la Russie porte une alternative civilisationnelle à l’ensemble de l’Occident uni.

Surtout maintenant, alors qu’il y a une croissance explosive de sentiments anti-américains dans le monde. La Hongrie, où des forces conservatrices de droite sont au pouvoir, et les gauchistes grecs – au départ des forces diamétralement opposées – sont en fait unies et ont résisté aux diktats des États-Unis sur le Vieux continent. Il y a des gens prêts à résister en Italie, en Autriche, en France, et ainsi de suite. Si la Russie émerge cette fois-ci, des processus vont démarrer en Europe qui seront défavorables aux forces qui aspirent à la domination mondiale. Et elles le comprennent parfaitement.

– Certains dirigeants européens se sont déjà plaints que les sanctions états-uniennes leur avaient été littéralement imposées. Est-ce que l’Europe peut échapper à l’étreinte amicale des États-Unis ?

– Jamais. L’Amérique la tient solidement par un certain nombre de chaînes: la planche à billets de la Fed, la menace de révolutions de couleur et l’élimination physique de politiciens indésirables.

– Est-ce que vous n’exagérez pas avec l’élimination physique?

– Pas du tout. L’Agence centrale du renseignement des États-Unis, la CIA – même en termes de tâches – n’est pas un service de renseignement. Le KGB, le FCD ou le SVR sont des services de renseignement classiques: pour recueillir des informations et les transmettre à la direction du pays. Pour la CIA, ces attributs traditionnels du renseignement sont tout en bas de sa liste de tâches. Mais sa principale est l’élimination, y compris physique, de dirigeants politiques et l’organisation de coups d’État. Et ils le font en temps réel.

Après le naufrage du sous-marin Koursk, le directeur de la CIA George Tenet s’est envolé pour la Russie depuis la Roumanie. J’étais chargé de le rencontrer à l’aéroport. Pendant un long moment, Tenet n’est pas sorti de l’avion, mais ensuite la rampe était ouverte et j’ai pu regarder l’intérieur de son Hercules. C’était un poste de commande volant, un centre informatique opérationnel, bourré d’équipements et de systèmes de communication qui peuvent surveiller et simuler des situations dans le monde entier. La délégation qui l’accompagnait comptait vingt personnes. Alors que nous avions l’habitude de voler, et encore aujourd’hui, sur des vols réguliers en groupes de deux à cinq personnes. Comme ils disent, sentez la différence.

– A propos des services de renseignements. Il y a eu de nouveau des discussions sur l’idée de restaurer les services de renseignements russes unis en combinant le SVR et le FSB. Quel est votre avis ?

– Extrêmement négatif. Si nous combinons les deux services de renseignement – le renseignement extérieur et le contre-espionnage – alors de deux sources d’information pour la tête de la direction du pays, nous en faisons une seule. Alors l’homme qui commande ce printemps de l’information en aura le monopole. Il peut être manipulé pour atteindre un certain objectif. Dans le KGB, de telles manipulations de l’information étaient évidentes même pour le capitaine Rechetnikov. Pour un président, un roi ou un Premier ministre – ce que vous appelez le plus haut responsable – il est avantageux d’avoir plusieurs sources de renseignements indépendantes. Sinon, il devient l’otage du chef d’une structure particulière ou de la structure elle-même. C’est très dangereux.

Les auteurs de cette idée pensent qu’avec une telle unification, nous nous renforçons, mais en fait, nous nous mettons nous-mêmes en danger.

Quelqu’un est-il condamné ?

– Passons du complot mondial à nos moutons. Comment distinguer le responsable qui ne sait pas ce qu’il fait, d’un agent d’influence qui agit en toute conscience ?

– Il n’y a vraiment pas autant d’agents d’influence de niveau important dans le monde qu’on pourrait le penser. Prendre ou ne pas prendre des décisions stratégiques sérieuses, contraires aux intérêts de son pays, est principalement le fait, pour ainsi dire, d’agents idéologiques. Ce sont ces responsables russes qui se sont trouvés eux-mêmes à occuper un poste de haut rang dans notre gouvernement, mais leur âme est avec l’Occident. Ils n’ont pas à être recrutés comme informateurs ou pour leur donner des ordres. Pour ces gens, tout ce qui est fait là-bas dehors représente les plus hautes réalisations de la civilisation. Et les choses qui sont ici font partie de la Russie malpropre. Ils n’associent pas l’avenir de leurs enfants à ce pays, et ils les envoient étudier à l’étranger. C’est un signe plus important que les comptes dans les banques occidentales. Ces camarades n’aiment pas la Russie de tout leur cœur, indépendamment du fait que le développement de la Russie est ce qu’ils sont chargés d’administrer.

– C’est précisément ainsi que vous avez brossé le portrait de quelques-uns de nos ministres. Comment parviendrons-nous à franchir 2015 avec eux ?

– Avec ou sans eux, l’année sera difficile. Très probablement, la suivante ne sera pas plus facile. Mais ensuite, nous entamerons la marche confiante de la nouvelle Russie.

Leonid Reshetnikov. Né le 6 février 1947 à Potsdam (RDA) dans une famille de militaires. Il est diplômé de la faculté d’Histoire de l’Université d’État de Kharkov et titulaire d’un doctorat de l’Université de Sofia (Bulgarie). De 1974 à 1975, il a travaillé à l’Institut du système économique socialiste mondial de l’Académie des sciences de l’URSS. D’avril 1976 à avril 2009, il a travaillé dans les unités d’analyse du renseignement extérieur. Son dernier poste a été celui de chef du Département d’information et d’analyse du Service russe du renseignement extérieur, membre du conseil de direction du SVR, lieutenant général. En avril 2009, il a été mis à la retraite pour avoir atteint l’âge limite pour le service militaire. Membre du Conseil de recherche du Conseil de sécurité russe. Il parle couramment le serbe et le bulgare, il peut communiquer en grec. Décoré de distinctions d’État (Ordre du courage, Ordre de l’honneur), de distinctions de l’Église orthodoxe russe (Ordre du Saint Prince Daniel de Moscou, Ordre du Saint prince Dmitry Donskoy), ainsi que de médailles et de signes honorifiques.

Article original – Traduit du russe à l’anglais par « D »

Traduit de l’anglais par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone

jeudi 9 avril 2015

L'abstention ou le vote blanc contre le FN et la pédagogie de la catastrophe / The abstention or the blank vote against the FN and the pedagogy of the disaster


Source : http://www.christophevieren.fr/2015/04/l-abstention-ou-le-vote-blanc-contre-le-fn-et-la-pedagogie-de-la-catastrophe.html
1 Avril 2015 , Rédigé par Christophe Vieren
Petite analyse des scores du FN au 1er tour des départementales 2015 dans les cantons de municipalités FN ou ex-FN par comparaison avec son score au niveau national.
L'abstention ou le vote blanc contre le FN et la pédagogie de la catastrophe
Un ami ayant le choix entre un FN (la peste ?) et un UMP (le choléra ?) au 2cd tour des départementales 2015 me dit avoir voté blanc. Je lui fais tout d'abord remarquer qu'il subsiste tout de même une différence de gravité dans ces deux maladies.
Pour ne prendre qu'un exemple récent; je l'informais que, le 17 mars, 24 députés européens français avaient voté contre une loi favorable à l'avortement et à la contraception. Sur ces 24 députés, il y avait 23 députés FN (Le Pen père étant absent) et UN député UMP (Hortefeux, qui s'est ensuite rétracté). (Voir ICI)
Je ne reviens pas sur des différences telles les sorties de l'Euro et de l'UE ou d'autres bien plus incompatibles avec nos valeurs humanistes et de démocrates communes.
Il me rétorqua alors qu'une fois le FN aux affaires, les français s'apercevront qu'il fait pire que l'UMP et le PS et qu'on ne les y reprendrait pas deux fois. Rajoutant même que cela les inciterait à voter, par retour de balancier, de l'autre côté de l'échiquier politique.
Petit retour vers le passé
Certes le FN de Le Pen n'est pas le NSDAP d'Hitler. Cependant il y a tout de même de grosses ressemblances. Et comme c'était il y a 80 ans, je me permets de rappeler qu'Hitler est devenu chancelier on ne peut plus démocratiquement et qu'il a ensuite éliminé physiquement ses opposants, les communistes, les syndicalistes et les intellectuels prioritairement, avant de transformer l'Allemagne en dictature. On connait la suite : stigmatisation puis élimination de minorités (juifs, handicapés, roms, homosexuels, ...). 80 millions de morts ! Je referme la parenthèse, comparaison n'étant pas raison.
Revenons en France en 2015.
La pédagogie de la catastrophe et le retour de balancier
Théorie : lorsque des personnes subissent une catastrophe, ils ont tendance à prendre des mesures pour se sur-protéger vis-à vis de ce type de catastrophe. Ainsi, quelqu'un qui s'est déjà fait cambrioler aura tendance à mieux protéger sa résidence. Humain, non ?.
Et en matière d'élus FN à la tête d'exécutifs divers, ça marche ? Voyons voir les faits.
Le FN a déjà dirigé cinq villes (1983 à 2008) et en dirige douze depuis 2014 (10 maires FN + 2 soutenus par le FN).
Dans les 17 cantons que comptent les 12 municipalités dirigées depuis 2014 par un maire FN ou adoubé par ce dernier, le FN conforte ses scores des municipales de 2014, dépassant de 12 points (Marseille-7e et Mantes-la-Ville) à 35 points (Hénin-Beaumont-2e) son score national(25,24 %) !
On va me dire, oui, bon, c'est encore frais, ils avancent masqués, ils préparent les présidentielles/législatives de 2017, . . . . Admettons ! Cela ne change cependant rien à l'enjeu.
Concernant les 5 villes qu'il a dirigées depuis 1983, il y a un seul canton sur les 8 (Dreux-2e) où son score est inférieur (-4 pts) à la moyenne nationalePartout ailleurs il dépasse son score national de 4 (Orange) à 17 pts (Vitrolles) !
Et là, c'est quoi la raison ? Ils ont avancé masqués durant 6 ans, voire 12 ans ou plus ? C'est trop ancien, nos concitoyens ont déjà oublié ? Pas terrible comme vaccin !
Dans un cas comme dans l'autre, le retour de balancier, se fait attendre. Non ?
Ci-dessous, une comparaison des scores réalisés par le FN aux municipales 2014 et aux départementales 2015.
Le FN augmente son score dans toutes ces municipalités
L'abstention ou le vote blanc contre le FN et la pédagogie de la catastrophe
La seule commune où le score baisse est lié au fait qu'il y avait, au premier tour de l'élection départementale 2015, une liste FN (29,13%) et une liste Extrème droite (30,81%) menée par le maire, ex-FN. Le total des deux listes (59,94%) augmente sensiblement relativement à celui du maire à l'élection municipale de 2014 (59,82%) pour laquelle il été soutenu par le FN qui n'y présentait pas de liste !
__________________________
Ci-dessous, les résultats détaillés des premier et deuxième tours des départementales 2015.
Note : La première colonne représente les scores sur le territoire communal, la 2e sur le canton. La première ligne la listes arrivée en tête, la 2e ligne le second, au 1er comme au 2e tour.
Beaucaire
1er tour : FN 53,68 % 49,28 %
2e tour : FN 59,70 % 55,10 % (arrivé 2e : Divers Gauche 13,48 % 22,49 %)
Cogolin
1er tour FN 53,31 % 43,15 % (2e : Union de la Droite 19,49 % 32,02 %)
2e tour : Union de la Droite 42,88 % 53,03 % Elu (en 2e : FN 57,12 % 46,97 %)
Fréjus : FN élu au 1er tour avec 51,17 %
Hayange
1er tour : FN 47,98 % 39,39 %
2e tour : PS 46,67 % 54,70 % Elu (2e : FN 53,33 % 45,30 %)
Hénin-Beaumont (2 cantons, Pas-de-calais)
1er tour
1er canton : FN 55,04 % 46,15 %
2e canton : FN 60,77 % 49,44 % Ballotage
2e tour : FN élu
1er canton : FN 61,78 % 51,84 % (2e : PS 38,22 % 48,16 %)
2e canton : FN 65,21 % 53,78 % (2e : Divers gauche 34,79 % 46,22 %)
Le Luc
1er tour : FN 50,65 % 44,92 % Ballotage
(2e : Union de la Droite 35,39 % 38,02 %)
2e tour : Union de la Droite 47,22 % 52,96 % Elu (2e : FN 52,78 % 47,04 %)
Le pontet : FN élu au 1er tour avec 58,24 % 53,70 %
(2e : UMP 25,86 % 24,79 % ; 3e : Front de Gauche 15,90 % 21,52 %)
Mantes la Ville
1er tour : Union de la Droite 26,88 % 35,01 % Ballotage (2e : FN 37,21 % 28,92 %)
2e tour : Union de la Droite 56,08 % 66,61 % Elu (2e : FN 43,92 % 33,39 %)
Marseille-7e
1er tour : FN 37,34 % 37,34 % Ballotage (2e : Union de la Droite 31,60 % 31,60 %)
2e tour : Union de la Droite 58,21 % 58,21 % Elu (2e : FN 41,79 % 41,79 %)
Villers Cotterêts
1er tour : FN 48,09 % 44,80 % Ballotage (2e : UMP 12,58 % 23,02 %)
2e tour : FN 56,60 % 51,89 % Elu (2e : UMP 43,40 % 48,11 %)
Béziers (3 cantons)
1er tour
1er : FN 46,41 % 44,12 % Ballotage (2e : PS 23,93 % 25,00 %)
2e : FN 46,59 % 45,74 % Ballotage (2e : Union de la droite 20,18 % 21,17 %)
3e : FN 47,19 % 46,86 % Ballotage (2e : Union de la gauche 21,69 % 21,72 %)
2e tour :
1er : FN 54,77 % 54,60 % Elu (2e : PS 45,23 %45,40 %
2e : FN 54,54 % 54,14 % Elu (2e : Union de la Droite 46,59 % 45,74 %:
3e : FN 58,30 % 59,18 % Elu (2e : Union de la Gauche 41,7 % 40,82 %
Camaret-sur-Aigues
1er tour : PS 25,03 % 37,25 % Ballotage (2e : FN 51,55 % 29,91 %)
2e tour : PS 27,28 % 40,82 % Elu (2e : FN 54,85 % 32,76 % ; 3e : UMP 17,88 % 26,42 %)
On va me dire, oui, bon, c'est encore frais, ils avancent masqués, ils préparent les présidentielles/législatives de 2017. C'est possible ! À Béziers le masque ressemble cependant plutôt à un voile.
Anciennes municipalités FN
Voyons maintenant les résultats du 2e tour des élections départementales de 2015 dans les villes que le FN a dirigées antérieurement.
Note : La première colonne représente les scores sur le territoire communal, la 2e sur le canton
Dreux (Eure-et Loire, 32 000 h)
1er tour
1er : FN 33,45% 32,12% (2e : Union de la Droite 31,91 % 30,83%):
2e : FN 21,00 % 27,19 % (2e : UMP 34,70 % 32,59 %)
2e tour
1er : Union de la Droite 61,06 % 61,27 % Elu (2e FN 38,94 % 38,73 %):
2e : UMP 74,11 % 67,13 % Elu (2e : FN 25,89 % 32,87 %)
Orange (Vaucluse, 30 000 h)
1er tour FN 29,13% 31,61% Ballotage (2e : Extrême droite 30,81% 26,98%)
2e tour : Extrême droite 52,90 % 50,03 % Elu (2e : FN 47,10 % 49,97 %)
Marignane (Bouches-du-Rhône, 33 000 h).
1er tour : FN 30,87% 37,30% (2e : Union de la Droite 51,21% 35,03%)
2e tour : Union de la Droite 59,81 % 56,21 % Elu (2e : FN 40,19 % 43,79 %)
Toulon (3 cantons, 168 000 h, Var).
1er tour
1er : Union de la Droite 44,35 % 44,35 % (2e : FN 36,08 % 36,08 %)
2e : Union de la Droite 45,53 % 45,53 % (2e : FN 35,17 % 35,17 %)
3
e : Union de la Droite 45,82 % 42,18 % (2e : FN 32,55 % 35,89 %)
2e tour
1er : Union de la Droite 62,52 % 62,52 % (2e : FN 37,48 % 37,48 %)
2e : Union de la Droite 62,29 % 62,29 % (2e : FN 37,71 % 37,71 %
3e : Union de la Droite 65,66 % 61,39 % (2e : FN 34,34 % 38,61 %
Vitrolles (Bouches-du-Rhônes, 37 000 h)
1er tour : FN 42,64% 36,51% (2e : Union de la Droite 16,08% 30,70%)
2e tour : Union de la Droite 51,9 % 58,95 % Elu (2e : FN 48,1 % 41,05 %)
Sources (y voir les courbes représentant l'évolution des votes FN sur ces cantons) :
Canton de Dreux Canton d'OrangeCanton de MarignaneCanton de Toulon, Canton de Vitrolles.
Et là, c'est quoi la raison ? Ils ont avancé masqués durant 6 ans, voire 12 ans ? C'est trop ancien, nos concitoyens ont oublié ! Déjà ? Pas terrible comme vaccin !
Dans un cas comme dans l'autre, le retour de balancier, se fait attendre. Non ?
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Ce sont les musulmans, les juifs, ou les deux qui amènent la merde en France ?

8 Février 2015 , Rédigé par Christophe VierenPublié dans #Prejuges_et_stigmatisation
   D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité, sinon des juifs ? On le dit, ça ? Eh bien moi, je le dis ! Je rêve ou quoi ? C’est ça notre problème actuellement, ce sont les juifs qui mettent en cause la laïcité ! Ce sont les juifs qui amènent la merde en France aujourd’hui !
   Avoue que, si tu me connais un tant soit peu, tu te demandes : il déconne ou quoi ?
   En tout cas tu te dis : ouh, la, la, il est fou ? Y en a qui ont été condamnés pour moins que cela. Y a même un humoriste qui a été condamné maintes fois pour ce genre de propos depuis qu'il a eu la mauvaise idée de faire ce sketch dans lequel il caricature un colon extrémiste israélien(France3, 2003). Ses spectacles ont même été interdits en 2014 au motif qu'ils présentaient un risque de trouble à l'ordre public. Y a un autre humoriste qui s'appelait Siné, qui même si il a gagné son procès, a été viré pour antisémitisme d'un journal satirique dirigé par un certain Philippe Val (oui, celui qui par la suite, devenu directeur de France-Inter, a fait virer Stéphane Guillon et Didier Porte). Le nom de ce journal satirique où tout est permis ? Charlie Hebdo, oui, oui, Charlie Hebdo. Celui qui revendique une liberté d'expression absolue. Charlie Hebdo, ce journal très drôle où l'on peut ainsi représenter un musulman (un arabe ?) avec une bombe dans le turban (voir ICI, image de droite). Ce journal très drôle où l'on peut représenter Ali - un juif certainement ! - assis sur un pouf avec cette bulle hilarante : " Le Coran ne dit pas si il faut faire quelque chose pour avoir 30 ans de chômage et d'alloc " (voir ICI). Ce journal très fin qui surmonte du texte suivant un dessin de merde (je précise : ce n'est pas le dessin que je qualifie de merde. Il s'agit bien d'un dessin représentant une merde, un étron, une crotte si vous préférez) : " Le Pen la candidate qui vous ressemble " (voir ICI). Charlie Hebdo, ce journal, moribond, tirant à 30.000 exemplaires, est devenu, le 7 janvier 2015, le symbole de la liberté d'expression !
   Justement, revenons à cette chère liberté d'expression absolue (en France, 400 textes de lois la régissent !) et à mes premières lignes : elles ne sont pas de moi, ni même de Dieudonné, et encore moins de Philippe Tesson qui, le 14 janvier 2015, au micro de Radio Classique a dit : " D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité, sinon des musulmans ? On le dit, ça ? Eh bien moi, je le dis ! Je rêve ou quoi ? C’est ça notre problème actuellement, c’est les musulmans qui mettent en cause la laïcité ! C’est les musulmans qui amènent la merde en France aujourd’hui ! ".
Je n'ai donc fait que reprendre ses termes en remplaçant "musulmans" par "juifs". A l'heure où j'écris ses lignes, Philippe Tesson a déjà été invité sur France-Inter et Europe 1 pour s'expliquer. Dieudonné, lui, n'a pas eu cet honneur pour certains de ses propos tout aussi répugnants. A la date de cet article, si le parquet à tout de même ouvert une enquête, je n'ai pas connaissance de mesure prise par un quelconque Ministre de l'intérieur pour empêcher Philippe Tesson de s'exprimer publiquement, ni même de plainte déposée par la LIgue Contre le Racisme et l'Antisémitisme (LICRA), pourtant prompt à porter plainte contre Dieudonné et qui fût prompte (mais déboutée) à porter plainte contre Siné. Mais peut-être M. Tesson, 82 ans, est-il trop âgé ? Mais alors ces circonstances atténuantes ne seraient donc applicables qu’aux éditorialistes multicartes, honorablement connus du milieu ? Pas la moindre indulgence, en effet, pour la collection de semi-débiles, qui ont écopé de condamnations à de la prison ferme au même moment. C'est le cas :
   De ce déficient mental, bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé, à Bourgoin-Jallieu (Isère) : six mois FERME pour avoir dit “Ils ont tué charlie, moi j’ai bien rigolé. Si je n’avais pas de père ni de mère, j’irais m’entraîner en Syrie”;
   De cet individu qui s'autoproclame fils de Ben Laden, avec lourds antécédents psychiatriques, à Paris : trois mois FERME pour avoir dit “ quand je vois des bombes qui explosent et des policiers qui crèvent, je rigole” ;
   Ou encore celui-ci : trois mois FERME pour avoir écrit sur son mur facebook : “On a bien tapé, mettez la djellabah, on ne vas pas se rendre, il y a d’autres frères à Marseille” ;
 Ou Ahmed, 8 ans, convoqué au commissariat de Nice pour avoir dit "Je suis avec les terroristes"mais qui, interrrogé, ne sera pas capable de dire ce qu'est un terroriste !
   Etc,
   Aucun de ces dangereux individus prestement condamnés (je prends le pari que pour Philippe Tesson, la justice sera plus lente et plus clémente) n'a eu une invitation de repêchage à France InterEurope 1 ou ailleurs. Car bien sûr cette présumée apologie du terrorisme faite par des gamins dans l'enceinte de leur classe est bien plus dangereuse que ces incitations à la haine raciale sur des médias grands publics !!!
   Pour finir, merci à l'humoriste Didier Porte, qui, viré de France-Inter, sévit désormais chezMédiapart et Arrêt sur images, et dont la chronique vidéo (5'50") m'a inspiré ce billet. Merci également à Daniel Schneidermann dont la chronique Tesson, la solution du chiffon m'a apporté certains éclairages. Vous retrouverez les liens sur ces deux chroniques sur le site les-crises : Nouveau dérapage antisémite de Dieudonné ? par Didier Porte.
   Depuis le 11 janvier, je me demandais ce qui avait poussé 4 millions de français à descendre dans la rue, ce qui avait poussé ces centaines de milliers d'autres à s'identifier à Charlie. A ce jour, en dehors de la peur, je crains que cet élan collectif n'aura pas servi la liberté d'expression. A moins de considérer que le million d'euros publics dont va bénéficier Charlie Hebdo - qui ne recevait pourtant jusqu'alors aucune subvention publique - va servir le pluralisme de la presse. Je crains bien au contraire que cet élan collectif va justifier, au nom de la lutte contre le terrorisme, les pires lois liberticides. Pour mémo : 14 lois ont déjà été promulguées en ce sens depuis 1986, la dernière datant de novembre 2014 !
   La liberté d'expression ne restera qu'une coquille vide tant que les médias indépendants ne pourront compter sur le soutien sans faille de nombreux citoyens pour les financer (et les défendre lorsqu'ils sont traînés en justice).

   Les commentaires, surtout critiques, sont ouverts et bienvenus ci-dessous.
______________
Note sur la liberté d'expression et de la presse en France :
Il n’existe pas, en tous cas en France, de principe général de la liberté d’expression. Présenter un tel principe comme l’un des apports de l’universalisme occidental est une filouterie. La loi sur la liberté de la presse, qui régit cette question, lui donne des limites : il est interdit – et pénalement sanctionné – de diffamer autrui ou de l’injurier ; il est interdit d’inciter à la haine raciale. Injures, diffamations, incitations à la haine, sont d’autant plus interdites qu’elles visent des groupes particuliers à raison de leur appartenance réelle ou supposée à une race, à une religion, à un peuple, ou à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur état de santé, etc.